LVI. Bhàs : Il est temps.
Je fronce des sourcils. Les flammes que vient d'allumer Apocalypse montent haut dans la salle, comme si elle cherchait à atteindre la voûte.
Je prends alors le temps d'observer l'endroit dans lequel nous nous trouvons. Pour avoir ne serait-ce qu'entre-aperçu l'endroit où étaient enfermés les péchés capitaux, je peux dire que cet endroit lui ressemble énormément tout en étant... différent. Quatre immenses statues se dresse aux points cardinaux de l'immense pièce ronde. Quatre statues représentant mes frères et moi même. La mort dans son habit noir et sombre armée de sa faux ; la guerre dans son armure, portant heaume et épée ; la maladie dissimulée sous son masque de peste et enfin la misère et son masque noir, parée d'un mentaux orné de pierre précieuse tenant en ses mains une balance. Je reste un instant surpris par ces représentations. Qui donc a bien pu créer cet endroit ?
C'est là que je remarque l'étrange estrade de pierre, ronde et élevée d'un mètre au centre de la salle. Tout ceci est bien étrange. Trop peut-être ?
Je resserre ma prise sur le manche de ma faux, détaillant toujours la scène. Ce lieu semble surréaliste. Quelque chose de profondément mauvais sature l'air et les sculptures sont tant représentatives qu'il est impossible qu'un humain en soit responsable. Sans parler de la hauteur sous plafond inqualifiable et de toute cette mise en scène. Nous ne sommes pas là par hasard, c'est certain. Mes frères semblent penser la même chose puisque Tinneas marmonne à voix basse :
« Où diable sommes-nous ?
Le regard taquin de l'entité se pose sur lui et elle sussurre :
- Ne parle pas du diable, ce serait me donner des idées dîtes impures. Et puis, je vous l'ai dit, il s'agit de l'Ultime prison.
- Et nous sommes censés savoir ce dont il s'agit ?
Je hoche la tête pour appuyer les dires du cavalier de la maladie. Outre son allusion à sa relation avec son seigneur des ténèbres, son ton mystérieux et son peu d'entrain à nous expliquer me titille. Si elle aime à faire planer le mystère pas sûr que cela soit le moment. Et si je sais encore brider mon impatience, mes frères sont moins connu pour en être capable. Apocalypse nous jauge un instant de son regard intransigeant avant de nous servir un sourire éclatant de cruauté. Puis elle fait volte face, admirant la statue lui faisant face, c'est à dire la mienne. Sa voix s'élève dans la salle sans plafond amplifié par la forme circulaire du lieu :
- Comme vous le savez déjà, je ne conservais pas toute ma puissance avec moi, dans mon palais de ténèbres. Cela aurait été un comble si dans mon exile j'étais aussi forte qu'à ma création.
Je hoche affirmativement de la tête, attendant la suite. Je remarque que mes frères sont tout aussi impatient. Et il y a de quoi... Apocalypse ne nous jette pas un seul regard, dos à nous, continuant d'observer la salle. Son ton posé est en totale contradiction avec la tension de ses muscles. Elle est excitée, impatiente et ne tient plus en place. L'impératrice du chaos poursuit, énonçant des faits que nous connaissions jusque là. Jusqu'à que ce qu'elle évoque la clé.
- Mes pouvoirs reviennent petit à petit et comme vous le savez, la terre tremble lorsque je les ai tous à nouveau en ma possession. Vous étiez là à chaque fois, cela ne vous est pas méconnu.
- Exactement ! Dans ce cas, quel rapport avec cet endroit et cette clé ? grommelle Cogadh, triturant le pommeau de son épée sans se soucier du léger haussement de sourcils d'Apo qui le regarde de travers en se dévissant le cou pour pouvoir nous voir.
Pourtant je suis de son avis. Je ne vois toujours pas ce que nous venons faire là. Nul doute que nous le découvrirons bien vite. Je pose une main sur le poignet du cavalier de la guerre pour l'inciter à se taire tandis que la créature à la chevelure flamboyante qui nous sert de reine reprend d'un ton égal à elle même :
- Je disais donc que tous me reviennent. Ou tout du moins... Tous sauf une minuscule part d'eux. Prisonnier ici depuis... des millénaires.
Dain' s'étouffe brusquement à cette annonce. Ses yeux s'allument d'un étrange éclat tandis qu'il s'exclame :
- Pardon ?
- Tu m'as bien entendue pourtant. Mais soit ! Une dernière partie de mes pouvoirs est enfermée ici. Dans l'Ultime prison. Et la clé que j'ai utilisé et que m'a gentillement remis Avarice n'est autre que celle de l'Arche menant à ici. Pas de gardien pour cette prison. Ils sont trop facilement corruptibles.
Elle m'adresse un clin d'œil auquel je répond en levant les yeux au ciel. Je ne me fais pas d'illusion quant au fait que, malgré la protection relative que m'offre l'ombre de mon capuchon, elle ait surpris mon geste. Apo' n'en laisse cependant rien paraître. Elle se détourne de moi pour poser son regard sur les trois autres cavaliers. Une moue moqueuse sur le visage, elle interroge :
- Voyons donc, quelqu'un aurait-il deviné pour quel but sommes-nous là maintenant ?
- C'est évident non ? Pour que tu puisses récupérer cette part de toi.
Le grognement exaspéré de Cogadh m'arrache un sourire. Le petit jeu de l'Apocalypse, toujours aussi abstrait à nos yeux après des siècles, a toujours provoqué de telle réaction chez le cavalier de la Guerre. Je soupçonne même notre créatrice de faire exprès parfois. La voilà d'ailleurs qui se fend d'un sourire mimant à la perfection l'attendrissement tandis qu'elle s'écrie, narquoise :
- Bien joué mon mignon ! Et vous trois, prenez donc exemple sur lui !
Elle plisse soudain des yeux et dévoile ses dents en un rictus. Sa voix se fait bien plus rauque et éraillée quand elle poursuit :
- L'un de vous saurait peut-être comment procéder ?
Cette fois-ci aucune réponse ne fuse ce qui me laisse le temps de détailler à loisir l'entité du chaos. Nul doute, ce qui va se passer va être monumentale. Pourtant je ne peux m'empêcher de ressentir du doute. Si nous sommes là c'est qu'elle aura besoin de nous pour cela. Je l'observe saisir sa jupe et la relever légèrement le temps qu'elle monte sur l'estrade. Malgré le vieillissement qui s'est opéré dernièrement, elle est toujours de petite taille et sa silhouette est si svelte qu'elle en paraîtrait fragile. Quelle fausse image... Je dois bien avouer que son apparence cette fois-ci avait de quoi rendre fou de désir même la mort. Je trépigne, plus vite nous en aurons fini ici, plus vites nous gagnerons la bataille, plus vite cette Terre nous appartiendra et plus vite elle changera. Me tirant de mes pensés, l'Apocalypse s'adresse à nous tous :
- Que chacun de vous se place au pieds de la statue lui correspondant. Tenez vous prêts mes mignons. C'est là que les choses deviennent intéressantes.
Nous obtempérons. Mois qui suis pourtant grand de taille, j'ai la soudaine impression d'être... petit face à ce colosse de roche. Les détails de la statue représentent à merveille les moindres ondulations de ma cape sombre. J'effleure la pierre sombre du bout de mes doigts squelettiques et un sourire désabusé naît sur mes lèvres. Si nous détruisons toute vie, la mort n'aura plus cette apparence. Je ne l'aurai plus. Alors je changerai.
L'entité du néant requiert soudain notre attention. Elle ferme un instant les paupières et souffle :
- Mes chers cavaliers... le moment est venu. Libérez vous.
Comme si ce mot déclenchait quelque chose en nous, une vague puissante de magie se dégage soudain de nos corps pour venir frapper Apo' sur son promontoire. Son sourire s'agrandit et elle bascule la tête en arrière. Une colonne de lumière jaillit soudain la projetant dans les airs et la voilà maintenant qui flotte, bras écartée tandis qu'une puissance jaillie de nul part, afflue autour d'elle. J'écarquille les yeux. Moi qui pensait que rien ne pourrait plus m'étonner... J'en ai le souffle coupé.
Je sens que ce phénomène puise en partie son énergie en moi. Une lumière sombre m'entoure. Et un seul coup d'œil aux autres cavaliers suffit à me confirmer qu'il en est de même pour eux. Mon attention se reporte sur Apocalypse. Ses cheveux rouges s'agitent avec violence, ses yeux luisent d'une étrange manière, mais ce sont surtout ses veines qui me frappent : elles semblent noircir par vague, comme si quelque chose circulait en elles. Les doigts de l'entité du néant sont crispés tandis qu'elle se laisse transpercée par toute cette magie... Elle qui disait que seule une petite part se trouvait ici... Brusquement notre sublime créature rabaisse la tête. Son regard aveugle se pose sur nous tandis qu'un sourire tord ses traits qui sont, exceptionnellement, d'une laideur si poussée... Qu'elle en deviendrait belle.
Et puis tout explose. La déflagration est si puissante que l'Ultime prison en tremble. Nous nous retrouvons aveuglés par l'éclair qui déchire les airs. Je titube violemment et me rattrape à la statue dont même la roche s'est fissurée. Un filet de poussière me tombe dessus.
Je grogne en me rééquilibrant alors que tout redevient à la normale. Parmi l'immense nuage de poussière qui règne en maître au centre de la salle. Je parviens enfin à discerner une silhouette. Et quand enfin le nuage se tasse, Apocalypse nous apparaît, avançant vers nous d'une démarche féline. Sa chevelure écarlate flotte autour de sa tête comme si elle était agitée par un vent que nous ne ressentons pas. Elle s'arrête devant nous, le menton relevé et pose les poings sur ses hanches. Elle semble grandie... Et puis son aura écrasante s'étend dans toute la pièce. J'échange un regard avec Cogadh, Bochdainne et Tinneas et sans plus nous concerter, nous nous agenouillons devant sa puissance, l'échine courbée.
Un sourire cruel et victorieux étire les lèvres de cette entité du chaos emplie de puissance qui nous fait face. Apo' nous fait signe de nous relever et alors que nous obéissons, elle murmure :
- Le temps mes mignons. Êtes vous prêts ?»
Aucun de nous ne répond. Nul besoin. Nous le sommes depuis le début.
Hey
La fin approche... D'ailleurs elle est déjà entièrement écrite, aussi, viendra-t-elle vite ;)
J'espère que ce chapitre du point de vue de notre cher cavalier de la Mort vous a plu ^^
Merci de votre lecture !
À bientôt,
Dredre
30 Juillet 2019
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