12. J'ai pensé à lui
« Pense à ce moment-là, garde les yeux fermés. »
Il se redressa un peu sur son fauteuil, et scella ses paupières.
« Bien. Le point de vue extérieur, tu te souviens ? Tu es dans ta chambre, sur ton lit. Dehors, l'orage... »
Le tonnerre retentit par la fenêtre, immergeant encore plus le bouclé dans ses souvenirs.
Tu essayes de l'appeler, et il ne répond pas. Mais au lieu de ça, tu sens une main se poser sur ton épaule. Tu relèves la tête et tu le vois. Si Vincent ne t'as pas répondu, c'est qu'en fait, il était avec toi depuis ton arrivée dans la chambre
Rémi pouvait très bien voir le châtain lui sourire malgré le manque de lumière de la pièce.
Il est là, à tes côtés, et il ne compte pas partir. Non. Il va rester là, avec toi. Il n'y a aucune raison d'avoir peur, puisque il est là.
Il s'assiérait à côté de lui sur son lit, lui caresserait doucement le bras pour le calmer. Et lui chuchoterait :
– Pleure pas Rémi... Pleure pas Rémi... Pleure pas Rémi... Rémi..
Et puis il répéterait son prénom comme ça, à l'infini, parce qu'il ne compte pas s'en aller. Il est là maintenant, et,
« Rémi ? »
La voix de sa thérapeute le ramena sur Terre.
« Tu étais dans la lune. »
rigola t-elle un peu.
Oh oui, et accompagné d'un extraordinaire extra-terrestre...
C'était rare qu'il pleuve autant à Nîmes.
⛈
« C'était la première fois que ça marchais aussi bien. »
– T'as pensé à qui ?
– Comme d'habitude, à toi...
– Ah bon ?
Rémi hocha la tête, et même si sa petite sœur ne semblait pas totalement convaincue, elle lâcha l'affaire.
– Rémi...
– Quoi ?
– J'ai une question.
– Vas-y.
Elle se tritura les doigts une seconde avant d'oser parler.
– Je crois que je suis amoureuse d'un garçon de ma classe.
Un sourire narquois naquit aux coins des lèvres du bouclé.
– Il s'appelle comment ?
– Alexis. Mais tout le monde l'appelle Alex.
Rémi, bien d'humeur à embêter sa sœur, lui demanda.
– Et vous avez fixé une date ?
– Une date ?
– Pour le mariage !
Aussitôt, Florie lui lança un coussin au visage, que Rémi n'eut pas le temps d'esquiver.
– Toi aussi il serait temps que tu te trouves une petite copine, Rémi !
– Mais oui, bien sûr... Toi, occupes toi plutôt de ton Alexis chéri !
Florie lui lança tous les coussins qu'elle avait sous la main, et cette discussion, à la base, calme, se transforma rapidement en bataille sans pitié, mêlée d'éclats de rire.
⛈
Vincent vérifia l'heure sur le radio réveil qui trônait au bout de son lit.
Il avait la voie libre, ses parents ne rentreraient pas du boulot avant un bon moment.
Il referma la porte de sa chambre au nez, ou plutôt, au museau de Lardon, et baissa ses stores.
Vincent ne faisait pas ça souvent, mais là, allez savoir pourquoi, il en avait envie. Et comme n'importe quel adolescent impulsif et peut-être un peu trop réceptif à ses envies, il faisait profit du moment opportun.
Il attrapa sa boîte de mouchoirs, juste au cas où, son ordinateur dont un bout de post-it jaune cachait la caméra, et se mit en navigation privée avant de débuter ses recherches.
Avez-vous plus de dix-huit ans ?
Bien évidemment, voyons !
Il avait toujours un peu de culpabilité à faire ça... Pas de mentir sur son âge mais de se masturber. Il ne saurait pas vraiment dire pourquoi.
Il avait toujours cette impression que tout le monde savait ce qu'il avait fait. Et que c'était honteux et dégueulasse. Que se toucher n'était pas dû à la nature mais à une sorte d'envie malsaine qui l'empoisonnait.
Même s'il avait l'habitude de ce site, tout ces clignotants sur l'écran et ces centaines de catégories l'intriguaient autant qu'ils l'effrayaient.
Il lança un film au scénario un peu pété mais avec des acteurs qu'il trouvait plutôt beaux, ce qui n'était pas négligeable.
Bien sûr l'introduction était d'un ennui profond, et la bénite scène se faisait longuement désirer.
Quand enfin, elle commença, Vincent défit rapidement les boutons, et la fermeture éclair de son jean.
Les yeux fixés sur les corps s'activant sur son écran, il commença à descendre sa main toujours plus bas.
Alors qu'il s'apprêtait à se toucher du bout des doigts, la porte de l'appartement claqua.
Ne perdant pas une seconde, il éteignit le film, remit son pantalon, jeta la boite de mouchoirs à l'autre bout de la pièce, et tourna son ordinateur dos à l'entrée de sa chambre.
C'est alors que la poignée s'abaissa, et que la porte s'ouvrit tout doucement, laissant d'abord rentrer Lardon, puis la tête de sa mère qui passa par l'embrasure.
– Coucou ! T'avais fermé ta porte ?
– Oui je travaille, et le chat n'arrêtait pas de me déranger pour jouer.
Sa mère s'approcha de lui, et vint lui faire un bisous sur la joue.
Elle n'aimait pas quand il fermait la porte, apparemment car cela bloquait la lumière dans le couloir. Lui se plaisait à être enfermé entre ses quatre murs.
– Je te laisse travailler ! De toute façon j'ai un feuilleton à regarder.
Et elle repartit aussi vite qu'elle était arrivée, laissant bien sûr, la porte grande ouverte.
– Qui dit encore un "feuilleton" à part elle, sur cette terre...
Lardon monta sur ses genoux, réclamant de l'affection. La main de Vincent migra automatiquement sur la tête du petit chat qui ronronnait comme un moteur de tracteur.
⛈
C'était lors du dîner qu'elle s'en était souvenu.
Elle tapa vivement du poing sur la table en lâchant ses couverts.
– Maman ?
– Ton anniversaire !
– Oh merde...
fit son père.
– On l'a oublié.
Vincent soupira, bien conscient des oublis presque maladifs de ses parents.
– De toute façon j'en ai pas grand chose à faire de mon anniversaire, vous le savez.
– Mon chéri... C'est pas tous les jours qu'on a 16 ans !
– Encore heureux !
Devant l'adolescent châtain renfermé, sa mère se résolu à prendre les devants.
– Bon, samedi, tu invites tes copains ici, on vous laissera l'appartement pour l'après-midi et la soirée, et je te ferais un gâteau !
– Maman ! J'ai pas dix ans !
– Mais faut profiter quand on est jeune ! Samedi d'accord ? Tu leur dis demain que tu les invites ? Tu veux qu'on imprime des cartons d'invitations ?
– Non mais maman ! Pas de cartons d'invitation ! Là tu vas trop loin ! Seize ans ! Rappelle toi !
– Bon.
Vincent se remit à manger levant les yeux au ciel, alors que ses parents se faisaient discrètement un clin d'œil, fier d'eux de s'en être finalement souvenu.
En seize ans ce n'était pas la première fois qu'il faisait fit de son anniversaire. N'ayant jamais trouvé cette fête importante ou amusante, personne ne s'en était jamais plaint, profitant de l'économie de cadeau.
Mais maintenant que sa mère s'était mise en tête qu'il fallait l'organiser cette année... Il ne restait plus qu'à savoir qui, il allait inviter.
☁️
« Quoi ?! »
Pouvait-on s'attendre à une autre réaction de la part de ses deux nouveaux amis ?
– Mais pourquoi tu nous l'avais pas dit que c'était ton anniversaire ?
Vincent haussa les épaules.
– En tout cas vous êtes tout les deux invités, les gars. Et toi aussi, Martin.
Le guitariste lui fit un pouce en l'air, avant de plonger le nez dans son téléphone, en quête d'une idée de cadeau.
– Il n'y aura que nous quatre ?
demanda Rémi.
– Ouais.
– Et tes anciens amis ?
Vincent soupira, se laissant tanguer d'une jambe sur l'autre.
– Je ne suis plus vraiment en contact avec eux. Ce serait trop bizarre et compliqué.
Maxence s'était lui aussi penché sur l'écran de Martin, alors que Vincent et Rémi se mettaient rapidement d'accord sur l'heure d'arrivée de la petite bande pour samedi, quand la sonnerie du lycée retentit, les obligeant à se séparer.
Vincent ramassait son sac à dos, délaissé par terre, quand une main se posa sur son épaule.
– En tout cas, même si c'est en retard, joyeux anniversaire Vincent.
Le châtain lui rendit son sourire.
– Merci Rémi
À suivre...
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