18. Aimanté


Il l'introduisit dans le trou, celui prévu à cet effet, et l'écouta tourner dans un doux ronronnement, qu'il affectionnait tant.

S'installant plus confortablement contre les coussins de son lit, il fixait l'écran de son ordinateur, en attendant le début du film.

Singin' in the rain

Le DVD que Rémi lui avait offert.

Il n'avait pas encore eu l'occasion, ou peut-être l'envie de le regarder, mais après avoir surpris le bouclé jouant du piano, et surtout chantant, dans la salle de musique, il ne pouvait expliquer pourquoi, mais il ressentait le besoin de regarder ce film.

Just singin' in the rain

🌧

Assis dans le bus, au fond, comme d'habitude, il rentrait chez lui après une journée de cours qui l'avait profondément énervé.
Chaque heure, il avait enchaîné les mauvaises notes, les hontes, et pour couronner le tout, la cerise sur la bouteille de bière, un midi passé à la cantine, pour cause de rénovations au café Apache.

Heureusement à partir de ce soir, débutaient les vacances de Noël, et Vincent s'en réjouissait, ayant grand besoin de repos.

Il releva la tête de son téléphone une seconde. Tiens ?
Son bus ne prenait pas le même trajet que d'habitude ?
Le petit écran à l'avant du véhicule affichait « Déviation ».

Un jeune homme s'approcha du conducteur, mais de là où il était, Vincent ne pouvait pas l'entendre. D'autant plus que sa capuche était rabattue sur sa tête. Encore un qui allait faire chier ce pauvre conducteur...

« Non désolé, on ne dessert plus cet arrêt. »

Vincent ne voyait toujours pas cet homme à capuche, mais il avait légèrement l'air de s'énerver, alors que le conducteur essayait de garder son calme.

« Vous n'étiez pas au courant ? ...
Oui c'est nouveau ... Non ...
Et bien vous allez devoir faire sans, parce que, je ne vais pas me répéter cent fois, cet arrêt n'est plus desservi. »

- C'était mon arrêt ! Là, je suis complètement perdu ! Pourquoi vous ne voulez pas revenir à mon arrêt ?!

Cette voix...? Oh putain de merde...

Vincent n'hésita même pas une seconde et se leva de son siège.

« Vous vous calmez ou vous allez devoir sortir ! »
s'exclama le conducteur.

Avant que l'homme ne puisse répondre, Vincent lui attrapa le bras.

- Rémi !

Le bouclé tourna la tête vers lui, se figeant sur place.

- Qu'est-ce que tu...?

- Excusez le. On va descendre là.
fit Vincent au conducteur, désignant le nouvel arrêt devant lequel il s'arrêtait.

La porte s'ouvrit, et il tira le bouclé dehors avec lui.

- Merci au revoir !

Le bus repartit aussitôt, et Vincent se retourna vers Rémi, qui le fixait, en plein bug interne.

- Excuse-moi pour ça, je ne voulais pas que tu ai des problèmes.

- Je n'avait pas de problème.

Rémi se décidait enfin à lui parler apparemment.

- Ici je suis perdu.

Vincent vérifia autour de lui, il connaissait bien par là, c'était son quartier.

- Tu dois aller où ?

- Chez le médecin...

- Oh, encore ?

Les poils de Rémi se hérissèrent, comme un chat prêt à foncer sur sa proie.
Mais Vincent ne semblait pas avoir remarqué ses états d'âmes, en pleine réflexion cartographique.

- Tu as le nom de la rue ?

- Non...

Quel mytho...

- ... Mais de chez toi je sais y aller...

Merde...

Il releva la tête vers le châtain, celui-ci n'avait aucunement conscience de la crise intérieure qui se jouait dans l'estomac du bouclé.

- On y va alors ?

De toute façon il n'avait pas le choix...

- Oui.

Vincent marchait un peu plus en avant, et ils ne parlaient pas.

Le vent soufflait entre les branches nus, et les feuilles rougies, bien mortes, craquelaient quand ils marchaient dessus.

Les jambes de Vincent tremblaient légèrement, un peu de stress.
La brise légère passant sur eux, voletant leurs courts cheveux, fit éternuer Rémi.

- T'as un mouchoir ?

- Non, désolé.

Ils continuèrent la route, et Rémi reniflait, essayant discrètement de s'essuyer le nez d'un revers de main, mais la morve continuait de couler..

Enfin, il reconnut la rue de Vincent, le trajet lui avait semblait interminable à ses côtés.

- Tu peux entrer deux secondes, je vais te chercher un mouchoir.

Rémi, une fois planté au milieu du salon, se demandait pourquoi il l'avait écouté.

C'était pourtant simple de juste lui dire un truc du style :
« Non t'inquiètes pas. Pas besoin de mouchoir finalement, ça va. Allez au revoir ! »
et de s'enfuir le plus vite possible, avant que Vincent n'est eut le temps de protester.

Mais maintenant il était là. Dans une maison qu'il n'avait pas revu depuis deux mois, et où il n'avait absolument pas envie d'être, actuellement.

Certes il faisait chaud, certes, malgré sa colère, cette maison avait une aura rassurante, avec ses lumières chaudes, sa douce odeur de pain, et ce petit chat qui venait sentir ses pieds.

- Salut Lardon.

Il s'agenouilla, et caressa la douce fourrure noir, pendant que l'animal se pressait contre sa main, réclamant des caresses en ronronnant.

- Tiens.

Vincent était arrivé devant lui, et lui tendait un paquet de mouchoir.

- Merci.

Alors qu'il s'apprêtait à repartir, une certaine envie pressante qu'il retenait depuis déjà plusieurs heures, refit surface. Bien sûr, c'était le bon moment.

Il était hors de question qu'il demande ça à Vincent, hors de question

- Vincent ?

🌩

Rémi avisa un désodorisant sur l'étagère, et alors qu'il tirait la chasse, pour masquer le bruit, il en aspergea les toilettes.

Il sortit, se lava les mains, et éternua une deuxième fois, puis aussitôt, une troisième fois.

- Faut vraiment que j'aille chez le médecin.

- Tant mieux, alors !
fit Vincent, en apparaissant devant lui avec Lardon dans ses bras.

- Pourquoi ?

- Bah, tu as un rendez-vous aujourd'hui non ?

- Ah oui ! Si ! Si !

Rémi se cogna la tête intérieurement, il avait failli faire une énorme gaffe.

- Oh ! Regarde dehors !

C'est peut-être pour ce genre de moment où le hasard ne joue clairement pas en sa faveur, que Rémi continuait, malgré tout, à croire un peu en Dieu...
Qu'est-ce qui l'avait mené à prendre ce bus, à embrouiller le chauffeur, à se faire rattraper par Vincent, à venir chez lui, et maintenant à se retrouver face à ça...

- Il grêle !

- Wow...

Les morceaux de grêle, gros comme des cailloux frappaient le trottoir et les carrosseries des voitures, d'une violence qui aurait troué une parapluie. Le ciel s'en prenait à lui visiblement.

- Tu peux rester ici, le temps que ça s'arrête, si tu veux ?

Il détourna les yeux de la fenêtre pour regarder Vincent.
Mince... Qu'est-ce qu'il était mignon... Malgré son attitude de gros connard, qui restait en travers de la gorge de Rémi, même si deux mois s'étaient écoulées.
Ses grands yeux couplés à ceux de son chat qu'il tenait, possessif, dans ses bras, rayonnaient, lui criant des « Reste » en lettre dorées.

- Je veux bien, je suis trop en avance pour mon rendez-vous de toute façon.

Vincent lui sourit tendrement, ce qui fit grimacer le bouclé.

Dans quoi s'était-il encore fourré ?

☁️

- Je ne comprend rien.

- Moi non plus...

Rémi referma violemment son manuel de physique-chimie en levant les yeux au ciel. Il se redressa du sol, et vint se pencher au dessus du Vincent affalé sur son bureau, celui-ci ne semblait pas non plus avoir beaucoup avancé sur ses devoirs...

Il se retourna vers lui.

- On fait autre chose ?

- Quoi ?

- Je ne sais pas...

Rémi marcha le long de la chambre de son hôte, comme s'il la découvrait pour la première fois.

- Un film, ça te dit ?

- Ok.

À suivre...

« J'fais des métaphores sexuelles depuis t'à l'heure, parce que tu penses qu'à ça »

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