21. Noël


Son père avait insisté pour qu'il mette une chemise et un jean, un jean qu'il avait qualifié de propre.
Et lui avait insisté pour garder ses longues chaussettes bariolées de motifs.

La grande maison devant laquelle ils toquaient ce soir, était illuminée de guirlandes, et de nombreuses loupiotes colorées. La magie de Noël dévorée par la facture d'électricité.

Cette grande maison, où ils venaient chaque soir pour Noël depuis qu'il était bébé, hantait ses souvenirs d'enfants.

Son père avait deux frères.
À ses oncles venaient s'ajouter deux femmes, ou plutôt, deux pestes, que sa mère haïssait plus que tout, et heureusement pour elle, cette année elle n'aurait pas à les supporter.
On saupoudre bien sûr toute cette petite bande, avec une ribambelle de petits cousins
Et à cela, rajoutez ses grands-parents, les seuls personnes qu'il ne détestait pas dans ces putains de fêtes de famille.

Avant que la porte ne s'ouvre, son père lui tapota affectueusement le dos.

- Ça va bien se passer, d'accord ?

Vincent hocha un peu la tête.

- Tu vas retrouver tes cousins ?

À quoi bon ?
Ils avaient certes les mêmes ancêtres et le même âge, mais ils étaient loin de se ressembler. En tout cas avec eux, Vincent se sentait comme le vilain petit canard.

La porte s'ouvrit sur un de ses oncles qui lui fit la bise.
Oh non... malheur et désespoir, il allait vraiment devoir faire la bise à tout ces gens...?
Pitié, tout mais pas ça !

Personne n'avait vraiment changé depuis l'année dernière... Peut-être que tatie avait pris du poids, ou que tonton avait égaré quelque cheveux, mais les mêmes questions, et mêmes conversations hantaient la table.
Son premier véritable sourire de la soirée arriva quand il aperçut ses grands parents.
Son grand-père le prit dans ses bras, et sa grand-mère lui colla deux énormes bisous sur chaque joues.

- Le petit Vincent a grandi !

Après l'apéritif, où le châtain s'était gavé de chips pour s'occuper, ils passèrent enfin à table. Trois entrées, deux plats, un désert, et beaucoup d'alcool.

Alors que sa grand-mère lui priait d'enlever ses chaussures pour venir à table, il sentit les regards insistants de ses tantes, posés sur ses chaussettes.
Il leva la tête vers elles, mais les deux femmes s'empressèrent de se détourner de lui.

À table ça parlait cinéma, politique, mais surtout commérage.

- Et vous avez vu le film qui vient de sortir la semaine dernière ?

- Celui dont tout le monde parle ?

- Celui qui est super triste ! Avec l'acteur là !

- Ah mais oui !

- Et vous saviez qu'il était gay ?

- Ah bon ? Je ne pense pas hein... Il a une nana je crois.

Vincent soupira.
Non il ne devait pas intervenir.
Il devait se la fermer.
Prendre part à la discussion n'apporterait que des ennuis.
Pourtant,

« À vrai dire, il est bisexuel. »

Cela jeta un petit blanc autour de la table. Personne n'avait l'habitude que le petit Vincent prenne la parole.

- Ah...

- Il est en couple avec un autre acteur.

Une de ses tantes fit semblant de s'étouffer avec son plat pour faire redémarrer les conversations devant ce silence pesant, mais seul son mari prit la parole.

- Ça me déçoit de lui...

Ça sentait le roussi.

- Pourquoi ?

L'atmosphère s'était tendue en deux paroles.
Comme un match de tennis, la tablée les regardait échanger tour à tour.

- Il n'avait pas une tête de gay, maintenant quand je vais regarder des films avec lui dedans je ne vais pas arrêter d'y penser, ça va tout me gâcher.

- Il est bisexuel, pas gay.

- C'est la même chose.

- Non.

- Bien sûr que si ! Il est contre nature c'est comme ça.

- C'est dégueulasse de dire ça.

Son oncle à l'autre bout de la table, se pencha vers lui.

- Tu me prend pour un intolérant ?
Je te signale petit, que non ! Je n'ai rien contre eux, ils font leurs trucs contre nature entre eux, tant que je ne suis pas impliqué là dedans ça me va ! J'ai même un collègue pédé si tu veux savoir ! Alors moi intolérant, ou homophobe je ne sais pas quoi ? Non !

Les muscles tendues, des frissons parcouraient le dos Vincent. Ses dents mordaient ses joues pour le retenir de parler. Son oncle était définitivement un connard, et personne d'autre autour de la table ne semblait être choqué de ses paroles.

- Moi je sors avec un garçon.

Un bruit aigu de couverts frappant l'assiette.
Son oncle pouffa de rire.

- Si tu veux faire l'intéressant, ce n'est vraiment pas le genre de blague à dire ici.

Vincent jeta un regard à son père, ses yeux étaient écarquillés mais il ne disait rien. Il n'avait aucune idée de quel était son point de vue.

- Je suis amoureux d'un garçon, je sors avec lui. Et je suis heureux quand je suis avec lui.

C'était un mensonge bien sûr, il était seul. Mais il n'avait pu se retenir, de le dire, et de penser à Rémi.

- Sérieusement Vincent ? Sous mon toit ? André ?!

André c'est le père de Vincent.
Celui-ci tourna d'ailleurs la tête vers son grand frère.

- Quoi ?

- Je ne comprend même pas ce que Vincent fout ici ? Je suis quand même bien gentil de l'accueillir tout ça, de le nourrir, alors que c'est un petit pédé, et qu'il ne fait même pas partie de la famille !

D'un coup André vu rouge, rouge comme le homard, qui patientait dans son plat, attendant d'être servit.
Vincent lui, ne comprenait plus vraiment ce qu'il se passait.

- La ferme !
cria son père.

- Ce n'est même pas ton fils !

- Ferme ta gueule !

- Il est adopté !

...

Une chaise qui grince.
Une porte qui se claque.
Et un lycéen qui pleure le 24 décembre, sur le palier d'une maison lumineuse.

À travers la porte il entendait son père criant contre son oncle.

La porte s'ouvrit, et sa grand-mère, enveloppée dans son châle, vint l'étreindre.

- Tu vas passer la nuit chez nous ce soir.

Vincent hocha la tête, et quand son grand-père sortit de la maison, ils se prirent tous les trois dans les bras, et montèrent dans la voiture des deux doyens, en route pour leur maison. Avec eux Vincent avait l'impression de reprendre une bouffée d'oxygène.

🌨

Chez les Paix, on mangeait sur le canapé devant Friends. L'esprit était bon enfant, et Rémi était aux anges de retrouver sa petite sœur.

Florie aspirant à devenir comédienne, avait choisit de quitter le domicile familial pour faire ses études depuis la 6eme dans un internat à Paris, où les écoles de théâtre étaient plus répandues qu'à Nîmes.

Toutes les personnes qui la rencontraient étaient toujours stupéfaits de sa grande maturité, malgré son âge et sa mère sur-protectrice.
Avec Rémi, ils prenaient plusieurs fois par semaine, le temps de se téléphoner pour se donner des nouvelles. Le contraste entre le frère et la sœur était plus qu'ahurissant, ils s'entendait à merveille mais rien de leur personnalité ne se ressemblait.
Malgré tout, s'il y avait une chose que Florie ne voulait pas perdre malgré la distance, c'était sa proximité avec Rémi.

En cette soirée de famille, le seul absent était leur père.

- Il est où ?
demanda la jeune brune.

- Dans sa chambre.

- Tu veux que j'aille le chercher ?

- Non je m'en fiche.

Florie baissa la tête.

- Et sinon, tu continues à prendre des polaroids ?

Rémi eut un sourire diabolique, et sortit l'appareil de sous un coussin du canapé, aveuglant sa sœur du flash qui la prenait en photo.

- Je l'ai toujours auprès de moi, et je fais en sorte que personne ne le voit jamais.

À suivre...

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