Bonus III. Mort : Attrape moi si tu peux...

Avant : -120 000 lunes (lors d'une tentative)

La mort ne s'attrape pas comme une maladie.

Elle se sème, comme un champ de blé sous le soleil mourant d'automne. Elle se cultive avec art et passion. Et elle se fauche. D'un geste précis. À son apothéose. Au moment où la vie s'échappe d'un être. Voilà ce qu'est la mort. Pas un simple instant. Mais un processus de toute beauté dont je suis l'ange. Dont je suis le maître. Dont je suis l'instigateur.

La mort ne s'attrape pas comme une maladie.

Elle se révèle d'un coup, furieuse, après avoir pris le temps de se frayer un chemin à travers les méandres de la Vie. Après que j'ai trouvé comment mettre à mal ma si jolie alter ego. Que je hais. Que j'aime. Que j'anéantis.

La mort ressemble à une boule de roches et de feu qui évolue dans le ciel, attendant que sa maîtresse, chaos lui donne l'ordre de frapper. Le glas des vivants. Le plan d'Apocalypse.

Sous mes yeux, dans une vallée qui semble ne pas connaître de fin, tout ce qui est mort se côtoie. C'est assez étrange parfois, de se dire que les mondes se superposent et que celui qui est le mien n'est qu'horizon de ténèbres. Des pénombres dirigées par la Mort elle-même. Je crois que j'avais été capable d'éprouve quoique ce soit, j'aurais pu sentir de la fierté. Mais je ne suis qu'un squelette drapé d'ombre, sans chair, sans cœur. Sans émotions ni scrupules. Un être terrible et meurtrier. Et par tous les mondes, je suis doué pour être la Mort.

Je soulève ma faux et souffle sur la lame d'argenté. Aussitôt, les âmes emprisonnées de mes victimes s'envolent s'évaporant dans les airs de ma vallée maudite. Un ricanement m'échappe. Tout ce qui fut vivant un jour se trouve ici. Je possède le royaume le plus peuplé de l'univers. Je suis sûr que mes frères en sont jaloux. Surtout Misère qui aura beau voler les richesses du monde en provoquant famines et sécheresses qui mettent à mal animaux comme oiseaux, et n'aura jamais autant que j'ai. Je crois qu'être son petit préféré m'apporte peut-être de nombreux avantages.

Ma mission ici étant terminée, je lève mon visage vers le ciel. Aussitôt celui-ci se couvre de nuages sombres et le tonnerre gronde. La foudre déchire alors les cieux comme si ceux-ci étaient éventrés, fonçant vers moi. Au moment même où l'éclair me frappe, je disparais. Disparaissant. Purement et simplement.

Lorsque la foudre frappe à nouveau le sol, me laissant me matérialiser, c'est dans une plaine aride, sombre. Le sol semble brûlé, détruit. Lors d'une de ses précédentes Apocalypse, c'est là que l'impératrice du chaos a déclenché son plan. Un plan qui lui avait valu une victoire incroyable sur son ennemie. Revenir ici alors que les heures sont si graves semble ironique. Ce n'est pas aujourd'hui que ma maîtresse réitérera sa réussite. Nous n'avons pas été à la hauteur. Soudain, une voix sévère interrompt le lourd silence.

« Mort !

J'aurais pu sursauter si je n'avais pas été un cavalier de l'Apocalypse. Je me retourne pour faire face à la créature qui me fait face. Sa chevelure d'encre flotte autour de son visage marqué par la violence tel un nuage de mauvais augure. Son corps semble dissimulé par un immense écran de fumée. Ses yeux blancs laiteux me dévisagent d'une étrange façon. Cette fois-ci, l'apparence d'Apocalypse est des plus surprenantes. Elle et sa sœur ont pris une forme qu'elles qualifient d'humanoïdes. J'ai cru comprendre qu'Avènement avait eu pour projet de créer des créatures semblables par la suite. À la seule condition qu'elle l'emporte cette fois encore. Je m'incline face à ma reine. Un sourire enjôleur vient étirer ses lèvres fines.

- Que fais-tu ?

- Je réfléchis.

Elle fronce des sourcils, peu convaincue.

- À quoi ?

- À la Mort.

Elle s'avance d'un pas. Un courant d'air vient balayer le bas de ma cape.

- Et à la Vie ?

- Peut-être...

Encore un pas dans ma direction. Cette fois-ci, et pour la première fois depuis des lunes, je ressens une vague chaleur se propager dans mon être. Apocalypse a dû s'en rendre compte. Son sourire s'élargit encore tandis qu'elle se tourne. Je ne peux m'empêcher de la suivre du regard, les orbites vides qui me servent d'yeux aimantées par sa silhouette diabolique. La fumée qui l'enrobe semble s'évanouir quelque peu. Dévoilant une parcelle de sa peau.

- Je sais qu'il y a quelque chose d'autre.

J'acquiesce avant d'avouer, d'un ton neutre :

- Je pense à notre échec.

L'entité se fige. Un instant, je crois voir sur son visage une expression de pure déception vite remplacée par son masque imperturbable. Elle chasse ma remarque d'un geste de la main avant de persiffler :

- Ce qui ne nous tue pas, nous rends plus fort. En tant que cavalier de la Mort, tu dois en savoir quelque chose.

Je me demande un instant ce qui se passerait si la lame de ma faux venait faucher ce corps presque parfait. L'entité du chaos n'en serait sûrement nullement impactée. A-t-elle seulement une faiblesse ?

- Que comptes-tu faire maintenant ?

Elle soupire de dépit. Son regard se lève vers le ciel nocturne. Dans le ciel les étoiles sont sur le point de s'aligner à nouveau.

- J'ai perdu... Avènement a su m'arrêter avant que je ne puisse mettre la main sur l'entièreté de mes pouvoirs. Une fois encore. Il ne me reste tout au plus que quelques instants. Tes frères sont en train de détruire tout ce qu'ils peuvent détruire à l'instant même. Autant causer le plus de dégât. De toute façon, vous restez libre. Ce qui est loin d'être mon cas.

- Nous envierais-tu ?

La taquinerie ne lui échappe pas. Une ombre vient obscurcir ses prunelles blanches. À nouveau, elle s'approche de moi. À la fois menaçante et attentive.

- Tu ne sais même pas à quel point.

- Je ne pensais pas que tu en viendrais à envier quelqu'un... j'avoue. Après tout, tu es la toute puissante. À l'exception des victoires de ta sœur, tu n'as rien à envier à quiconque.

- Tu oublies la liberté. Votre liberté.

Sa grimace laisse entrapercevoir ses dents dans une expression guerrière, avide de violence. Elle aimerait avoir une nuit de plus. Si elle avait eu ce laps de temps, elle aurait pu mettre la main sur ses pouvoirs enfermés quelque part sur cette Terre. Elle en est certaine. Apocalypse y était presque. Encore une fois. Je crois que plus elle échoue, plus elle est déterminée à tout détruire. Je ne peux qu'en être satisfait. Être au service du néant est un honneur immense. Mes frères et moi lui sommes dévoués de tous nos maudits êtres noircis par le mal.

- Il te reste moins d'une heure, ma reine. Je réitère ma question : que comptes-tu faire ?

Son regard vrille le mien. Cette-fois, bien plus qu'une simple illusion, je ressens vraiment. Quelque chose qui nait dans ma poitrine et se diffuse lentement. Je ne pense pas avoir déjà éprouvé cela auparavant. Mais plus Apocalypse s'approche, plus ce sentiment se diffuse, comme un venin. Ça devient brûlant, prédominant. Quelque chose difficile à rassasié.

Soudain, je parviens à mettre un nom dessus.

Désir !

Surpris je lâche ma faux qui tombe dans un bruit métallique. L'entité du néant relève le menton dans une attitude de défi. Sa voix est rauque lorsqu'elle murmure :

- Et toi, mon agneau, que désires-tu faire ?

Un nouveau pas dans ma direction. Elle est si proche que j'en suis troublé. D'ordinaire, je ne ressens rien de cela. Il n'y a toujours eu qu'Apocalypse, mes frères et moi-même. Ce genre de sentiment, d'émotion m'est presque inconnu. Je sais que c'est elle qui les contrôle. Elle en est la cause absolue.

- Ne réponds pas à ma question. » ordonne la cruelle créature tandis que la fumée qui l'entoure s'évanouit.

Au moment même où ses mains se glissent sous ma cape, que mes os se couvrent de chairs et qu'un souffle s'échappe d'entre mes lèvres, chose inouïe, je sais que j'ai perdu.

La mort ne s'attrape pas. Pourtant, Apocalypse m'a eu !

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Hey ! Comment allez-vous ? J'espère que vous avez pris soin de vous en ces temps difficiles...

Après des mois d'absence, je reviens avec un petit bonus simplement pour le plaisir de retrouver deux de mes petits personnages. J'espère qu'il vous aura plu ^^

Merci pour votre lecture,

Prenez bien soin de vous,
À bientôt,

Dredre

30 mai 2020.

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