32. La fin ?
Bon, ben, c'est fini.
Enfin, je crois.
Mon esprit survole le continent d'un autre monde. Les pépites de chocolat incrustées dans le sol ne laissent aucun doute quant à sa nature.
Le légendaire monde des cookies.
Çà et là s'écoulent des rivières de limonade, plus loin se dressent des sommets recouverts de crème chantilly.
Dans le ciel, des nuages en barbe-à-papa se regroupent, un grondement résonne, des cookies se mettent à pleuvoir.
Me voici arrivé à l'ultime nirvana.
Les nuages s'épaississent, s'assombrissent, des filaments émergèrent, auréolés d'éclairs.
Pour la deuxième fois dans cette histoire, le Créateur de toutes choses se révèle face à moi, ses appendices nouillesques s'agitent dans l'atmosphère électrique.
Par contre, il n'a pas l'air très content.
J'essaie d'engager la conversation.
« Euh, salut. »
Je me demande si parler de la météo serait une bonne idée ; j'essaie d'attraper un cookie, mais la pâtisserie traverse mon bras immatériel.
Hum.
« Tu ne devrais pas être ici, cette histoire n'estpas terminée. » commence-t-il.
Hein ? Quoi ? Si je décide que cette histoire est terminée, c'est qu'elle est terminée. Si je veux troller sur la fin, je trolle sur la fin. Ce ne sera pas la première histoire absurde dans ce cas, de toute façon. Et puis, de toute façon, je suis bien, ici. Enfin, je serais encore mieux si je trouvais un moyen d'attraper ces cookies.
« Pars, il te reste encore du travail ! »
Le souvenir de mon interminable to-do list me revient à l'esprit, le monde à sauver, les bouquins à écrire, Gorzül à payer – ah, non, ce n'était pas dans la liste, ça.
Ma vision se trouble ; aspiré en arrière, je tends les bras. Impossible de rester plus longtemps, de toute façon.
Soupir.
***
Je rouvre les yeux.
Bon, ben, ce n'est pas fini, alors.
Et, apparemment, je suis revenu dans le temple bhoutanais du segment cinq.
Gorzül et Médusa sont là, inquiets. Les serpents de la gorgone s'agitent sur sa tête.
« Tu... comment te sens-tu ?
— J'ai la bouche toute pâteuse et je ne sens plus mes membres. »
J'intercepte le regard qu'échangent Gorzül et Médusa.
« Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
— Hé bien, euh. Le plus important, c'est que tu sois vivant, commence la gorgone. Peu importe la façon. »
Loin de me rassurer, sa tirade ne fait que m'inquiéter davantage.
« Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Je veux savoir ! »
Pour seule réponse, Gorzül extirpe un miroir de sa poche.
Je me fige.
« Oh. »
Je continue de fixer le reflet, tout estourbi.
« Je suis... une tarte à la crème.
— Oui, confirme Gorzül.
— Une très belle tarte à la crème, cependant. Et très appétissante, qui plus est.
— Euh...
— Je n'aurais jamais cru dire ça de moi un jour, en fait.
— Euh, moi non plus.
— Est-ce que ça veut dire que je ne peux plus manger de gâteaux sous peine de m'adonner au cannibalisme, maintenant ?
— Euh...
— Et Otton, où est-il ?
— Transformé en religieuse. Mais il n'a pas repris connaissance.
— Ah.
— Selon les moines d'ici, seuls les métamorphes pourraient reprendre conscience, malgré cette nouvelle forme. Après tout, tu as déjà réussi à te transformer en chameau et converser ainsi. » explique Gorzül.
Très juste. Cependant, cela signifierait aussi...
« Je suis Guduuuuuuule ! »
Un blob moche rebondit non loin pour atteindre un jardin proche.
« Ah, Gudule va donc bien, voilà qui est rassurant.
— Il est plus bizarre qu'à l'accoutumée, on pense que c'est dû au fait d'avoir été transformé en baba au rhum.
— Je suis Gudule bourréééé.
— Voilà.
— Hum. »
Je me demande si je peux aussi changer de forme, à l'instar de Gudule, mais n'y parviens pas.
Pour l'instant, je reste donc une tarte à la crème.
Très belle et appétissante, je tiens à préciser.
Pour un peu, je me donnerais faim.
Je décide donc de penser à autre chose.
Faire avancer ce récit, par exemple.
« Hello. »
Zakariiiiiii s'assoit près de moi, son visage fermé tourné vers le soleil couchant.
« Je me souviens de tout, désormais, commence-t-il, je suppose que toi aussi.
— Euh, sans doute. »
Il ferme les poings.
« L'incident de Nancy. Tu étais là, soi-disant pour négocier une alliance entre l'OCM et les reptiliens, contre les légumes, mais tu l'as libéré, tu as libéré Tartandelus.
— Hum, ce n'était pas exactement mon intention de départ. Le bambou de légende m'a... et puis, qu'est-ce que vous faisiez, aussi, à essayer de créer ce monstre de cauchemar ?
— Nous cherchions à développer une arme capable de vaincre Rodolphe-Albert, cette betterave que tu as toi-même créée !
— Ce n'est pas parce que je fais des erreurs que vous êtes obligé de venir surenchérir par-dessus !
— Au moins, on faisait quelque chose !
— Moi aussi !
— Procrastiner et manger des cookies ne compte pas ! »
Parlant de cookie, j'en mangerais bien, maintenant, mais impossible.
Fichue journée.
Zakariiiiiii soupire.
« J'en ai réchappé de peu, grâce à la machine temporelle encore expérimentale que j'achevais alors. Tout ce dont je me souvenais, c'était qu'il fallait t'arrêter. Ce que j'ai essayé de faire à plusieurs reprises.
— Effectivement ; je comprends mieux cet acharnement, maintenant. »
Un triangle équilatéral étincelle dans sa main.
« J'ai le premier fragment d'un artefact capable de libérer un Snark. Je sais que tu en as aussi un autre... »
Je hoche la tête. Enfin, pas à proprement parler, étant donné mon nouvel état de pâtisserie, mais, si j'avais une tête, je l'aurais hochée.
« Tartandelus doit être arrêté, poursuit-il. Avec, ou sans toi. Il a mis en orbite une station spatiale depuis laquelle il a transformé, hier, les États-Unis en clafoutis géant.
— Bof, comme si c'était un pays important.
— Sa prochaine étape est le Bhoutan.
— Ah, non, alors ! On ne peut pas laisser faire ça !
— Au moins, nous sommes d'accord sur un point. »
Il me jauge quelques instants, avant de reprendre.
« Le troisième fragment est à Delphe, sous la garde attentive des Illuminés. Apparemment, ils auraient décidé, eux aussi, de passer à l'action, et ChristopheNolim, en tant que membre de leur confrérie, est parti le rechercher. Reste le quatrième... »
Le voyageur temporel me questionne du regard ; décidément, le scénario semble bien décidé à s'accélérer.
Ce qui est très bien, puisque je pourrai ensuite partir en vacances, ô combien méritées.
Je me décide à lui transmettre cette information cruciale, obtenue grâce à mon poste de chef suprême de l'OCM, et au prix de nombreux et importants pots de vin, enfin, de cookies, plutôt.
« Je sais où est le dernier fragment : la zone 51 bis.
— La zone 51 bis ?
— C'est la véritable zone secrète, dont les gens ignorent jusqu'à l'existence. Contrairement à la zone 51, qui ne contient tout au plus que quelques extraterrestres et technologies alien. Bref, Gorzül, Médusa, nous avons notre prochaine destination ; en route !
— En route vers un clafoutis géant ? » ironise Zakariiiiiii.
Je me fige. Quelle idée de mettre une base de cette importance au milieu du pays que s'acharnent à cibler en priorité les extraterrestres et envahisseurs de toute sorte, aussi. Pourquoi pas le Liechtenstein, plutôt ?
« Mince, le fragment...
— Eh oui. »
Je me retourne vers Zakariiiiiii. Le voyageur temporel esquisse un léger sourire.
« Je suis le seul à pouvoir le récupérer, avant la clafoutisation des États-Unis. Si tant est que ce terme ait un sens.
— Laisse-moi au moins t'accompagner.
— Certainement pas ; la dernière fois que tu t'es jeté sur moi pour voyager dans le temps, on a failli se tuer tous les deux ; mon appareil n'a jamais été prévu pour. De toute façon, tu ne pourrais pas révéler ce que contient cette base sans t'attirer les foudres de la NSA et voir ce bouquin disparaître aussitôt de Wattpad. Tu n'as donc pas le choix, de toute façon.
— Euh, je pourrais fermer les yeux ? Ou faire une ellipse, peut-être... »
Il disparaît.
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