14. Cigarettes After Fête



Quand Rémi ouvrit les yeux, il sentit une masse contre lui, et contrairement à ce qu'il aurait put penser, ce n'était que Maxence.

Il jeta un rapide coup d'œil à la pièce.

Lui et Martin étaient chacun d'un côté du lit, alors que Max au milieu, débordait sur eux deux.

Et Vincent ?

La chambre était plongée dans un envoûtant silence, guidé par leur calmes respirations. Et parmi celles endormies, il manquait le souffle de Vincent.

Rémi se défit de la couverture, et se leva doucement, en se frottant les yeux.

Les volets n'étaient pas fermés.
Et derrière la vitre, il était là.

Rémi ouvrit tout en douceur la fenêtre, et le jeune châtain, assis sur le rebord, se retourna vers lui.

– Vincent ?

Il tenait une cigarette, et de ses lèvres s'égarait une fumée noire.

– Tu m'avais dit que tu ne fumais pas.

Ses petites mèches châtains voletaient au dessus de son front, au gré d'un vent glacé.

– Je t'ai peut-être un peu menti.

Le silence était pesant, et Rémi avait froid.

– Donc, tu fumes ?

– Pas souvent.

– Ah...

Il reprit une bouffée.

– Pourquoi tu ne me l'avais pas dit ?

– Je ne voulais pas faire mauvaise impression.

Il regardait le ciel et les immeubles, ses joues se creusaient un peu plus à chaque taffe.

– Tu n'aurais pas fait mauvaise impression.

Deux yeux verts se retournèrent vers lui tandis qu'il frissonnait.

– Vas te prendre un pull dans mon armoire.

Rémi se décolla de l'encadrement de la fenêtre, et fouilla dans les affaires du plus petit, jusqu'à en sortir un pull bleu nuit qu'il enfila.

Il revint vers Vincent.

– Tu veux essayer ?

– Quoi ?

Il lui proposait sa cigarette.

– J'ai jamais fumé.

– C'est pour ça que je te propose.

Son regard l'interrogeait.
Rémi hésita un moment, mais, sans savoir pourquoi, ce petit objet l'attirait, et il avait diablement envie d'essayer.
D'une main maladroite il attrapa la cigarette.

– Attends.

Sur son petit rebord de fenêtre, Vincent se retourna vers lui, et l'aida à tenir le cylindre de tabac entre ses doigts.

– Mets la entre tes lèvres, et inspire tout doucement.

Rémi était assez nerveux à l'idée de faire mal les choses, mais devant les yeux de Vincent, il s'exécuta.

– Tu enlèves la cigarette de ta bouche en inspirant encore un peu l'air.

La main de Rémi s'apprêtait à se poser sur sa jambe, quand le châtain lui rattrapa presque au dernier moment pour éviter qu'il ne se brûle.

– Et tu expires. Par la bouche, ou par le nez, comme tu veux.

Une nuage sortit d'entre les lèvres de Rémi, qui loucha dessus avec des yeux ronds.

C'était comme les nuages de buée en hiver, sauf que celui-ci était beaucoup plus sombre.

D'un coup, sa gorge le piqua, et cela remonta jusqu'à ses yeux et son nez.
Il toussa un peu, sous le rire attendri de Vincent.

Ce dernier lui reprit sa cigarette de la main, se servant du rebord de la fenêtre comme d'un cendrier, avant d'inhaler une nouvelle bouffée.

– Alors ?

– Mmh... Pas dingue.

Vincent rigola encore adorablement.

– C'est parce que c'était ta première fois.

– Tes parents savent que tu fumes ?

– Ouais... C'est eux qui me les achètent, mais je n'ai le droit qu'à un nombre limité par mois.

– Ah...

Il soupira un nouveau nuage gris.

Rémi le fixait.

Même si cette merde lui détruisait la santé, il fallait bien reconnaître que Vincent avait un certain charme, une cigarette pendant au bout des doigts.
C'était assez bizarre.

Celui-ci tourna la tête vers Rémi, l'observant à son tour, et le bouclé ne put s'empêcher de lui demander.
– Pourquoi est-ce que tu ne dors pas ?

Vincent lui désigna du doigt, à l'intérieur de sa chambre, le troisième tiroir de son bureau. Sans poser plus de questions, Rémi l'ouvrit et parmi les feuilles de cours usagées, trônait un cendrier.

Il lui rapporta, et Vincent écrasa toute sa clope à l'intérieur.

– Tu ne l'avais pas fini ?

– J'en avais plus envie.

Il enjamba l'encadrement de la fenêtre, et remis pieds dans sa chambre.

Il était face à Rémi, mais ses yeux fixaient le parquet.

Le bouclé n'osait plus bouger, Vincent était si étrange, là, tout de suite.

Par la fenêtre, le ciel était clair, le soleil allait bientôt se lever.

Les pieds de Vincent se rapprochèrent alors tout doucement de lui.
Dans le long craquement du sol, il s'avançait.

– Vincent ?

Ses bras, recouverts par les manches longues de son sweat-shirt, se levèrent doucement, trouvant les avant-bras de Rémi.

D'un fin tracé, il les caressa, avant d'atteindre ses épaules. La tension était grisante.
Ses mains remontèrent alors un peu plus contournant ses clavicules pour dévier le long de sa nuque, renvoyant une valse de frissons au plus grand.

Rémi n'osait plus respirer, il était figé dans l'infini des yeux verts de Vincent, le détaillant comme s'il dessinait de ses pupilles chaque parcelle de son épiderme que le pull ne cachait pas.

Ses longs doigts, un peu froids, arrivèrent jusqu'à son menton, puis entourèrent ses joues, qu'il serra doucement.

– Vincent ?

Le châtain laissa retomber ses bras le long de son corps, baissant la tête comme s'il venait d'être pris en flagrant délit d'une bêtise.

– On n'a pas fermé la fenêtre.

Alors qu'il allait s'y diriger, Rémi le rattrapa par le bras, et l'attira contre lui pour l'étreindre.

Le visage de Vincent se retrouva dans son cou.

Rémi ne sentait pas la cigarette, Rémi il sentait bon. Même s'il ne s'était pas douché depuis la veille au matin, et que l'odeur du parfum qu'il avait mis avant de venir chez lui avait fané depuis des heures. Rémi sentait bon.

– N'arrête pas.

Ce n'était qu'un murmure, mais il l'entendit.

Est-ce que c'était vraiment ce qui était en train de se passer ?
Est-ce que c'était bien ?
Est-ce qu'il fallait continuer ?

En tout cas dans ses bras, il avait l'impression d'être comme chez lui.

Une bourrasque de vent fit claquer la fenêtre contre le mur, dans un énorme bruit, faisant sursauter les deux amis, et arrachant des soupirs aux deux endormis.

Vincent quitta les bras de Rémi et ferma la fenêtre pour de bon, les replongeant dans la chaleur de la maison.
Quand il se tourna vers le bouclé, sa seule vision suffit au châtain pour avoir immédiatement envie de retourner dans ses bras.

– Vincent. Il y a un cadeau que je ne t'ai pas donné.

Rémi se retourna vers son sac à dos, et en sortit un joli paquet, mieux emballé que le DVD, et orné d'un gracieux noeud, même si un peu froissé sur le dessus.

Vincent le prit, l'agitant légèrement près de son oreille, sans y entendre le moindre bruit.

Devant le sourire de Rémi, qui s'était reculé de quelques pas, il se résolut finalement à ouvrir le paquet.

À l'intérieur se trouvait une petite boîte en velour rouge bordeau.
On aurait dit une boîte pour un bijou.

– Tu me demandes déjà en mariage ?

Cette question fut saluée par l'éclat de rire du bouclé, et elle détendit l'ambiance, qui s'était alourdie depuis quelques minutes.

– J'espère que tu as préparé ta robe.

Vincent ricana un peu, s'imaginant dans une robe de mariée.

Reprenant son sérieux, il ouvrit doucement la boîte, et y découvrit une longue chaîne dorée, à laquelle était accrochée par la tige, une rose, elle aussi couleur or.

– Rémi...

Il sortit délicatement la mince chaîne, la faisant danser devant ses yeux une seconde.

– Rémi...

– Pour ce cadeau aussi, j'ai gardé le ticket de caisse...

Quand Vincent releva sa tête vers lui, Rémi ne savait plus ce qu'il devait y voir.
Ses sourcils semblaient inquiets, ses lèvres tremblotaient dans une petite moue, comme s'il cherchait ses mots.
Et ses yeux...
Ses yeux brillaient.

– Rémi...

– C'est une rose parce que... ça me faisait penser à ton tatouage. Je me suis dis que ça t'irait bien.

– Rémi... je...

Il tenait la petite chaîne dans la paume de sa main. Et la fixait comme un joyau.

– Désolé, je n'aurais pas dû.

Vincent ferma le poing, et s'avança à grand pas vers le bouclé, il posa une main décidée sur son bras, et rapprocha son visage du sien sans pour autant le toucher.

Vincent semblait tellement courageux, et sûr de lui, à cet instant. Rémi, quant à lui, était juste perdu sur ce qu'il devait faire.

Mais pourtant Vincent avait peur, il était mortifié.
Même s'il sentait l'envie sous sa peau, elle était était couplée d'une grosse angoisse.
Parce que ces deux billes brunes qui le fixaient, et ces croissants de chairs qu'étaient les lèvres du bouclé, l'appelaient de plus en plus.

– J'ai envie de t'embrasser.

Lui-même se demandait comment il avait put avoir le cran de prononcer ces mots.
Les yeux de Rémi s'illuminèrent comme on allumerait un nouveau lustre dans une galerie des glaces, brillant déjà de milles feux.
Enfin, c'est comme ça qu'il voyait les yeux de Rémi.

Il avança doucement son visage, et sûr de sa trajectoire, ferma les yeux pour se donner du courage, il inclina légèrement sa tête, se faisant rencontrer leurs nez, et embrassa enfin les lèvres tant convoitées.

La seconde de surprise passée, Vincent les sentit alors mouver lentement contre les siennes, et deux mains timides se poser sur ses hanches.

Il embrassait Rémi !

Il était vraiment en train de l'embrasser !

C'était mieux que le paradis.

À suivre...

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