7. Les tribulations d'un asticot spammeur

22 janvier 2017


Gorzül redresse la tête pour ouvrir des yeux écarquillés à la vue de la date en en-tête.

« On est déjà le 22 janvier ? Mais c'était le premier jour de l'an dans le segment précédent ! »

Je reprends un dernier gâteau. Vraiment le dernier, cette fois-ci. Il ne me reste plus le moindre paquet. La situation devient critique.

« Hum. C'est toujours pareil avec Wattpad. Dès que l'on traîne dessus, on ne voit plus le temps passer.

— Mince, il faut faire quelque chose, maintenant !

— Oui, des courses. »

Gorzül me dévisage avec de grands yeux tandis que je griffonne une liste.

« Alors... des gâteaux, des pâtes, des gâteaux, encore des gâteaux, d'autres gâteaux, des pâtes, des...

— Et l'écriture, dans tout ça ? »

C'est à mon tour de le dévisager avec de grands yeux.

« L'écriture ? Je savais que j'oubliais quelque chose. Euh... qu'est-ce qui est en attente, déjà ?

— L'Antibiographie, déjà, pour commencer. Surtout que c'est le seul bouquin dans lequel j'apparais.

— Hem, je n'aurais jamais pensé qu'il pût y avoir conflit d'intérêt entre mes personnages. »

Je tends la liste de courses à Gruk. Le majordome zombie s'en empare avant de faire demi-tour.

« Gruuuuk.

— Et... il va vraiment faire vos courses ?

— Heu, je suppose. Il faut bien quelqu'un chargé de remplir les placards.

— Il est en train de manger ta liste, c'est normal ?

— Scrounch. Gruk. Scrounch.

— Diantre, voilà qui expliquerait pourquoi mes placards sont vides, alors. »

Gorzül soupire. Je regarde la date.

« Hein, quoi ? On est trois semaines plus tard ?

— C'est ce que je me tue à te dire !

— Mais comment ça se fait ?

— Mouahahaha ! Je vous retrouve enfin ! »

Nous nous retournons tous deux pour faire face à une chenille rose, une bombe de peinture de la même couleur à la main.

« Encore elle ? Comment a-t-elle fait pour entrer ? »

Je chuchote aussitôt la réponse à mon assistant.

« Nous sommes dans vos listes de lecture Wattpad, et c'est un espace public. Du coup... »

La chenille pointe la bombe de peinture dans notre direction. Le vampire-garou recule d'un pas.

« Premièrement, je sais tout de suite ce que vous allez dire, ou même écrire, je suis un ASTICOT, pas une chenille ! »

Elle tourne le regard dans ma direction, pour afficher une mine perdue.

« Mais... où est le chameau ? »

Ses yeux froncés continuent de me fixer. Avant de lui laisser le temps de comprendre, j'enchaine par une autre question.

« Et au fait, pourquoi est-ce que tu es rose, maintenant ? »

La chenille fait une grimace avant de répondre.

« Eh bien, c'est une longue histoire. J'ai acheté un tapis volant pour vous rattraper, mais il est tombé en panne au-dessus de l'océan Pacifique. Déjà, son GPS était complètement détraqué pour m'envoyer là, alors que c'aurait été beaucoup plus simple de partir vers l'ouest, et que...

— Mais les tapis volants n'ont pas de GPS. »

En tout cas, ce n'était pas marqué dans les catalogues que m'avait prêtés le marchand, Magouille, de son – vrai ? – nom.

« Heiin ? Voilà qui expliquerait bien des choses...

— En plus, les tapis volants vont un peu là où ils veulent que je sache. C'est comme les chevaux, si tu ne sais pas les monter...

— Bref, me coupe la chenille. Ce fichu tapis m'a donc laissé tomber au-dessus de l'océan, et il a fallu que j'use de mes pouvoirs secrets de téléportation pour éviter l'eau et me noyer. Je me suis retrouvée sur une île déserte pendant deux semaines. Un véritable enfer !

— Hum, le coin a l'air plutôt sympa, reprend Gorzül, plongé sur Google maps. Tellement que je vais la mettre en média de ce chapitre. J'avais aussi des images de notre voyage au Bhoutan, mais l'auteur, ici présent, a préféré mettre une photo de lui, après sa métamorphose. »

Je lui fais signe de se taire. La chenille nous considère déjà bizarrement et ne va pas tarder à faire le rapprochement. Finalement, elle décide de reprendre le cours de son récit.

« J'ai été recueillie par des pirates qui voulaient me manger. Moi ! Est-ce que j'ai l'air d'être comestible ? Heureusement, on a sympathisé lorsqu'ils ont appris que j'étais une gudulienne gourmande pastafariste, et ils m'ont ramenée jusqu'en Europe...

— Hum ? C'est si rapide que ça, un navire de pirates ?

— À bord de leur bateau volant. Nous avons été attaqués par une horde de dragons en chemin, leur vaisseau a été endommagé, et nous avons cherché à rejoindre le parc près de l'hôpital de Nancy, pour nous faire aider par des contacts reptiliens. Finalement, ça n'a pas marché, nous nous sommes écrasés au milieu du désert du Sahara, avons échappé à un monstre des sables, puis erré des jours dans le désert. Et le pire ! Le pire, dis-je donc : une tagueuse m'a aspergée de peinture rose sur mon chemin ! Et je déteste le rose ! Ce n'est même pas ma couleur naturelle ! Je ne sais même pas encore comment m'en débarrasser !

— Eh bien, quelle histoire ! » siffle Gorzül.

Je contemple avec déception un paquet de biscuits vide.

« Et vous... vous avez fait quoi pendant tout ce temps ? Reprend la chenille, encore essoufflée par sa tirade. Il a dû vous arriver plein de trucs, non ?

— Heu... j'ai lu des bouquins, commence Gorzül.

— Et je n'ai plus de gâteaux. C'est triste, hein ? »

La chenille me fixe encore, abasourdie.

« Pendant trois semaines, c'est tout ce que vous avez fait ?

— Eh bien...

— Mouhahaha, vous êtes tombés dans mon piège ! »

Je me retourne. Une phrase aussi cliché ne pouvait venir que de...

La silhouette s'efface pour réapparaître dans le dos de la chenille, et de la menacer d'une bombe de peinture bleue.

« Z...

— Oui, c'est moi, Z..., le premier méchant de ce livre absurde ! Ton pire ennemi, le voyageur temporel, et bientôt... le maître du temps !

— Laisse cette chenille, elle ne t'a rien fait !

— Mouhahaha ! Non.

— Euh, s'il te plait ?

— Bon, d'accord. »

Il laisse Elenasticot partir, mais s'empare de sa bombe de peinture rose. Il agite ses deux armes, l'une dans chaque main.

« Mouhahaha ! En fait, c'était voulu ! La chenille ne me sert à rien et j'ai désormais deux armes de tag !

— JE. SUIS. UN. ASTICOT !!!

— Silence !

— Mais euh, d'où sors-tu cette deuxième arme, enfin... je veux dire la première ? Demande Gorzül.

— Du futur, bien sûr ! Du prochain tag que recevra Elenasticot... de toute façon, c'est la seule à se faire attaquer à coups de peinture...

— Hein, cela veut dire que je vais être encore taguée ? »

Philosophe, je reprends la parole.

« Cela veut aussi dire qu'Elenasticot va survivre à cette confrontation, donc autant la relâcher tout de suite...

— J'espère bien que je vais survivre ! D'ailleurs je m'en vais, salut. »

Elle disparait avec ses pouvoirs – de moins en moins – secrets de téléportation.

« Mouhahaha ! Reprend Z... Avec le pouvoir d'un seul tag, je peux déjà voyager dans le temps. Avec deux... regardez donc ce que je peux faire ! »

Il actionne ses deux bombes de peinture. L'espace-temps vibre, tremble, se déforme...

Puis Z... disparait.

« Euh, c'est tout ? » demande Gorzül.

Je parcours la pièce d'un œil circonspect.

« Ce n'est pas terminé...

— Tu critiques ce méchant pour sa propension aux clichés, mais cette fin de segment n'était pas mal non plus. » me fait remarquer mon assistant.

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