6. Le sauveur


Après un petit moment à galèrer avec le plastique de l'emballage de son sandwich, Vincent soupira lourdement et croqua dans son jambon-emmental.

« Mmh ! Si frais ! »

– Si délicat !
continua Rémi.

– Le jambon Herta !

– Les pneus Michelin !

Les deux garçons pouffèrent de rire, sous les yeux surpris de Maxence.

– Moi j'aime bien !
fit le plus jeune en croquant dans son jambon-beurre.

Depuis l'incident de la semaine dernière, ils avaient, d'un commun accord, décidé de ne plus remettre les pieds à la cantine. Depuis, tous les midis, ils rassemblaient leurs pièces de monnaie, et partaient au supermarché de la rue voisine, pour s'acheter des sandwichs et des bananes.

Un mince repas certes, mais ils n'avaient pas le choix.

Assis sur un banc devant l'entrée du lycée, Vincent revint de la poubelle où il avait jeté leurs emballages, et s'affala entre ses deux amis.
Maxence faisait défiler Instagram sur son portable, et Rémi, cahier ouvert sur les genoux, révisait sa leçon d'histoire.

« 20 juin, Serment du Jeu de Paume. Ok... Ensuite... 14 juillet, ouais la Bastille on connaît ça... Fin de la monarchie absolue... Mmhmm... »

Vincent se pencha sur son épaule.

– Tu veux que je t'aide ? Je me fais chier.

Il rencontra les deux yeux joyeux de Rémi.

– Ouais !

Il lui tendit son cahier, et Vincent commença à le faire réviser.

– Ok donc, le 5 octobre, qu'est-ce qu'il se passe ?

Les yeux du bouclé se tournèrent vers le ciel en quête d'une réponse.

– Euh... C'est la merde.

Vincent pouffa de rire.

– Mais encore ?

– Ah, c'est pas... quand le peuple veut du pain ?

– Non, ça c'est après. Le 5 octobre, le roi refuse de signer la DDHC.

– Ah oui ! Et du coup après, le peuple ils vont à Versailles, et le roi il accepte ! C'est ça ?

Vincent ne pouvait contenir son sourire devant l'air enfantin de Rémi.

– Ouais en gros c'est ça. Et après il se passe quoi ?

– C'est encore la merde !

– Rémi ! Fais un effort ! Pense à ta note !

– Ok donc... Après, c'est pas l'ANC ?

– l'Assemblée Nationale Constituante, ouais ! Et elle fait quoi ?

– Des départements.

– Ouais !

– Des mesures pareilles pour partout en France.

– Ouais !

– Et le clergé en pls !

Vincent explosa de rire, tombant à moitié sur Maxence qui cria de surprise sous le poids de son ami.

« Excuse-moi ? Vincent ? »

De qui venait cette voix ?

Rémi envoya un regard agressif vers le jeune garçon qui se tenait debout devant leur banc.

Il avait un cahier bleu dans la main, un sac sur le dos, des cheveux noirs qui semblaient coiffés avec un pétard, et un t-shirt de Pink Floyd.

Rémi aimait Pink Floyd.
Alors il se détendit.

Vincent, quant à lui, se redressa.

– Ah ? Martin !

Le garçon lui tendit le cahier.

– T'as oublié ça en classe. La prof m'a demandé de te le rapporter.

– Oh, merci.

Vincent récupéra son cahier d'anglais et le rangea dans son sac. Alors que Martin allait repartir, Maxence l'interpella.

« T'es pas à la cantine Martin ? »

Celui-ci se retourna, étonné qu'on lui parle.

– Non, j'y vais plus.

– Nous non plus ! Tu manges chez toi du coup ?
continua Maxence avec un sourire.

– Non.

– Tu manges où alors ?

Alors que Vincent allait donner un coup de coude au plus jeune pour l'inciter à arrêter de poser autant de questions, Martin répondit d'un sourire complice.

– Dans mon endroit secret. C'est pas loin et pas cher.

– Tu pourrais nous montrer ?
demanda le plus jeune, sous les regards hallucinés de ses deux amis. Depuis quand Maxence était-il devenu aussi sociable ?

Martin, passa une main dans ses cheveux déjà ébouriffés, hésitant quelques secondes avant de finalement déclarer :

– On se retrouve demain, à midi, devant le lycée.

– Ok ! À demain alors !

Le noiraud remit ses écouteurs avec un petit sourire, et repartit vers les grilles.

– Max ?!

– Quoi ?

– Depuis quand tu te fais des amis aussi facilement ?!

– Je ne sais pas. J'ai senti une connexion alors j'ai foncé.

Les deux plus grands fixèrent avec stupeur Maxence qui avait aussitôt replongé le nez sur son téléphone.

– J'ai qu'un ticket restau de huit euros, tu crois que ça suffira pour demain ?
demanda Rémi.

– T'inquiètes, si c'est pas assez je te compléterai, j'ai un billet de dix et quelques pièces.
fit Vincent en s'étirant, baillant un grand coup.

– Déjà fatigué ?

– Ouais !

Il laissa sa tête se reposer sur l'épaule de Rémi, fermant les yeux dans un soupir apaisé.

– Ça va ? Je te dérange pas ?

– Non c'est bon. T'es confortable mec.

☁️

Rémi attendait, le dos reposant contre les briques du mur du lycée, à coup sûr son sweat aurait une jolie tâche de poussière. Il attendait que les trois autres arrivent. Ne pas être dans la même classe qu'eux, ça craignait vraiment...

Heureusement pour s'occuper, sa playlist courrait dans ses oreilles.
Il réajusta ses écouteurs, et alors qu'il levait les yeux de son téléphone, il aperçut la petite tête châtain et souriante de Vincent arrivant vers lui.

– Salut mec !

– Salut !

Derrière lui, Maxence et Martin en pleine conversation, marchaient d'un pas lent.

– Allez les gars ! Bougez-vous, j'ai faim !

Martin passa devant, et guida tout ce petit monde entre les rues de Nîmes.

« Attends Rémi. T'as une tâche. »

Vincent le retenu par l'épaule, lui frottant vigoureusement le dos de l'autre main.

– Merci.

– De rien !
répondit-il d'un grand sourire, en reprenant sa marche.

C'est dans une petite ruelle esquintée que leur guide, Martin ralentit le pas, s'arrêtant devant une porte en bois et une haute bâtisse en pierre rouge, assez peu rassurante.

Une planche portant l'inscription "Apache" écrite avec de la peinture rouge, barrait le haut de l'entrée.

– Bienvenue, au café Apache !
fit Martin en poussant la porte, qui teinta dans un bruit de clochette, les invitant à rentrer.

Rémi baissa les yeux vers Vincent, qui ne semblait dégager aucune inquiétude.

– On ne devrait pas s'inquiéter de suivre un inconnu comme ça ?
se baissa t-il pour lui demander à l'oreille.

– C'est pas vraiment un inconnu, on est voisin de place lui et moi en cours d'anglais !

Rémi laissa son visage sombrer dans les cheveux de Vincent, étouffant son rire contre les mèches du plus petit, qui souriait, avant de se redresser.

– Oh bah excusez-moi monsieur ça change tout si c'est ton voisin de place ! .. Il va peut-être nous droguer.

Le châtain se tourna vers lui avec un sourire narquois.

– Ce sera un bon prétexte pour essayer !

Rémi avait soudainement une grande envie de prendre les mains de Vincent et de Max, et de fuir loin de ce café qui était sûrement un repère de gang, remplit de toxico et de dealeurs, mais devant le sourire joyeux et innocent de Vincent qui passait le pas de la porte en l'invitant à rentrer aussi, il ne put résister.

Le café Apache n'avait vraiment rien d'amérindien, si ce n'était le nom. Ni même d'un repère de haut criminels.

Une lumière tamisée jaune orangée glissait le long des murs et tables, tout en bois.
Le plafond était très haut, assez haut pour accueillir un deuxième étage en mezzanine auquel on accédait par un vieil escalier à l'apparence grinçante, au dessus du bar.

Une grande ampli dans un coin, qui aurait put faire tache si des petites guirlandes et du faux lierre l'entourant de pars et d'autres, ne la rendait pas moins agressive, caressait leurs oreilles avec une playlist aussi variée que le menu de ce café :

« On va prendre, deux hamburgers avec des frites, une salade thon ananas avocat, et de la soupe de betterave... bortsch c'est ça ? Et une grande carave d'eau s'il te plaît Fred ! »

– Plus un Schweppes pour moi !
rajouta Vincent.

Le serveur, dénommé apparemment Fred, partit, les trois garçons se tournèrent vers Martin.

– Quoi ?

– Tu connais le serveur ?
demanda Maxence.

– Ouais, c'est Fred.

– Ah ouais, donc tu viens vraiment souvent ici !
fit Vincent.

Martin lui fit un grand sourire que le petit châtain lui rendit. Les deux garçons étaient assis côtes-à-côtes.
Rémi ne put s'empêcher de trouver Martin encore plus bizarre...

Leurs plats reçût, Vincent et Rémi croquèrent dans leurs hamburgers, Maxence enleva consciencieusement les bouts de fêta de sa salade, et Martin souffla sur sa soupe pour la refroidir, après avoir remercié Fred.

« Donc vous deux, vous vous plaignez de ne manger que des sandwichs tous les midis depuis une semaine, mais ici vous commandez des burgers ? »
fit remarquer Maxence à ses deux amis.

– Non mais ici c'est de la qualité ! C'est pas pareil !
rétorqua rapidement Vincent, la bouche pleine.

– Non, honnêtement c'est parce que c'était le plat le moins cher !
rigola Rémi.

Le petit châtain lui jeta un regard accusateur en lui donnant un petit coup de pied sous la table.

– Ouch ! Quoi ?
rigola encore le bouclé.

– Sale traître ! C'était notre secret !

S'ensuivit une bataille de coups de pieds, calmée de force par Maxence et Martin.

– Vous ne savez pas vous tenir tranquille deux minutes ?

– Non ! C'est impossible ça !
fit Rémi en piquant une frite dans l'assiette de Vincent, et en la mangeant avec un clin d'œil toujours sous le regard faussement choqué du plus petit.

– Vous êtes vraiment des gosses en fait ! Il n'y a que Maxence qui est un peu mature !
fit remarquer Martin.

Rémi et Vincent manquèrent de s'étouffer.

– Tu rigoles ?!

–  Mais là pour l'instant Maxou il est tout calme ! Mais t'as pas encore vu sa vraie nature !

– Et c'est quoi sa vrai nature ?
demanda Martin en jetant un coup d'œil au plus jeune qui mangeait innocemment sa salade.

– Être un zozo !

– Et toi Martin ? C'est quoi ta vrai nature ?

Celui-ci s'essuya doucement les lèvres avant de répondre.

– Aucune idée.

☁️

• Rémi
"Il est chelou quand même non ?"

• Vincent
"Martin ?"
"Mouais..."
"Non il a l'air sympa."
"Pourquoi tu dis ça ?"

• Rémi
"T'es trop sociable !"

• Vincent
"Et toi pas assez mec !"

• Rémi
":("

• Vincent
":0"

• Rémi
"À demain ! ;)"

• Vincent
"À demain ! :)"

À suivre...

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