22. 3... 2... 1...


C'était le petit matin du 31 décembre, et sur le palier de la porte, ses grands parents le serraient dans leurs bras.

Depuis la soirée de Noël, Vincent était resté chez eux, dans la chambre d'ami, à pleurer toute la rage qu'il avait entassé.

« Je suis qui ? »

Une question qui n'avait pas cessé de tourner dans sa tête.

Aujourd'hui, il rentrait chez lui, son père l'attendait pour le ramener en voiture.
Il fit un dernier bisou à ses grands-parents, se promettant de les appeler plus souvent, et rejoignit la voiture de son père.
Celui-ci ne le regarda même pas, et démarra au quart de tour.

- Le garçon avec lequel tu sors, c'est celui qui était venu dormir à la maison l'autre soir ?

- Tu veux vraiment parler de ça ?

- Je suis fier de toi, vraiment. Peu d'adolescents de ton âge auraient le courage de faire leur coming-out devant toute leur famille et dans une telle situation.

Vincent tourna la tête vers sa vitre, regardant le paysage.

- On ne sort même pas ensemble de toute façon. Je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça.

- Ah...

- Il me déteste.

De retour chez lui, Vincent s'enferma dans sa chambre, et ralluma son téléphone, auquel il n'avait pas touché depuis le soir de Noël.
Une centaine de notifications l'envahirent, la plupart venant de Martin.

Son ami se demandait pourquoi, depuis une semaine, le châtain n'avait pas répondu à un seul de ses messages, il s'inquiétait.
Au fond, Vincent se sentait rassuré, s'il disparaissait, il était sûr que Martin s'inquiéterait pour lui.

" Je vais bien, c'est juste un peu compliqué en ce moment. Je te raconterai à la rentrée "

Il envoya le message, et fila à la douche. Les cheveux gras, et l'odeur pesante de son corps commençaient à se faire bien ressentir.

Une fois sorti, et revenu dans le salon, son père, enfin, s'il pouvait toujours l'appeler comme ça, lui fit glisser une pochette sur la table.

- C'est ton dossier.

Vincent récupéra la pochette, qu'il n'osait ouvrir. Il avait la forte impression d'avoir une boîte de Pandore entre les mains.

- Je peux aller manger dans ma chambre ?

André hocha la tête, et Vincent partit dans sa chambre, son bol de nouilles dans une main, et le dossier dans l'autre.

Il s'assit à son bureau, avala une fourchette de nouilles.
Est-ce qu'au fond ouvrir ça l'aiderait vraiment à savoir qui il est ?
Peut-être allait-il découvrir les noms de ses véritables géniteurs, et alors qu'est-ce qu'il se passerait ? Est-ce que d'un coup il se trouverait lui-même à travers eux ?
Et puis, lui n'était-il pas construit à partir de la vie qu'il menait actuellement, et pas de faux parents dont il n'avait hérité que du biologique ?
Le doigt bloqué sur l'ouverture des feuilles, finalement, c'était comme entrer dans l'eau de la mer lorsqu'elle est vraiment gelée. Faut pas réfléchir.
Alors il ouvrit la mystérieuse pochette.

De la paperasse administrative, et surtout des papiers remplis par le couple pour pouvoir l'adopter.
Il lut l'intégralité des papiers, aucune ligne ne fut épargnée, jusqu'à une feuille sur laquelle son attention se bloqua.
Sa mère biologique.
C'est à ce moment-là, dans un timing parfait, qu'il entendit Lardon gratter à sa porte.
Il ouvrit au petit chat, et l'attrapa dans ses bras, le couvrant de baisers.

Vincent n'était pas le genre de garçon, à aller en colonie de vacances, ou à quitter longtemps sa maison, et laisser son chat seul une semaine était vraiment énorme.
Avec le petit Lardon toujours ronronnant dans ses bras, il s'assit à son bureau, et après une longue inspiration, il lut le dossier de sa mère.

Rosalia.

Il bloqua à la première ligne.

Elle s'appelait Rosalia.

Elle était espagnole.

Elle n'avait que 19 ans l'année où elle était tombée enceinte.

Elle n'avait pas avortée.

Elle l'avait mis en foyer d'adoption.

Et elle s'appelait Rosalia.

🌧

Une coupe de champagne à la main, Rémi laissait le liquide alcoolisé lui picoter la langue, et son cœur s'emballait.
Florie arriva en courant dans le salon.

- Met ton manteau, viens voir dehors !

Rémi enfila un sweat et ses baskets, et gardant sa flute d'alcool à la main, il se fit entraîner dehors par sa sœur.
La main de la jeune fille lui tirant gentiment le poignet lui arracha une grimace, mais bien vite il sortit.

Dehors, il retrouva ses parents qui regardaient déjà le ciel en les attendant.

Florie avait les yeux rivés sur sa montre.

« 3... 2... 1... »

« Bonne année ! »

Sous les cris et les embrassades de la famille, des feux d'artifices de toutes les couleurs éclatèrent en cœur, éclairant le voile noir de Nîmes au dessus de leurs têtes.

Et dans cette euphorie de 1er janvier, Rémi laissa glisser de sa main la flute de champagne, tintant les bruits de verres explosés au sol, par son rire cristallin.

🌧

« Allô? »

- Allô, madame Paix ?

- Oui, vous m'appelez pour décaler un rendez-vous ?

- Non... Excusez-moi, j'aurais dû vous appeler plus tôt, mais je voulais vous laisser l'esprit tranquille pour les fêtes, et pour l'anniversaire de Rémi.

- Ah...?

- Est-ce que je pourrais prendre rendez-vous avec vous ?

- Avec moi ?

- Oui, ce serait pour parler de Rémi. Il n'aura pas besoin d'être là.

Les deux femmes prirent rendez-vous.
Et quand madame Paix raccrocha, l'inquiétude grandit en elle, et malheureusement, son intuition de mère échouait rarement.

☁️

"Je me sens comme une bombe à retardement.
La moindre parole peut me faire exploser.
S'il est parti, c'est parce que je lui ai dit de partir.
Pourquoi je me tue autant alors ?
Je sais qu'au final c'est moi le problème.

Mais lui il n'a rien fait.
Il est parti. Il m'a laissé.
Il m'a fait du mal. Et maintenant je me fais du mal.
Il s'en fiche de moi.
Au final c'est lui le problème. "

Il reposa son stylo, et finit la bouteille d'alcool en une gorgée. Il avait trouvé la réserve de ses parents, partis pour le week-end.
L'hiver c'est pratique pour mettre des sweats, et éviter de se dévêtir.

☁️

" Je suis qui, je suis une erreur.

Une erreur de jeunesse. "

☁️

Vincent avait prévu son coup.
Comme dans les films.

Son père, à peine réveillé, buvait un café affalé sur la table du salon.

En quelques grandes enjambées il arriva devant lui, et posa la feuille de sa mère biologique sous son nez.

- Elle s'appelait Rosalia.

André retenu un soupir, et posa les yeux sur le papier, qu'il avait si souvent regardé en secret, toujours avec ce sentiment de culpabilité, quand il était sûr que Vincent ne le surprendrait pas.

- Oui.

- Ça explique votre petit délire à toi et maman avec la rose...

Son père soupira, pour de bon cette fois.

- Vincent...

- Depuis toujours vous m'associez aux roses. À me surnommer rojo quand j'étais petit ! Rouge ! Comme les roses que vous m'offriez tous les Noël et à tous mes anniversaires !

- Vincent.

- Ah non ! Pas à tous mes anniversaires ! Seulement ceux dont vous vous souveniez ! Et ça explique bien vos têtes quand je suis revenu avec une rose tatouée sur le bras ! Et tu sais quoi ?

- Calme toi s'il te plaît.

Vincent enleva son pull, et son t-shirt, se retrouvant torse nu. Un petit collier en or autour du cou.
Il se rapprocha de son père.

- Ça là ! C'est Rémi qui m'a offert ça.

- Vraiment ?

- Oui !

Le jeune garçon se rhabilla, mais des larmes lui vinrent aux yeux.

- Pourquoi vous ne me l'avez jamais dit ? Pourquoi toi et maman vous me l'avez caché ?

André se leva instantanément de sa chaise, et vint étreindre Vincent contre lui. Étonnement il se laissa faire, envahi par la fatigue. Et puis, les bras de son père n'étaient pas si familiers, alors il en profitait.

- Tu voudrais la rencontrer ...?

- Non.

En cinq minutes papa était devenu André.

À suivre...

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