Smoke on the water


Tout le monde, je crois, connaît la chanson du groupe Deep Purple « Smoke on the water », avec son fameux rif de guitare, peut-être le plus célèbre de toute l'histoire du rock.

Mais savez-vous dans quelles circonstances bizarres est né ce tube enregistré en 1971 et paru en 1972 ?

Comme ce n'est pas banal, que c'est ancien et que la moyenne d'âge du site est jeune, je ne vous en voudrai pas si vous me dites non.

Et comme vous m'êtes sympathiques et que je vous sens impatients de connaître ces faits, je m'en vais vous les narrer, ainsi que dirait un mien ami de la Belle Province (Québec).


Alors voilà, le 3 décembre 1971 débarquent à Montreux (une petite ville suisse magnifique du canton de Vaud, sorte de riviera sur les bords du lac Léman où a lieu chaque année un festival international de musique) les membres du groupe de rock Deep Purple.

Ils arrivent avec un studio d'enregistrement mobile (un gros camion bourré de matos, quoi) loué aux Rolling Stones.

Des tas d'autres groupes célèbres comme Led Zeppelin, Bob Marley, Fleetwood Mac... se sont d'ailleurs servis de ce studio unique à l'époque.

Les Deep Purple viennent ici enregistrer leur prochain album, « Machine Head », en comptant utiliser en partie les locaux du célèbre casino de la ville.


Le lendemain, le soir du 4 décembre 1971 donc, ils sont tranquillement assis dans le casino transformé en salle de concert, en train de regarder Franck Zappa et les Mothers of Invention qui jouent sur scène.

On a poussé les tables de roulette et de black jack et dégagé une partie de la salle de jeux pour installer plus de spectateurs dans le casino qui n'est pas bien grand. Il se trouve là une grande horloge à eau assez étrange, remplie en fait d'un liquide coloré et glycériné.

Soudain, alors que le concert bat son plein, un illuminé qui se trouvait parmi les spectateurs, sans doute surexcité par le spectacle (apparemment un gars d'un pays de l'Est qui était en compagnie d'un autre homme et d'une femme) tire deux coups de feu avec un pistolet de détresse, dont le second coup en l'air, dans le plafond.

La fusée de détresse tirée en l'air embrase aussitôt le plafond qui, semble-t-il était fait en bambou ou quelque chose de similaire, et le feu se propage en quelques instants.

Franck Zappa pose sa guitare par terre calmement et dit : « Fire » avant de quitter la scène suivi par les Mothers of Invention.

Puis on évacue tout le monde à toute vitesse, avec l'aide efficace de l'organisateur, Claude Nobs.

La chaleur fait soudain exploser la grosse horloge et le liquide glycériné enflammé propage le feu partout.


Aucune victime, heureusement...

Mais tout le monde est sous le choc, dont les Deep Purple qui en plus voient là leur projet d'enregistrement réduit en cendres car si, en quelques minutes, des nuées de camions de pompiers arrivent, il est déjà trop tard : le casino de Montreux, édifié en 1881 et inauguré en 1886, n'est plus qu'un gigantesque brasier dont on ne pourra rien sauver.


Coup de chance, deux roadies fort avisés ont eu la bonne idée de déplacer le studio mobile des Stones en ouvrant les portières on ne sait trop comment, afin de le mettre à l'abri des flammes !

Les Deep Purple se retrouvent alors installés au Pavillon, une salle de concert en plein centre ville, mais le bruit qu'ils font en essayant d'enregistrer, notamment pendant la nuit, dérange tout le monde et ils se font proprement virer par les flics après n'avoir mis dans la boîte qu'une seule chose : un morceau instrumental tournant autour du fameux rif de guitare...

Oui oui, c'est celui que vous connaissez.


On finit par les installer au Grand Hôtel qui est normalement fermé à cette époque et se trouve donc être une espèce d'immense glacière vide où ils vont passer deux semaines à enregistrer le reste de l'album comme ils le peuvent.

On dit qu'ils ont même calfeutré les fenêtres avec des matelas, utilisant tous les moyens du bord pour obtenir un semblant d'acoustique.

A la fin, il reste 7 minutes de piste libre sur le disque, ce qui fait évidemment tousser le producteur, mais seulement 24 heures de présence possible à Montreux.

Ils ne savent pas trop quoi faire du morceau instrumental mis dans la boîte au Pavillon et c'est là que le bassiste du groupe Roger Glover et le chanteur Ian Gillan ont l'idée géniale de mettre en paroles, sur ce morceau, ce qui est arrivé au casino, c'est-à-dire l'incendie qui les a traumatisés.

On retravaille en vitesse le morceau qui devient « Smoke on the water ».


Si vous lisez les paroles, vous vous rendrez compte qu'il s'agit de la très exacte description de ce qu'il s'est passé :

We all came out to Montreux

On the Lake Geneva shoreline

To make records with a mobile

We didn't have much time

Frank Zappa and the Mothers

Were at the best place around

But some stupid with a flare gun

Burned the place to the ground

Smoke on the water, a fire in the sky

Smoke on the water


They burned down the gambling house

It died with an awful sound

Funky Claude was running in and out

Pulling kids out the ground

When it all was over

We had to find another place

But Swiss time was running out

It seemed that we would lose the race

Smoke on the water, a fire in the sky

Smoke on the water


We ended up at the grand hotel

It was empty cold and bare

But with the Rolling Stones truck thing just outside

Making our music there

With a few red lights and a few old beds

We make a place to sweat

No matter what we get out of this

I know we'll never forget

Smoke on the water, a fire in the sky

Smoke on the water



« Fumée sur l'eau, un feu dans le ciel ».

Je ne vous ferai pas l'injure de traduire le reste, tant c'est facile à comprendre.


L'album « Machine Head » ne rencontrera qu'un succès relativement mitigé lors de sa sortie en 1972, la chanson mise en avant comme pouvant devenir un hit potentiel (« Never before ») ayant notamment mal marché.

Ce n'est qu'un an plus tard que la maison de disques des Deep Purple décide de sortir « Smoke on the water » en single, et là, on connaît la suite.


Voilà vous savez tout sur cette affaire. Ou presque...


Pour la petite (ou la grande ?) histoire, le « funky Claude » auquel font référence ces paroles est évidemment Claude Nobs dont j'ai parlé plus haut.

Ce grand Monsieur était le fondateur, l'organisateur et le directeur du festival de jazz de Montreux, un évènement devenu célèbre dans le monde entier depuis longtemps, grâce à lui.

Le genre de gars qui a côtoyé à peu près tout ce qui, en étant connu, tient un instrument de musique ou un micro.

Le genre de gars qui tutoyait Mick Jagger et des gens comme cela, vous voyez le genre...

Bref, quelqu'un à qui la musique et les musicos doivent pas mal, à ce qu'il me semble en tout cas.


Eh bien figurez-vous que malheureusement, le 24 décembre 2012, Claude a eu un bête accident de ski de fond.

Il est resté dans le coma jusqu'au 10 janvier 2013, date à laquelle il est décédé à l'hôpital de Lausanne, à l'âge de 76 ans.

Après une vie pareille. On est tout de même bien peu de choses en ce bas monde...


La municipalité de Montreux lui a rendu hommage en nommant une partie de la Grand'Rue « Avenue Claude Nobs ».

Enfin, si vous vous promenez le long du lac, près du nouveau casino de Montreux (il a été reconstruit en 1975 un peu plus bas que l'autre), au bas de la place du marché, vous verrez une sculpture en son hommage, figurant à côté de celle de Freddie Mercury (érigée elle en 1996) sur la promenade des quais, Freddie ayant lui-même passé les dernières années de sa vie à Montreux avant d'être emporté par le Sida.


Cette fois vous savez tout.









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