33. Armageddon
Zakariiiiiii réapparaît aussitôt.
« Et voilà, c'est fait, annonce-t-il, le fragment équilatéral dans la main.
— Au moins, c'était rapide.
— On va dire que c'est l'avantage des voyages temporels. »
Au vu de l'usure de son équipement – encore plus flagrante que d'ordinaire – je me doute que cette excursion n'a dû être ni simple, ni rapide.
« Et, du coup, il s'est passé quoi ? »
Le voyageur temporel élude ma question d'un mouvement de bras.
« Rien que tu ne sois capable d'imaginer.
— Ah, pas de machines à laver zombies ni de grille-pains atomiques, donc ?
— Que... non ! Qui irait imaginer ça, d'ailleurs ? Bref, j'ai le quatrième fragment.
— Le troisième. Comme il ne s'est écoulé qu'une poignée de secondes, ChristopheNolim n'est pas encore revenu, lui.
— Ah, oui, mince. Bon, eh bien, je repars dans le temps, alors. Salut.
— Hein, quoi ? Et qu'est-ce que je fais, moi ? Où est-ce qu'on se retrouve ?
— Heu, je ne sais pas.
— Je propose le siège de l'OCM, en Malaisie. Si on a besoin de ressources, tout y sera disponible.
— Parfait. »
Il disparait.
Je contemple le vide quelques instants. Si Zakariiiiiii est déjà arrivé à destination, plusieurs jours plus tard, je suis bon pour attendre et prendre l'avion, puis attendre encore.
Je soupire.
Les voyages spatio-temporels restent quand même bien pratiques.
Bref.
Heureusement, en tant qu'Auteur, il me reste toujours la possibilité des ellipses.
Hop, ellipse.
Trois jours plus tard, siège de l'OCM
Nous y voici.
L'heure du dernier combat.
Les moteurs de la fusée s'allument, la carcasse de métal tremble.
« Les derniers espoirs des reptiliens, mais aussi de l'humanité, reposent sur nos épaules. » commente Zakariiiiiii.
Ce doit être le moment de dire quelques phrases historiques. Après tout, face à Tartandelus, les pays tombent les uns après les autres. L'instant reste historique, et cette opération, déterminante. Fort heureusement, nous constituons une équipe de choc, les meilleurs des meilleurs des meilleurs : Zakariiiiiii, le reptilien voyageur spatio-temporel, Gudule-bourré-toujours-retransformé-en-blob-moche, Gorzül, mon assistant vampire-garou, toujours en pleines revendications salariales, Médusa, la gorgone apprentie voyante, mais qui, pour l'heure, voit surtout le présent, ChristopheNolim et ses pouvoirs de lampe solaire à haute intensité, et, enfin, bien sûr, une tarte à la crème, belle et appétissante.
Avec une telle équipe, on ne peut pas perdre.
« Je suis bourrééééé. » reprend Gudule, avant de redevenir un baba au rhum.
Je me demande combien Hollywood sera prêt à nous rémunérer, pour adapter nos exploits au cinéma, lorsque nous aurons sauvé la Terre.
La fusée prend son envol, malgré les réserves de certains passagers. Pourtant, aucune inquiétude à avoir : l'appareil a été construit par mes propres équipes, sous ma surveillance attentive.
Enfin, surveillance attentive, lorsque je n'étais pas occupé à combattre des légumes ou manger des cookies.
Hum.
On va dire que c'est à peu près sûr.
Probablement.
De toute façon, c'était ça ou la catapulte. Et quand bien même cette dernière idée pût paraître ô combien disruptive, elle enthousiasmait encore moins mes passagers actuels. Déjà que les négociations se sont avérées plutôt difficiles...
Enfin, sauf pour Gudule, qui, dans son état, acceptait n'importe quoi.
« On vooooole. » commente l'intéressé.
— Au pire, murmure Zakariiiiiii, je peux toujours me téléporter hors d'ici, en cas de problème. Je peux toujours me téléporter... »
Dommage qu'il ne puisse pas se téléporter directement à l'intérieur du vaisseau de Tartandelus, en raison d'obscurs champs de forces.
Je jette un coup d'œil aux autres passagers. Crispés sur leurs sièges, Gorzül et Médusa ne disent mot, tandis que ChristopheNolim, absorbé par d'obscures équations et autres propriétés mathématiques, ne prête pas attention à la situation.
Gudule se retransforme en blob moche pour exprimer sa joie :
« Vouiiiiiiii ! »
Nous franchissons l'atmosphère pour arriver dans l'espace.
Les vaisseaux s'affrontent dans le plus parfait chaos. Les soucoupes des yaourts extraterrestres, des appareils équilatéraux envoyés par les Illuminés, ainsi que d'autres flottilles inconnues ; tous contre la station de Tartandelus, imprenable et absolue.
Des rayons traversent le vide, plusieurs vaisseaux se transforment en gâteaux de toutes sortes. En-dessous de nous, la planète est déjà presque entièrement transmutée en gigantesque pâtisserie.
L'ultime Armageddon se déroule sous nos yeux, ou bien l'équivalent du Ragnarok, bataille finale entre des titans et les dieux. Sauf qu'ici, les titans seraient un gâteau géant et, nous, les dieux. Ou l'inverse. Peu importe. Même si être dieu me plairait bien.
Le pilote automatique évite un muffin géant en perdition. Il va être temps de repasser en mode manuel.
« Tu es sûr de pouvoir conduire ? s'inquiète Gorzül.
— Bien sûr. »
Bien qu'avec difficulté, je me retransforme en chameau pour pianoter sur le tableau de bord. Tant qu'à y être, je fais diffuser une musique épique parfaitement appropriée à la situation, retraçant l'invasion de la Terre par les Poozers, pour une sombre histoire de café.
Des tirs nous effleurent, mais sans nous atteindre.
Avec d'innombrables simulations à mon actif, rien ne peut nous atteindre de toute façon. Enfin, une fois sur deux, ou plutôt trois. Je ne me souviens plus de mon taux exact de game over.
J'esquive un nouveau tir, ma patte glisse sur le tableau de commande, fait subir un tonneau aux passagers, nous manquons de heurter une soucoupe volante, puis une nouvelle embardée nous permet d'éviter un quatre-quarts esseulé.
« Vouiiiii ! »
Si Gudule semble être le seul à se réjouir de cette trajectoire quelque peu erratique, il est vrai, à ma décharge, que piloter avec des pattes de chameau s'avère quelque peu délicat.
Peu importe, nous n'avons plus le choix de toute façon. Les vaisseaux tombent les uns après les autres, la Terre est sur le point de succomber.
J'active les moteurs expérimentaux ; une brusque accélération cloue les passagers sur leurs sièges.
Déjà, l'appareil n'a pas explosé, c'est une bonne chose. Si ça se trouve, nous allons même finir par survivre. À croire que le Monstre Spaghetti Volant veille sur nous.
« Je suis Gudule, le tubercule ! » clame Gudule.
Ou la toute-puissance du script, alors.
Concentré sur l'écran, j'évite les tirs, les vaisseaux, les débris et autres pâtisseries. Nous devons profiter de la diversion pour passer, afin d'aborder le vaisseau de Tartandelus.
Au pire, on meurt tous.
Ce qui serait, certes, plutôt fâcheux.
« On se rapproche trop vite, commente Zakariiiiiii. Il serait peut-être temps de ralentir...
— Si je ralentis, ils nous abattent. »
Au contraire, je continue de pousser les moteurs au maximum, malgré les messages d'alerte qui se démultiplient sur le tableau de bord.
Je vais supposer – espérer – qu'ils ne sont pas – trop – importants. Un débris nous percute, à moins qu'il ne s'agisse d'un nouveau tir. Les écrans se couvrent de rouge, je peine à maintenir le contrôle, l'appareil part en vrille.
« On va tous mourir ! » panique Zakariiiiiii.
Un éclat de lucidité parcourt ses yeux.
« Enfin, vous allez tous mourir ; moi, je peux encore partir d'ici. »
Je me retransforme en tarte à la crème. Impossible de maintenir ma forme de chameau plus longtemps.
« Ah ! panique Gorzül. Qui pilote, maintenant ?
— Pas de panique ! De toute façon, le vaisseau ne répond plus à rien. Donc, que je fasse quelque chose ou pas, ça ne changera rien.
— Et c'est censé nous rassurer ?
— Je suis Gudule, le maître des formuuuules ! »
Le vaisseau ennemi se rapproche à toute vitesse. J'étais censé viser une ouverture, mais, à ce stade, difficile de prédire quoi que ce ce soit. Zakariiiiiii se tasse encore plus sur son siège, indécis. Par réflexe, Gorzül se transforme en chauve-souris pour se rendre compte qu'il ne peut, de toute façon, s'échapper d'ici. Près de lui, les mains de Médusa s'irradient de vert.
Seul ChristopheNolim continue ses réflexions mathématiques, indifférent à l'agitation générale.
Impact.
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