1. Un Amour Musical
Por MademoiselleTW
"I don't care who you are, if you successfully play the music of my heart, then I will love you" - Dandelion
Tous les jours, il l'entendait. Une magnifique mélodie, faisant vibrer son cœur d'émotions. Les notes s'enchaînaient, les rythmes s'accumulaient et lui, il écoutait. Un jour, c'était une musique triste, le lendemain c'était une musique gaie. Il aimait arriver en avance au conservatoire rien que pour écouter le pianiste. La porte était à chaque fois close, laissant la liberté à son esprit d'imaginer l'artiste. Il s'imaginait un vieil homme en costume, perché au dessus des touches, vivant rien que pour le piano. Il s'imaginait aller le féliciter tellement il jouait bien.
Quelle ne fut pas sa surprise, un jour, lorsqu'il entendit une voix s'élever de concert avec la musique. Une voix de femme. Bien sûr, cela aurait pu être une accompagnatrice mais il savait au fond de lui que le pianiste était en réalité une pianiste à la voix d'ange. Il était envoûté, il rêvait d'ouvrir la porte et d'étreindre la virtuose.
La porte était ouverte en ce jour de canicule. Son cœur battit plus fort, il hésita, trépigna, se dandina et osa. Ce fut furtif et il ne vit qu'une silhouette. Il recommença. Plus longuement. Une cascade de cheveux châtains coulait le long d'un dos beige. Il voyait ses doigts parcourir le piano, il sentait l'intensité et la passion qu'elle mettait dans sa mélodie. Elle ne faisait pas qu'interpréter un morceau, elle le vivait.
- Je peux t'aider ?
Il ne l'avait pas entendu finir sa chanson, perdu dans ses pensées et il sursauta comme pris en flagrant délit. Il rougit, marmonna et réussit à former un flot de mots cohérents.
- C'est... vraiment très beau.
- Merci.
Son timbre de voix le surprit. Elle avait une belle voix, légèrement grave, qui le fit frissonner.
- Comment t'appelles-tu ?
- Moi ?
Ses lèvres roses frémirent esquissant un doux sourire.
- Oui, toi. Qui d'autre ?
- Je m'appelle Julien. Et toi ?
- Candice.
Il se sentait idiot. Devant elle, il n'arrivait pas à penser normalement, ses pensées étaient envolées. Pourtant ce n'était pas un jeune homme de 20 ans timide. Ça non ! Il était plutôt franc et courageux. Mais devant les yeux marrons extraordinaires de son interlocutrice, il perdait pied.
- Je vais continuer à jouer alors. Tu peux t'asseoir si tu veux.
Il s'assit et écouta les musiques défiler. Une heure s'écoula ainsi. Ce n'est que lorsqu'un jeune garçon entra dans la salle qu'il prit conscience qu'il avait raté une demi-heure de son cours de théâtre. Le jeune homme prit la jeune fille par la main et ils s'en allèrent. L'humeur de Julien était au plus bas. Il repartit chez lui et réfléchit. Il réfléchit durant la nuit, le lendemain et la nuit du lendemain. Il en arriva à une seule conclusion : demander à prendre des cours de piano avec elle.
Qu'est-ce que cela lui coûtait de demander ? Il se répétait cette phrase comme un mantra pour se donner du courage. Devant un public, il n'avait jamais stressé. Et voilà que pour aller voir une fille, ses mains étaient moites, sa respiration saccadée et son cœur agité. Il ouvrit la porte et il vit les épaules de Candice se soulever sous le sursaut.
- Excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur.
- Ce n'est pas grave.
- Je voulais te demander quelque chose.
- Bien sûr, je t'écoute.
Elle inspirait le bonheur, la douceur, l'attention. L'amour.
- Voudrais-tu me donner... des cours de piano ?
Si elle eut était étonnée, elle n'en laissa rien paraître. Elle réfléchit et ouvrit la bouche pour formuler ses quelques mots qui suffiraient, pourtant, à rendre heureux Julien pour toute une vie. +
- Je pourrais t'en donner mais le jeudi soir seulement. Ça t'ira ?
Il s'empressa de hocher la tête. Il restait stoïque, pourtant un feu joyeux s'était animé en lui.
Il réussit à se libérer le jeudi soir. Elle était là, vêtue de blanc, devant le piano noir. Les grandes fenêtres derrière le piano laissaient filtrer une lumière pâle de fin de journée. Elle lui sourit, et son sourire sembla illuminer la pièce.
- Pour jouer du piano, il faut aimer ça. Il faut vivre tes musiques. As-tu quelques bases ?
- Pas vraiment non.
Elle sembla réfléchir.
- Ce n'est pas grave. Installe-toi, les poignets ouverts et hauts.
Il n'avait rien retenu de son cours. Il l'avait dévoré du regard et s'était noyé dans sa douce odeur de pomme. Elle avait dû lui expliquer les bases, sûrement. Il avait juste retenu le toucher de sa peau lorsqu'elle lui avait redressé ses poignets. Ce geste l'avait beaucoup perturbé et Candice avait dû s'en rendre compte car elle s'était détournée, gênée.
Il n'avait pas osé lui proposer de boire avec elle sur une terrasse. N'était-ce pas prématuré ? N'allait-elle pas avoir peur ?
S'il avait été peintre, il l'aurait dessinée. S'il avait été photographe, il l'aurait prise en photo. S'il avait été musicien, il lui aurait écrit une sonate d'amour. Mais il n'était qu'un jeune et pauvre comédien. Elle était une grande pianiste au talent incroyable. Qu'était-il à côté ?
Les jeudis passaient trop vite. Ils se voyaient durant une heure et il aurait tellement voulu plus. Elle étudiait le piano depuis 14 ans. C'était une professeure très patiente. Il aimait l'observer quand elle lui montrait des morceaux. Ses yeux se plissaient légèrement sous la concentration, elle passait sa langue sur ses lèvres et elle haussait légèrement le sourcil gauche. À chaque fois, il souriait discrètement en la voyant faire. Il aurait pu lui demander de lui rejouer des dizaines de fois le thème d'une musique rien que pour la voir faire ces mimiques. Ce qu'il aimait le plus chez elle était quand elle se préparait à chanter. Elle remettait alors une mèche derrière son oreille, se raclait la gorge et elle prenait une grande inspiration. Sa voix, puissante, jaillissait de sa cage thoracique et emplissait l'air. Sa voix était comme un doux serpent qui venait s'enrouler autour de vous et de vos oreilles. Vous étiez alors comme dans un cocon, à sa merci. La nuit, il essayait de l'imaginer chanter mais il ne retrouvait jamais son timbre de voix si particulier. Pourtant quand elle chantait, cela paraissait tellement évident qu'il souriait béatement en appréciant sa compagnie.
Les jeudis passaient, son amour pour elle grandissait chaque jour. Il n'y avait qu'elle qui existait. Rien qu'elle. Les autres filles, il ne les connaissaient pas, ne les voyaient pas, il s'en fichait. Mais ses doutes augmentaient aussi. L'appréciait-elle même un peu ? Des fois, il s'imaginait déclarer son amour pour elle, elle lui sautait alors au cou en lui avouant son amour caché. Il ne pouvait pas l'imaginer en train de l'embrasser. Cela aurait été un pâle reflet de la réalité puis c'était trop douloureux. Mais des fois, en lui déclamant son amour dans ses rêves, de la pitié et de la gêne s'installaient dans son regard. Il la voyait hésiter et elle s'excusait de lui briser son cœur. Ensuite, elle s'éloignait et il avait beau courir, elle était inatteignable. Ces rêves là étaient les plus fréquents.
Elle dû s'apercevoir de sa tristesse le jeudi suivant. Elle lui demanda ce qui se passait, il ne répondit rien. Qu'aurait-il pu lui répondre ? Qu'il l'aimait à la folie, qu'il pensait à elle tous les jours, qu'elle hantait ses nuits ? Il lui aurait fait peur et elle serait partie. Comme dans ses rêves. Mais qui sait...
- N'es-tu pas heureux ? Il y a du soleil, c'est l'été, il fait chaud, les oiseaux chantent et les gens rient. L'été n'est-elle pas la plus belle saison sur Terre ?
Tout en disant cela, elle s'était approchée de la fenêtre où une lumière inondait son visage. On aurait cru un mini soleil, son débardeur jaune lui donnant une allure solaire.
- Je préfère l'automne. J'aime voir les feuilles des arbres devenir rouges, orange, vertes et jaunes.
- C'es vrai que c'est très beau. Mais dis-moi pourquoi es-tu aussi malheureux ? Je vois dans tes yeux un voile de tristesse qui ternit ton regard vert émeraude.
- Tu ne comprendrais pas.
- Pourquoi ne comprendrais-je pas ?
- C'est trop compliqué.
Elle se détourna, quelques secondes et s'exclama soudainement.
- Je sais !
Il s'était relevé et la tristesse de ses yeux avaient été remplacé par de la panique. Elle le vit mais ne dit rien.
- C'est à cause d'une fille ? N'est-ce pas ?
Il était paniqué. Le théâtre avait heureusement un atout, celui de savoir rester maître de ses émotions et de savoir jouer la comédie, matière dans laquelle il excellait.
Mais le pire se produisait. Soit il lui avouait que cette fille était elle, soit il jouait la carte comme quoi cette fille était une fille de son entourage mais les chances d'être avec elle seraient considérablement réduites. Voire détruites. Tellement plongé dans ses réflexions, il ne saisit pas l'éclat de tristesse dans les yeux de Candice qu'elle chassa vite par un sourire quoique forcé. Elle avait compris ce qu'elle ne voulait pas comprendre. Julien était amoureux. Peut-être d'une amie, d'une camarade à l'université ou même d'une comédienne. Elle se convainquit qu'elle était heureuse pour lui. Elle y arriva presque. Lorsqu'il répondit, elle était à la fenêtre. Il ne voyait d'elle que ses cheveux lisses et ses jambes halées.
- Non. Pas vraiment. Enfin...
Elle ne sut jamais la suite de sa réponse. Un de ses amis venait d'entrer lui rappelant que l'heure de son cours était terminée. Elle s'efforça de rassurer Julien en prenant un ton gai.
- Aie confiance en toi. Je suis sûre qu'elle t'aime.
Elle lui fit un clin d'il et le laissa là, sur une chaise. Lui, qui était prêt à tout lui avouer. Pourquoi continuer quand tout était joué d'avance ? Il avait très bien vu l'air fier et supérieur de "l'ami" de Candice. Il était malade de jalousie. Ca le rongeait. Cette jalousie provoquait des émotions comme la colère. Il était tellement en colère contre "cet ami" qui lui volait sa pianiste. En colère aussi contre Candice qui ne comprenait pas, qui ignorait ses signaux. Mais surtout en colère contre lui, lâche de ne rien dire, pas même capable d'avouer son amour à la concernée. À quoi beau continuer cette comédie ? Il n'était rien et ne serait jamais rien. De ses cours de piano, il n'avait rien retenu. Mais de Candice, il avait tout retenu. Sa voix, ses gestes, ses intonations, ses traits, sa douceur. Pourtant en voulant se la remémorer, il ne voyait qu'un visage flou. Sa colère était partie. Elle laissait place désormais à la tristesse qui l'assaillait. Les larmes coulaient sur ses joues et inondaient le piano silencieux.
Il se sentait vide, épuisé, las. Plus rien n'avait de goût, tout était fade, sans joie. Il essayait de ne plus penser à elle. Il se forçait à passer devant sa salle sans s'arrêter ou même écouter. S'il avait bien écouté, il aurait entendu des chansons tristes chantées d'une voix rouillée par les larmes. Mais il ne pouvait pas s'arrêter, sous peine de devenir fou.
Il jouait le rôle d'un homme triste au théâtre. Personne ne l'avait jamais autant félicité pour le jeu qu'il mettait dans son personnage. Ce que ces gens ne savaient pas, c'était que ce n'était pas bien compliqué. Il lui suffisait de penser à Candice, voilà son secret.
Il n'était pas allé à son cours jeudi. Ni le jeudi suivant. Ni le jeudi encore après.
Il attendait un signal, même minime, pour pouvoir retourner aux cours avec Candice. Son professeur de théâtre l'avait prévenu qu'il n'aurait plus cours de piano le jeudi. D'abord étonné, Julien avait compris que Candice avait annulé. Et toutes les fois suivantes. Avait-elle deviné son amour ? Avait-il fait quelque chose de mal ? Il n'osait pas aller la voir, ayant peur de la mettre en colère. Il préférait lui laisser du temps.
* * *
Candice commençait à comprendre. Tous les gestes auxquels elle n'avait pas fait attention. Elle comprenait désormais. Tout lui semblait évident. Elle regrettait. Rien ne pourrait excuser son comportement fuyard. Elle avait peut-être un moyen de se faire pardonner. Une idée se formait dans sa tête. Une idée totalement folle mais prometteuse.
L'automne. Une magnifique saison où il faisait encore assez doux pour mettre des T-shirts mais suffisamment froid pour ranger les shorts. Il regardait les feuilles et il pensait à Candice, à ce dernier jour. Il pensait toujours à elle. Il ne savait pas si son amour s'estomperait ou s'il le tuerait.
* * *
La surprise. On ne pourrait pas appeler ça un choc car l'annonce lui procura du bonheur pour la première fois depuis des mois. Un mot. Une phrase. Et l'espoir est revenu.
Retrouve-moi à la salle de cours jeudi à 21h.
Ce mot n'était pas signé. Mais il savait de qui il venait. Candice. Que lui voulait-elle ? Pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour le contacter ?
Elle était là. Le plus étonnant n'était pas sa robe rouge vif. Le plus étonnant c'était la salle. Un seul mot venait à sa bouche. Magnifique. Des feuilles rouges, vertes, orange, jaunes étaient étalées partout. On ne voyait plus le plancher. On se serait cru dans une forêt. La lumière était tamisée et des bougies éclairaient la salle. Elle était là. Elle lui tournait le dos. Il s'avança et elle commença à jouer. Il s'approcha et pour la première fois, il vit ses mains légèrement trembler au dessus des touches blanches. Elle lui avait manqué. Il mourait d'envie de la prendre dans ses bras mais la mélodie l'en empêchait. Sa voix le fit frissonner quand elle commença à chanter. Il n'avait jamais entendu cette musique. Les paroles étaient une ode à l'amour. Il sentait émaner d'elle une passion et une intensité qu'il n'avait jamais vu. En s'approchant près d'elle, il découvrit des partitions manuscrites intitulées L'Amour. Elle l'avait composée et c'était magnifique. Il redouta le moment où sa voix s'éteindrait et laisserait place à un silence tendu. Moment qui arriva. Elle se retourna vers lui et il eut le souffle coupé par sa beauté. C'était comme s'il la voyait pour la première fois.
- Je suis désolée.
- Tu...
- Chut. Laisse-moi terminer, s'il te plaît. Ne m'interromps pas.
Elle se détourna de lui et fit glisser ses doigts sur l'instrument.
- Je ne suis pas quelqu'un de très ouverte surtout sur mes sentiments. Tu as dû t'en apercevoir. Au début, je n'ai pas compris. J'ai pris du temps à me rendre compte de certaines choses.
Elle rigola quelques secondes puis continua :
- Tu auras beau eu avoir plusieurs heures de leçons de cours, tu n'as rien retenu. Au début je me suis dit que tu n'avais pas de piano chez toi pour t'exercer puis j'ai compris. J'ai compris l'intensité de tes regards lorsque tu me regardais jouer. J'ai compris pourquoi tu me demandais à maintes fois de rejouer une musique. Tu me gravais dans ta mémoire en m'observant. Moi aussi, je t'ai remarqué. Je sentais tes regards sur moi et lorsque je me tournais vers toi, tu faisais semblant de regarder ailleurs. Je savais que tu faisais semblant car tu te grattais la peau sur le coté des ongles.
C'était une de ses manies lorsqu'il était stressé.
- Je dois reconnaître que tu es un très bon comédien. Tu sais cacher tes émotions même si j'ai pu apercevoir lors de notre dernier cours un éclair de panique quand j'ai abordé le sujet d'une potentielle amoureuse. Quelle gourde je fais n'est-ce pas ? Mais j'étais convaincue, lorsque j'ai vu cette panique dans tes yeux, que j'avais raison et que quelqu'un te plaisait. J'en étais malade de jalousie. Je n'ai jamais eu autant mal de ma vie. Je ne pouvais plus te voir, je me sentais trahie et j'étais surtout triste et seule. Je comprends que tu ne sois pas venue me voir, je t'aurais repoussé. Je me suis repassée des dizaines de fois chacun de nos cours, de nos discussions. Puis peu à peu, j'ai compris des signes, des gestes et même des paroles. La fille dont tu étais amoureuse était moi.
Elle se leva et alla à la fenêtre.
- Tu ne peux pas savoir ma joie, mon soulagement quand j'ai compris ça. Mais j'ai aussi eu honte de moi. Honte de ma réaction. Je devais me rattraper. Et nous voilà ici.
Il était ému, personne ne lui avait jamais rien dit d'aussi beau. Même au théâtre. Pourtant il avait une question, une seule :
- P... pourquoi ?
- Parce que je t'aime. Je t'aime à la folie. Me demander des cours de piano pour être avec moi, quelle idée absurde mais géniale. Tu me manques tellement. Même le piano ne me console pas. Mon cœur bat pour toi. D'ailleurs en ce moment, il bat à mille.
Elle se retourna, lui montrant des larmes sur ses joues rosées. Il n'hésita pas et s'avança vers elle. Il lui prit délicatement le visage entre ses mains et essuya ses larmes avec son pouce.
- Ne pleure pas. Je suis là. Je t'aime aussi. Je ne pouvais pas t'avouer mon amour, tu m'aurais pris pour un fou et tu serais partie.
- Impossible.
- Tu hantes mes rêves toutes les nuits. Je pense tout le temps à toi. Je t'ai dans la peau : tes gestes, ta voix, ton si beau visage, tes mimiques. Tu ne me prends pas pour un fou ?
- Un fou d'amour si.
- C'est parce que je suis fou de toi. Et je meurs d'envie de t'embrasser.
- Alors fais-le.
Leurs lèvres se touchèrent dans une explosion de sentiments et d'émotions. Baiser mêlé de larmes de retrouvailles et d'un amour passionnel.
Fin
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top