Les détails qui tuent #1#

Lorsque vous préparez l'oral d'un concours, surtout administratif, et quel qu'en soit le niveau, on s'échine à vous le répéter cent fois :

« Vous devez essayer de gommer de votre comportement, de votre apparence, de votre langage surtout, tous les détails qui pourraient trahir, aux yeux du jury, votre appartenance sociale ».

Le plus neutre possible : c'est le mot d'ordre.

Ce n'est pas qu'il faille perdre toute identité, mais cela évite que certains membres du jury (qui ne le devraient pas, je vous le concède, mais que voulez-vous, il s'agit d'humains) vous jugent sur des critères qui n'ont rien à voir avec votre valeur pure, du genre « regarde-moi cette bourge qui se la raconte, prout prout ma chère » ou bien encore « eh ben, bonjour la cité celui-là, wesh wesh ».

Bref, moins ils en savent sur vous en dehors de ce que vous êtes venus démontrer, c'est-à-dire vos compétences, mieux cela vaut.

Il y a bien sûr des choses que vous ne pourrez pas gommer : si vous avez l'accent chantant des cigales du midi ou celui charriant le torrent de cailloux du Béarn, tant pis, ou tant mieux.

Mais il est en revanche indispensable de bannir les « Bien le bonjour m'sieurs dames » ou « Je vous souhaite la bonne journée mesdames et messieurs ».

Je pense que tout le monde comprend cela.


Eh bien à l'écrit, c'est exactement pareil : vous pouvez avoir une expression écrite plus que respectable, il est des fautes qu'il faut éradiquer définitivement de vos écritures.

De ces petits riens que même les journalistes (surtout les journalistes, devrais-je dire) vous serinent à longueur de journée, finissant par vous persuader de leur caractère correct, grammaticalement ou orthographiquement parlant.

De ces petits riens qui n'en sont pas puisque, soyez-en sûrs, ils trahiront immanquablement vos lacunes aux yeux de l'amoureux de la belle lettre qui ne manquera alors pas de vous ranger dans la catégorie des gens qui se voudraient lettrés mais qui ne le sont pas vraiment.

Avouez que c'est ennuyeux de passer pour un adepte de l'approximation uniquement parce vous écrivez « voire même » au lieu de « voire » tout court, et cela parce que vous l'avez entendu dire, à tort, au moins dix mille fois...

Aussi, sans vouloir me faire ici passer pour le parangon de toutes les vertus, ni pour un descendant direct de Vaugelas, je ne crois pas inutile de dresser une petite liste, ô combien non exhaustive (toute autre suggestion est bienvenue), de quelques erreurs parmi les plus couramment lues (ou entendues), et faciles à proscrire en faisant un peu attention.


En voici, pour l'heure, quelques-unes. Je compléterai la liste si la chose intéresse suffisamment de monde.


« Voire même » : comme je viens de le dire, cette tournure, que vous entendez à longueur de journée, est incorrecte. En effet, l'adverbe « voire » signifie « et aussi » ou « et même ». Si vous dites « voire même », cela revient donc à dire «et même même ». Il faut donc dire ou écrire, dans l'exemple suivant : « Cette histoire n'est pas drôle, voire sotte ».

« Une tâche sur mon jean» : est incorrect, le mot tâche avec un accent circonflexe signifiant « travail ». Cette faute est très courante. Il faut donc écrire « une tache sur mon jean ».

« Il y a du suspens » : est incorrect pour parler de l'attente angoissée de ce qui va se produire, « en suspens » voulant dire « suspendu ». Ecrivez « Il y a du suspense », avec un "e" au bout, donc.

« Autant pour moi » : l'expression vient d'une situation militaire où l'un des soldats a du retard pour se synchroniser, par exemple en se mettant au garde-à vous. On reprend donc la manœuvre, le coupable disant « au temps pour moi » puisqu'il était en retard sur le tempo. Il s'agit là de l'expression correctement orthographiée. Cette faute est extrêmement courante.

« Quoi que » ou « Quoique » : je n'entrerai pas dans les détails, car un moyen mnémotechnique simple existe : si vous pouvez, dans la phrase, remplacer l'expression par « bien que » (donc en deux mots), eh bien c'est qu'il faut écrire en un mot, soit « quoique ». Exemples :

1) «Quoi qu'il en dise, c'est inutile » → on ne peut pas remplacer par « bien que » (« bien qu'il en dise » ne voudrait rien dire), donc quoique est en deux mots.

2) « Quoique j'aie tort, je persiste » → on peut remplacer par « bien que j'aie tort », donc quoique est en un mot.


« Je vous serais gré » : est incorrect. On n'est pas gré à quelqu'un, on lui sait gré (du verbe savoir). Il faut donc dire ou écrire « je vous saurais gré » et bien sûr, au présent, « je vous sais gré » (et non « je vous suis gré »).

« Ca devrait suffir » : ce verbe est du 3e groupe et prend un e à l'infinitif. Ecrivez « ça devrait suffire ». La faute est souvent commise...

« J'ai été punit » : comme « bannir », on écrira « j'ai été puni » et « j'ai été banni ». En revanche, on écrira « il punit l'élève » et « il bannit les fautes de son vocabulaire ».

« Quand j'aurais fini d'écrire, je me reposerai » : à la 1ère personne du singulier, les confusions sont innombrables entre le futur (terminaison la plus fréquente en « ai ») et le conditionnel (terminaison en « ais »). Ici, l'exemple est au futur. Il faut donc écrire « quand j'aurai fini d'écrire, je me reposerai ». L'autre faute la plus fréquente est l'inverse : « quand j'aurai fini d'écrire, je me reposerais » est évidemment incorrect. La manière la plus simple pour essayer de ne pas se tromper est de prononcer la phrase dans sa tête : le « ai » du futur se prononce comme « é », tandis que le « ais » du conditionnel se prononce « è ». Essayez pour voir, ça choque lorsqu'on se trompe...

« Mais pas que ! » : cette expression devenue à la mode est bien évidemment d'une construction grammaticale totalement incorrecte. Ce serait tellement mieux de dire « mais pas seulement ».

« C'est excessivement agréable » : ce genre de tournure emphatique est à proscrire dès lors qu'elle n'a pas de sens réel : l'adverbe « excessivement » signifie « trop ». Comment alors pourrait-on constater que quelque chose doive être qualifié de trop agréable ? Il s'agit en réalité d'une confusion avec « extrêmement », qui sera employé beaucoup plus avantageusement.

« Aller, viens ! » : le verbe « aller » ne peut être employé ici à l'infinitif. Il faut écrire « allez, viens! ».

« Quand à toi... » : ce n'est pas l'adverbe de temps « quand » qui doit être utilisé mais la locution « quant », qui ne s'utilise d'ailleurs que suivie de « à » : « quant à toi... ».

« Payer un lourd tribu » : non, ce n'est pas de la tribu (clan, groupement de familles) dont il s'agit dans cette expression, mais d'un sacrifice, d'une perte. On écrira « payer un lourd tribut ».

« Il en voudrait d'avantage » : est incorrect. Il ne s'agit pas dans cette expression d'obtenir un avantage mais d'obtenir plus que ce que l'on a. Il faut utiliser dans ce cas l'adverbe « davantage », qui s'écrit en un seul mot : « il en voudrait davantage ».

« Me demandé-je », « me demandai-je », ou « me demandais-je » lequel choisir ? C'est simple, si vous écrivez au présent, il faut écrire « me demandé-je », le « é » n'étant alors mis là que pour faciliter la prononciation (on ne peut pas dire « me demande je »). Si vous écrivez au passé (passé simple en l'occurrence, qui suggère une action brève, instantanée), il faut mettre « me demandai-je ». La dernière tournure « me demandais-je » est à utiliser si vous parlez à l'imparfait, qui suggère une action ayant duré dans le temps.


Suite au prochain numéro... si vous voulez.


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