1. Rentrer dans le tas


Alors que Vincent s'affairait à refaire ses lacets, l'étrange impression d'un regard posé sur lui l'oppressa soudain.
Il releva la tête, et tomba face à deux paires d'yeux.

Il jugea rapidement les garçons devant lui.

« Quoi ? »

L'un des deux s'avança, et se baissa, un genou au sol, pour être à sa hauteur.

- Salut ! Mon pote et moi on se demandait si c'était un vrai tatouage ?

Le bouclé montrait du doigt son bras découvert par son t-shirt à manche courte.

Vincent remballa son air surpris, et ramena son bras contre son torse, cachant l'encre.

- Ouais.

- Mais t'as quel âge ?

- 16 ans.

L'autre garçon s'avança vers lui à son tour.

Vincent aperçu ses baskets et eut un haut-le-cœur. Des véritables Adidas Consortium Twinstrike A//D...
Waouh...
Il n'avait jamais eu l'occasion d'en voir en vrai, et malgré les légères traces de boues, et le devant de la semelle qui remontait un peu, elles étaient en parfait état.

D'un air innocent, ce garçon aux sneakers improbables, lui demanda, tout excité :

- T'as un tatouage à 16 ans ? Comment tes parents ont accepté ? Je peux le voir ?

Un peu intimidé par ces questions, et les regards insistants des deux garçons sur lui, Vincent répondit finalement, en leur tendant son bras :

- Mes parents, ils n'en ont pas grand chose à foutre... Et comme c'est un ami qui me l'a fait, je me suis passé de leur accord.

L'encre sur son bras représentait une rose.

- C'est beau. Pourquoi une rose ?
demanda le bouclé.

- C'est ma couleur préférée.

Absurde.
Leurs trois regards se croisaient, jusqu'à ce que Vincent craque et explose de rire, rapidement suivi des deux autres.

- Non mais j'aime beaucoup les roses, c'est mes fleurs préférées. Et puis c'est symbolique.

- Ouais, je comprends.
fit le brun, inspectant encore l'encre sur son bras.

L'autre était encore en train de pouffer de rire.

- Tu t'appelles comment ?

- Rémi. Et le zozo qui ne peut pas s'empêcher de rire c'est Maxence. Toi c'est quoi ?

- Vincent.

La sonnerie du lycée interrompit leurs sourires amicaux.

- Ah ! Ils vont nous répartir dans les classes.

Une masse d'étudiants s'étaient réunis devant une estrade sur laquelle le principal et quelques profs demandaient le silence.
Vincent se dressa sur la pointe des pieds, ayant du mal à voir et à entendre.

« C'est quoi ton nom de famille ? »
demanda une voix à son oreille.

Il sursauta légèrement, et se retourna vers Rémi.

- Dardalhon.

- Je te préviendrai quand ils t'appelleront.

- Merci.

Il est vrai que Rémi devait faire une bonne tête de plus que lui, et pouvait aisément voir au dessus de la foule. À côté, Vincent se dit que lui et Maxence avaient vraiment l'air ridicule.

Alors qu'il était perdu dans ses pensées, Rémi se pencha vers eux, et leur indiqua :

- Les gars vous êtes ensemble en 1ère 7.

- Et toi ?
demanda Maxence.

- Je suis en 1ère 4.

- Tout seul ?

- Apparemment ouais... Faut que j'y aille, ma classe est en train de partir. Vous, votre classe va vers le bâtiment des arts, au premier étage ils ont dit.

- Ok!

Alors que Rémi disparaissait sous le regard un peu déçu de Vincent, qui commençait à bien l'apprécier, il sentit Maxence lui attraper la main et le tirer vers lui.

- Dépêches-toi !

Il se laissa guider, et au pas de course, ils finirent par rattraper leur classe.
Ils rentrèrent tous ensemble dans la salle, et Maxence reprit Vincent par la main, lui intimant de s'asseoir à côté de lui.
Il est vrai que son nouvel ami avait bien fait de se dépêcher de rentrer, ils avaient eu la meilleure place.
Troisième rang, contre le mur.
On pouvait aisément lire le tableau, mais aussi, rester presque complètement invisible pour le prof.

Et cette deuxième option n'était vraiment pas négligeable au vu de leur professeur principal, monsieur Gruipte. Un vieux sûrement sénile. Les lunettes tombantes sur un visage typé pédophile de film américain, et des semelles crasseuses.
Le premier rang allait déguster...

Alors qu'il appelait chaque élève par date de naissance, Vincent fut étonné que le prénom de Maxence tarde autant. Son nouvel ami fut finalement appelé en dernier.

- J'ai un an de moins.
lui expliqua t-il.

Les quelques heures passèrent assez rapidement.
Vincent avait toujours apprécié le premier jour d'école. Celui où on découvre sa classe, ses profs. Celui où on sort ses nouveaux stylos, que notre écriture est approximative, et que les feuilles des cahiers ont encore cette odeur de nouveau.
Celui où on écrit notre prénom au feutre sur un petit chevalet en papier, et qu'on étend nos bras sur notre table, profitant quelques heures de ce retour en enfance avant le vrai travail.
Celui aussi où on découvre sa nouvelle école, en tout cas pour Vincent.

En tant que petit nouveau, il reconnaissait avoir eu une sacrée veine de tomber sur Rémi, mais surtout sur Maxence.
Au moins il était sûr de ne pas rester tout seul en classe, surtout vu comment Maxence avait l'air sociable avec leurs camarades...
Il était loin de ce qu'on pouvait qualifier de timide, mais il avait l'air d'avoir du mal à s'intégrer au groupe.

L'heure de la pause sonna enfin, Maxence se tourna vers lui.

- Dis moi que tu manges à la cantine.

- Ouais et toi ?
rigola un peu Vincent.

- Ouf ! Moi aussi ! Tu viens on y va ?

Les deux garçons se jetèrent un regard complice, et lancèrent leurs sacs sur leurs épaules en sortant en trombe de la salle de classe. Ils dévalèrent les escaliers à toute vitesse, sous les plaintes du plus jeune.

- J'ai faim !

Ils arrivèrent dans la grande cour, et Vincent se sentait déjà perdu au milieu de tous ces étudiants, en pleine observation de son nouvel environnement, une main attrapa la sienne.

- Viens on va rejoindre Rémi ! Il nous garde une place dans la file !

Ça allait vraiment devenir une habitude que Maxence le tire par la main !

Alors que le plus jeune le faisait habilement traverser la foule, ils retrouvèrent le grand bouclé qui les accueillit avec un sourire affectueux.

Une dizaine de minutes plus tard, ils étaient assis autour d'une table, chacun son plateau devant lui, et dont les assiettes dégageaient des odeurs suspectes.

Alors que Vincent observait son plat avec un air de dégoût, non refoulé, collé sur le visage, Rémi enfournait sa fourchette bien rempli de l'immonde pâté, entre ses lèvres.
Il était trop confiant...

- Comment ça s'est passé pour vous ?
demanda t-il la bouche pleine.

Maxence commença à lui déballer toute la matinée de A à Z, il cachait bien son jeu, mais en vérité c'était un vrai moulin à parole ! Tellement que Vincent ne pouvait qu'hocher la tête, et affirmer ses dires en ponctuant de petits « mouais ! », sous les yeux joueurs de Rémi qui, malgré la non participation du châtain à ce récit, ne l'excluait pas du regard.

- Et toi Rém' ?

Le bouclé prit une grande inspiration, ça n'annonçait rien de bon.

- Notre prof principale c'est tout l'inverse du votre. C'est une pouffe intersidérale !

Les deux plus petit rirent de concert.

- Quoi ?! Explique !

- Bah le gros cliché tu vois ! Mini-jupe avec laquelle elle écarte bien les jambes, t-shirt blanc moulant et presque complètement transparent. Et elle se penche bien en avant quand elle nous parle ou quand elle distribue un truc. En plus je suis vraiment dans une classe de cons, tous les gars sont à fond sur elle.

- Ah ouais... Je vois le genre...

- Elle nous a attribué des places pour ses cours, mais pas en fonction de l'ordre alphabétique ou je ne sais pas quoi... Mais en fonction de si elle aimait nos prénoms !

Ses deux amis le regardèrent interloqués, attendant la suite.

- Plus t'es proche du tableau, plus elle aime ton prénom.

- Elle t'as mis où ?

- Tout au fond.

Maxence éclata de rire, et Vincent s'étouffa avec l'eau qu'il venait de boire.

- Les gars ! En plus mon voisin il est trop bizarre ! Il s'appelle Sylvain, et il murmure tout seul !

- Sérieux ?

- Ouais !

- Mais il dit quoi ?

- Je sais pas trop... À un moment il chantait du Kamini, puis après il récitait sa liste de course...

Maxence eut un petit moment de silence en pensant qu'il aurait pu faire exactement la même chose.

- Il doit avoir un petit problème par là...
intervint Vincent, pour la première fois dans cette discussion, en pointant sa tempe d'un doigt.

- C'est clair !
acquiesça Rémi.

Maxence quant à lui, avait repris l'exploration de sa compote de pomme avec sa cuillère. À priori, les petits morceaux qui trainaient au fond du pot ressemblaient à tout, sauf à de la pomme.

- Cette cantine est vraiment dégueulasse...

- Vous n'y étiez pas l'année dernière ?
demanda Vincent.

- Si, mais cette année ils ont décidé de changer les repas. C'est sensé être plus bio... Enfin, c'est ce qu'ils ont dit...

- Au moins le pain est bon !
affirma Rémi en croquant avidement dans le sien, faisant rire ces deux amis.

- Et encore !

À suivre :)

♥️♥️

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