10. J'aurais dû t'



Ils étaient, comme toujours, côtes à côtes dans ce couloir.
Entre la salle de musique et le jardin du lycée, qui rougissait derrière les vitres. L'automne s'était véritablement installé.
Ils s'amusaient silencieusement à effleurer leurs genoux.

Ils souriaient doucement en regardant leurs jambes.

C'est alors que de petites gouttes s'écrasèrent sur les vitres. Le radiateur était en panne.

- J'ai froid.

- Merde, moi aussi.

Rémi se rapprocha encore un peu. Et la tête de Vincent se posa d'elle même sur son épaule.

Comment osait-il ça avec un garçon ?
Comment est-ce qu'il arrivait à être aussi naturel en compagnie de Rémi ?
Depuis quand était-il devenu aussi heureux de pouvoir sentir sa chaleur à ses cotés ?

Ils regardaient la pluie, et Vincent avait deux phrase d'une vieille chanson qui tournait en boucle dans sa tête.

Ses mèches châtains caressaient le cou de Rémi, lui arrachant des doux frissons.
Sa chair de poule n'était pas dû qu'au froid du couloir.

- Ça te dit qu'on bouge ? J'ai trop froid là.

- Ouais.

Vincent se releva, et tendit le bras à Rémi pour le mettre sur ses pieds à son tour.

Ils fourrèrent leurs mains dans leurs poches respectives, et arpentèrent les longs couloirs du bahut, souriant des conneries desquels ils discutaient, et effleurant leurs épaules, qui se caressaient à intervalles irrégulières.

🌧

Ils avaient échoué au CDI, où Vincent n'avait jamais posé les pieds auparavant.

Rémi regarda les manches longues de son ami d'un air triste.

- On ne peut plus voir ton tatouage.
chuchota-t-il.

Vincent lui sourit, attendri par ce compliment dissimulé.

- Tu l'aimes tant que ça ?

- Ouais, il est super cool.

Le sourire du plus petit s'agrandit encore.
D'un geste théâtral, il posa un doigt sur sa bouche, faisant taire le bouclé. Et remonta la manche de son sweat, assez pour entrevoir la tige de la rose gravée sur sa peau.

Rémi avait une incompréhensible envie de poser ses doigts sur le bras laiteux hivernal, et parsemé de minces poils de Vincent.

Mais avant que ses pensées n'aillent plus long, le petit châtain redescendit sa manche.

- T'aimerais t'en faire un ?

- De tatouage ? Ouais, j'aimerais bien... Mais ça fait mal, non ?

- Ouais, ça fait partie de l'expérience.
fit Vincent en s'accoudant vers lui avec un sourire.

- Et puis, je sais pas ce que je pourrais me faire tatouer.

Le châtain haussa les épaules.

- Ça, c'est à toi de choisir.

« Chut ! »

Ils se tournèrent d'un même regard vers la dame du CDI, les fixant d'un air furieux.

- On se tait ou on se casse ?

- On se casse.

Ils prirent leurs sacs, et repartirent sous les yeux assassins des élèves assis.

🌧

Bien installé sur un canapé, Vincent inspectait nerveusement le visage consciencieux de Rémi assis contre lui.

Son café lui réchauffait les mains, alors que le bouclé tenait sa copie double, qu'il lisait attentivement.

Il n'y avait pas à dire, le café Apache était bien l'endroit le plus confortable de toute cette ville.
Rémi reposa la feuille sur la table, et attrapa son chocolat chaud.

- Alors ? T'en a pensé quoi ?

Le bouclé prit une gorgée, avant de déclarer.
- J'aime bien comment t'écris.

Vincent retrouva sa bonne humeur, sirotant son liquide chaud avec un sourire.

- Ah ouais ?

- Ouais, ça fait naturel. C'est l'histoire en elle-même qui est peut-être trop...

- Trop quoi ?

- Je ne sais pas... Banale ? Un homme et une femme se rencontrent, pleins de différences. Puis apprennent à se connaître, remarquent leurs points communs, bla-bla-bla, éléments perturbateurs.. Et puis résolution du problème par, wow, la force de l'amour !

- Oui c'est bon ! Dis le si tu trouves que c'est de la merde !
fit Vincent en lui arrachant sa copie des mains.

- Mec, te vexes pas.

- Non mais ok t'aimes pas ! Mais t'es pas obligé de le dire comme ça ! T'as pas de tact.

Dehors la pluie cognait contre les vitres.
Vincent s'apprêtait à attraper son sac pour fourrer sa feuille à l'intérieur.

- Vincent, j'aime beaucoup la scène du lit.

Le châtain s'arrêta dans ses mouvements, et se retourna vers Rémi.

- Ah bon ?

- Tu veux pas la lire à voix haute ?

- Quoi ?
demanda Vincent en riant.

- Lis la à voix haute !
insista le plus grand.

- Arrête c'est gênant.

- Moi je vais le faire !

Le bouclé attrapa la copie d'un œil espiègle.

- Rémi ! S'il te plaît ! C'est ultra gênant...

- "Je t'aime. Jusqu'au fond de moi. Chaque entraille évidence. Je ne suis lié qu'à toi, qu'à tes yeux et tes mots. Même enchainé ainsi, amour me rend entièrement libre.
Je suis ces paroles d'amour, banal, sans prétexte. Mais lorsque que ton attention se pose sur moi, chaque parole prend sens. Milles étoiles brillent ce soir, chacune est un gage de mon cœur. La Grande Ours veille sur nous cette nuit. Et je prie au bord de notre lit, que cela dure toujours, toute la vie."

Vincent épiait les alentours du café, priant pour que personne n'entende la lecture.

- C'est bon ? T'as fini ?
fit-il en reprenant sa copie une bonne fois pour toute.

- T'as mis quoi ? Deux minutes pour pondre ça ? T'as du talent Vincent. Pourquoi tu t'en rend pas compte ?

Le châtain était retourné à sa tasse de café, et n'avait aucune envie de répondre à cette question.

- Vincent ?

Il détacha ses yeux du liquide chaud, pour croiser le regard ahuri de Rémi.

- Quoi ?

- Réécris la scène de leurs rencontre, et trouve un meilleur élément perturbateur que le père qui veut absolument qu'elle pécho l'enculé d'agent immobilier plutôt que le héros. C'est trop cliché, mais sinon, garde le reste. C'est parfait.

Vincent ne pouvait s'empêcher de trouver Rémi impressionnant.

- Et t'as combien de moyenne en français toi ?

Le bouclé leva les yeux au ciel en laissant sa tête tomber contre le dossier du canapé sous le rire du plus petit.

- C'est pas important ça ! Oublie ça ! Oublie !
s'écria t-il.

Un couple passa, les regardant légèrement de travers. Peut-être faisaient-ils trop de bruit ?
Rémi se redressa et jeta un coup d'œil à sa montre.

- Il est moins le quart. On y va ?

- Ouais.

Ils prirent leurs affaires, chacun déposa ses petites pièces rouges sur le comptoir, et ils sortirent du café Apache, sous le tintement de la clochette.

Les pieds dans l'eau du caniveau, ils rabattirent leurs capuches sur le haut de leurs têtes, et s'en allèrent en direction de leur cours de musique, chacun un sourire aux lèvres.

À suivre...

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