Il m'arrive fréquemment de lire sur Wattpad qu'un tel ou une telle a écrit une nouvelle.

Du moins est-ce ce qu'il - ou elle - indique car, lorsque je vais jeter un coup d'œil à la fiction en question, celle-ci n'a bien souvent de nouvelle que le nom.

Au mieux, il s'agit d'une sorte de petit roman, voire d'un vrai roman, ou encore du récit pur et simple d'évènements réels quand ce n'est pas – si, si, je l'ai vu ! – quelque chose en vers...

Bref, une œuvre qui est tout sauf une nouvelle. Et rangée soigneusement, s'il vous plaît, dans le genre réservé par Wattpad à cette catégorie...

Aussi il ne me paraît pas inutile de rappeler ici, en quelques mots, ce que l'on entend véritablement par « nouvelle », qui est un genre littéraire à part entière :

La nouvelle est un récit d'imagination, en général « court », qui est obligatoirement écrit en prose.

Je devrais plutôt dire « relativement court » parce que si certaines d'entre elles ne comptent que 2 ou 3 pages d'un livre papier (on parle alors plutôt de micro-nouvelles) une nouvelle, qu'elle soit en une ou en plusieurs parties, peut aussi atteindre les 60-80 pages papier, voire plus.

Mais, au delà des considérations sur sa longueur, c'est surtout la concision, la précision et l'efficacité de son écriture qui caractérisent la nouvelle dans sa forme :

- Contrairement au roman, la nouvelle est centrée sur un seul évènement. N'entendez pas par là qu'il ne s'y passe rien, loin de là : il y a un élément pivot et, autour, des incidents.

- Généralement, et c'est là encore une différence avec le roman, les personnages d'une nouvelle sont peu nombreux et brièvement décrits, voire pas décrits du tout.

- L'action est toujours assez simple mais surtout, surtout, surtout, comporte une constante essentielle : elle est construite dans le but de ménager un effet de surprise au dénouement.

On appelle cela la chute.

En d'autres termes, vous l'aurez compris, l'auteur a dans l'idée, dès le départ, de surprendre le lecteur à la fin et il concentre donc toute son histoire à ce dessein.

Dès lors, il va supprimer tout ce qui est inutile à l'atteinte de ce but ultime.

Il préférera par exemple laisser imaginer au lecteur nombre de détails concernant l'aspect physique des personnages plutôt que de retarder son histoire en l'abreuvant de précisions superflues.

Baudelaire, qui a souventes fois traduit Poe, proposait cette analyse de la nouvelle :

« Elle a sur le roman à vastes proportions cet immense avantage que sa brièveté ajoute à l'intensité de l'effet. Cette lecture, qui peut être accomplie tout d'une haleine, laisse dans l'esprit un souvenir bien plus puissant qu'une lecture brisée, interrompue souvent par le tracas des affaires et le soin des intérêts mondains. L'unité d'impression, la totalité d'effet est un avantage immense qui peut donner à ce genre de composition une supériorité tout à fait particulière, à ce point qu'une nouvelle trop courte (c'est sans doute un défaut) vaut encore mieux qu'une nouvelle trop longue. L'artiste, s'il est habile, n'accommodera pas ses pensées aux incidents, mais, ayant conçu délibérément, à loisir, un effet à produire, inventera les incidents, combinera les événements les plus propres à amener l'effet voulu. Si la première phrase n'est pas écrite en vue de préparer cette impression finale, l'œuvre est manquée dès le début. Dans la composition tout entière il ne doit pas se glisser un seul mot qui ne soit une intention, qui ne tende, directement ou indirectement, à parfaire le dessein prémédité. »

(Notes nouvelles sur Edgar Poe, C. Baudelaire).

Je partage cette analyse en tous ses points. Et je la garde constamment à l'esprit en écrivant mes fictions.

Il est évident que si l'on respecte ces fondamentaux, la nouvelle peut être un formidable outil pour perfectionner son style, en particulier sur le plan de la fluidité, de l'efficacité et de la concision comme on l'a dit plus haut.

De plus, elle correspond merveilleusement bien au mode de lecture dite « nomade » que privilégie Wattpad avec son application smartphone.

Si vous débutez ou cherchez votre style, je ne puis donc que vous encourager, avant de vous lancer dans des sagas de 5 tomes avec 90 chapitres chacun, dont vous ne connaissez pas la fin alors que vous en avez déjà écrit les trois-quarts, de vous livrer à cet exercice.

Pourquoi ne pas commencer par un petit one shot ?

Bien sûr, si vous n'aimez qu'à vous livrer à de longues descriptions détaillées, à créer nombre d'évènements imprévus en cours de votre histoire, avec mille personnages en action, et à vous dire que pour la chute, eh bien on verra le moment venu, la nouvelle n'est pas pour vous.

Chacun est libre et il en faut pour tous les goûts.

Je crois pour ma part qu'il est beaucoup plus facile de faire long quand on sait déjà faire court.

Ou pire même : qu'on ne peut faire long quand on ne sait déjà faire court.