Chapitre Cinq ou Comment manger une porte par le nez

Jungkook avait eu du mal à émerger de son sommeil ce matin-là.

Il faisait encore nuit quand il ouvrit ses volets à cinq heures, et sans grande surprise, ça ne l'aida pas beaucoup. Des voitures circulaient déjà dans la capitale et la plupart des fenêtres sur l'immeuble d'en face étaient éclairées ; une nouvelle journée commençait en somme.

Le grosse demi-heure pendant laquelle il marcha pour rejoindre l'Anti Ghost Kim, le froid lui mordit les joues et acheva de le réveiller. Le temps se réchauffait bien l'après-midi depuis quelques jours, mais aussi tôt dans la matinée, la veste en jean qu'il portait n'était pas en trop.

Voir l'agence avec les lumières principales éteintes lui fit un drôle d'effet. Les volets métalliques étaient bien levés, signe que TaeHyung était bien présent depuis un moment, mais l'entrée était pourtant sombre. Des ombres, projetées par le fin filet de lumière passant sous la porte du bureau de TaeHyung, peignaient des motifs étranges sur les murs et les affaires de Mme Cho.

Jungkook s'attendait à ce que la porte d'entrée soit fermée à clé pourtant il put abaisser la poignée et ouvrir sans problème. Il referma rapidement pour ne pas faire rentrer l'air frais de la nuit, et marcha sans grande discrétion vers le bureau du patron. Il laissa son sac de voyage sur le sol avant de frapper. Il lui tardait de retrouver TaeHyung et sa personnalité accueillante, l'endroit lui paraissait morbide dans la nuit.

- Entre Jungkook !

Il obéit pour découvrir que son patron avait mis un désordre digne de la chambre d'un adolescent dans son bureau. Des papiers trainaient un peu partout, une grosse pile de dossiers multicolores s'empilait devant l'ordinateur, et une énorme glacière siégeait au milieu du passage.

Son patron, assit sur sa chaise de bureau qu'il avait placée en face de sa bibliothèque, ne semblait pas vraiment perturbé par son environnement. Jungkook ne savait plus vraiment où mettre les pieds de son côté.

- Tae... Que fais-tu ?

- Je faisais des recherches sur les Poltergeists grâce aux livres anciens que j'ai pu acheter l'an dernier à une convention... Je ne pourrais pas tous les emporter donc j'ai voulu les relire pour me rafraichir la mémoire !

Si TaeHyung n'avait pas échangé ses vêtements coûteux de la veille contre ses vêtements confortables habituels, Jungkook aurait pu croire qu'il était resté toute la nuit ici.

- Tu as réfléchi aux questions que tu pourrais me poser Jungkook ?reprit le plus vieux en abandonnant le livre qu'il feuilletait.

Pour être honnête... pas du tout.

Il ne croyait pas aux fantômes, il ne voyait pas vraiment quelles questions importantes il pourrait poser sur le sujet. Il savait déjà comment utiliser tous les appareils de mesure que TaeHyung possédait, et connaissait tout le vocabulaire qui était employé dans le milieu, maintenant. Il avait retourné dans sa tête toutes les questions possibles, mais il se sentait ridicule à l'idée de les poser à voix haute.

Il grimaça un peu, l'air coupable, en voyant que TaeHyung l'avait bien compris.

- Tu vas voir des choses que tu ne comprendras pas, et je ne veux pas que tu en ressortes traumatisé, c'est la raison pour laquelle je te prends avec des pincettes !s'indigna TaeHyung.

- Je ne veux pas que tu me prennes avec des pincettes, je n'en ai pas besoin, grogna-t-il.

D'où lui venait ce besoin de toujours le protéger ? Est-ce qu'il avait vraiment l'air si fragile que ça ? Il était indépendant et savait très bien prendre soin de sa petite personne ! Cette situation commençait à le mettre en colère, et en même temps à lui faire peur. Il ne savait plus à quoi s'attendre pour cette affaire.

TaeHyung lui mettait une grosse pression depuis la veille pour qu'il soit prêt psychologiquement, mais il n'avait aucune idée de ce dont il devait réellement se préparer. Les paroles mystérieuses et le comportement décalé de son patron ne faisait que le stresser davantage.

Il avait l'impression que sa route allait croiser de grands criminels, et qu'il risquait de finir éviscéré au fond d'une ruelle sombre. Il s'était retourné toute la nuit dans son lit, et à cause des avertissements sans queue ni tête de TaeHyung, il avait fini par se faire peur tout seul.

Est-ce que ça amusait son patron de lui faire peur ? Se moquerait-il de lui à la fin si le plus jeune finissait réellement apeuré par de pseudo fantômes ?

Cette possibilité le terrifiait bien plus que les « fantômes » de TaeHyung.

Ce dernier le regardait très sérieusement et droit dans les yeux. Jungkook eu honte de ce qu'il avait insinué. Les fantômes n'existaient peut-être pas, mais Taehyung était sans doute persuadé du contraire. Il croyait réellement que Jungkook courait un danger.

Jungkook baissa le regard, son agacement fondant comme neige au soleil. Il était sûr et certain que TaeHyung était une bonne personne. Même si il croyait à des choses impossibles et qu'il pouvait paraître fou, il restait son patron. Jungkook ne connaissait pas vraiment les limites de leur relation, comme TaeHyung le traitait comme un ami, mais franchir la ligne imaginaire qui les séparait était absolument hors de question.

Il entendit TaeHyung se craquer la nuque, peut-être pour se détendre.

- Viens t'asseoir en face de moi Jungkook.

Ce dernier s'exécuta rapidement en zigzaguant entre les différents livres et blocs de papier sur le sol, ainsi qu'en dirigeant la chaise en face de la bibliothèque. TaeHyung allait-il le remettre à sa place ? Il sentait que sa posture était rigide, il n'avait pas l'habitude de se faire réprimander et la critique restait difficile à accepter pour lui.

- Kook-ah !l'apostropha son patron en lui donnant un léger coup de pied au tibia. Ne fais pas ces yeux de chien battu je ne t'ai encore rien fait !

- Oui mais...

- Non, pas de « mais ». Regarde-moi dans les yeux, et ne me fuis pas.

Jungkook releva les yeux, mais préféra concentrer son attention sur le front du jeune homme au lieu de le regarder dans les yeux. Les grandes discussions n'avaient jamais été son fort, et sans que ce ne soit particulièrement étonnant, il détestait ça.

Il aurait voulu pouvoir parler librement de ses inquiétudes.

- Je sais que tu ne crois pas aux fantômes, c'est évident. Je te demande juste de me croire et de suivre mes consignes à la lettre. Je ne rigole pas du tout cette fois. Si tu ne penses pas pouvoir le faire, je te laisse ici, est-ce que c'est clair ?

Jungkook hocha la tête, écrasé par la tension que son patron dégageait.

- Si jamais tu ne respectes pas les règles que je vais te donner, je te licencierais Jungkook.

TaeHyung était extrêmement sérieux, il pouvait le dire à son regard qu'il n'avait pas pu éviter plus longtemps, et à sa voix déterminée qui était descendue dans les graves. Il se rendit compte que ce dernier attendait son accord pour continuer. Jungkook ne pouvait pas perdre ce travail.

- Très bien, dit-il en essayant de donner à sa voix de l'assurance.

- Je t'ai fait une liste, attends.

TaeHyung se pencha pour attraper le sac qui reposait contre la bibliothèque. Il en sortit son agenda, où il avait visiblement emprisonné la liste entre les pages. Il la lui tendit, et Jungkook s'empressa de la prendre avec ses deux mains.

- Si jamais une porte reste bloquée, ne cherche pas à l'ouvrir, tu vas énerver l'entité.

- En cas de bruits suspect, viens m'en informer tout de suite.

- En cas de changement brutal de température, viens me voir immédiatement.

- Si jamais tu te sens nauséeux, soudainement et sans raison, viens m'en parler immédiatement.

- N'enlève jamais le collier

- Ne brise jamais et sous aucun prétexte une ligne de sel

Jungkook ne se sentait pas vraiment rassuré par cette liste, il ne se sentait pas à l'aise.

- Au cas où tu n'avais pas compris le principe, ironisa TaeHyung, ce qui est souligné est important. Ce ne sont que des informations qui étaient sur ton contrat de travail, donc rien de bien nouveau. Des informations que tu n'as de toute évidence pas lues à la façon dont tu me regardes.

- Je l'ai lu ! La situation me donne juste un regard différent.

Son aîné lui jeta un regard désabusé.

- C'est quel genre de collier donc ?demanda le plus jeune, à moitié par curiosité et à moitié pour changer de sujet.

- Un collier comme celui-ci, répondit TaeHyung en sortant une chaine de sous son sweat.

Comme pendentif, une minuscule bouteille flottait. Elle était remplie d'herbes et de cristaux que Jungkook ne pouvait pas assurément nommer.

- La chaine en elle-même n'a pas vraiment d'utilité, mais le récipient contient de la verveine et du sel. C'est un charme qui empêcheront les esprits de prendre le contrôle de ta tête... Tu seras très content de l'avoir autour du cou, crois moi !

- Ah...

- Je vais t'en donner un, et je te jure que si je dois te l'agrafer sur la peau pour que tu le portes... menaça-t-il le plus jeune en remarquant son manque d'enthousiasme.

- Ça ira, s'exclama Jungkook en secouant ses mains, ça ira. Je vais le porter.

TaeHyung lui sourit chaleureusement en entendant ça, et l'instant d'après, ce fut comme si toute la tension des minutes précédentes s'était envolée. Ce dernier se leva comme si il était monté sur des ressorts quand il se rendit compte de l'heure.

- Nous n'avons plus beaucoup de temps avant de partir, aide moi à ranger, et on y va.

Ils réussirent à ranger rapidement, même si Mme Cho ne serait sans doute pas réellement d'accord pour dire que la pièce était dans un état acceptable pour un patron d'entreprise. « L'essentiel est que l'on puisse de nouveau voir la moquette » songea Jungkook. TaeHyung attrapa les lanières de la glacière dans sa main droite et passa sur son épaule gauche un sac de voyage caché derrière le bureau, avant de partir.

Une fois tout le matériel que TaeHyung avait préparé la veille installé dans le coffre de la camionnette, ils purent enfin partir. L'odeur de sucrerie qui flottait dans l'habitacle rendait Jungkook un peu somnolent. Il s'y habituait. L'odeur était également présente dans le bureau de TaeHyung, bien qu'elle y soit un peu moins agressive pour les narines.

Sortir de Séoul fut la partie difficile du voyage, tout du moins pour TaeHyung, puisque Jungkook avait assez rapidement déclaré forfait en s'endormant contre la fenêtre du petit camion. Ses cheveux chocolat formèrent un éventail sur la vitre, ce qui amusa le plus vieux.

Quand environ un quart d'heure avant la fin du voyage, Jungkook se réveilla, il avait l'impression de se sentir encore plus fatigué que lorsqu'il s'était éveillé dans son lit quelques heures plus tôt. Il repéra rapidement ce qui l'avait sorti du sommeil, une chanson visiblement très proche du Métal qui ne le ravissait pas des masses.

- Tu écoutes du Métal ?demanda le plus jeune, pas très réceptif.

TaeHyung quitta la route des yeux un quart de seconde pour le regarder, apparemment de bien meilleure humeur que son cadet.

- Pas vraiment non, s'amusa-t-il. Je cherchais juste à savoir combien de décibel seraient nécessaires pour que tu daignes ouvrir les yeux. Du Métal Kook-ah ? Sérieusement ?

Ce dernier pouffa, il savait qu'il avait le sommeil lourd, mais quand même.

- Pourquoi tu ne m'as pas juste taper l'épaule ? Ça aurait été plus facile.

- Plus facile mais moins amusant, soyons honnêtes.

- Tu t'ennuies hein ?

- Je t'interdis de juger, ce n'est pas toi qui conduis depuis plus d'une heure. On aurait des problèmes si j'avais dormi autant que toi !

Jungkook rit, franchement amusé et les pensées complètement dégagées du sommeil. Il se regarda dans le rétroviseur extérieur pour tenter de discipliner un peu ses cheveux... Avec un résultat plutôt médiocre. Il avait étrangement envie de bien paraitre chez leurs clients.

Il assumait un peu plus son travail, même s'il n'aimait pas réellement parler autour de ses connaissances. Les moqueries ne l'atteignaient pas réellement, mais il s'en passait volontiers. Garder une bonne apparence était une façon pour lui de rendre à la situation un brin de normalité et de professionnalisme dans le sens propre du terme.

TaeHyung ne tarda pas à reprendre la parole, faisant comprendre à Jungkook la véritable raison qui l'avait poussé à passer sur une chaine radio diffusant du Métal.

- Nos clients de ce week-end, Kim BeokJun et Kim Cali. Ils sont tous les deux médecins de formation, mais madame est devenue mère au foyer récemment.

- Cali ?questionna Jungkook. Ça ne sonne pas très coréen.

- C'est parce qu'elle ne l'est pas. Kim Cali est une australienne de cinquante-deux ans, elle vient d'une famille assez aisée.

L'Australie faisait rêver Jungkook. Ce n'était pas bien difficile à faire dans la mesure où il aurait aimé voyager, voire vivre ailleurs qu'en Corée du Sud s'il en avait les moyens un jour.

- Il y a également leur fille de vingt ans, JiYoung et leur fils de treize ans, MinSeok. La première sera à surveiller de très près, c'est elle qui a subi la manifestation la plus violente de la maison.

- C'est-à-dire ?

- Et bien...

TaeHyung cherchait visiblement ses mots, ce qui perturba Jungkook. Son patron n'était pas du genre à mâcher ses mots en temps normal. Est-ce qu'il cherchait encore à le ménager ?

- L'entité présente dans la maison était jusqu'il y a quelques jours relativement inoffensive. Elle se contentait de fermer des portes à clé, de faire flancher la plomberie, ou encore de produire d'autres bruits en tout genre. Mais il y a deux jours, ils ont entendu leur fille hurler dans la salle de bain alors qu'elle prenait sa douche.

- Elle hurlait ?

Jungkook ne s'en rendait pas compte, mais sa main était crispée contre la portière du véhicule. TaeHyung ignora son interruption et se contenta de continuer sa transmission, imperturbable.

- La porte refusait de s'ouvrir alors qu'elle n'était pas verrouillée, et quand ils ont enfin réussi à rentrer, leur fille pleurait dans la baignoire. Elle aurait apparemment été maintenue par la force sous la surface de l'eau.

- C'est facile à mettre en scène,contra le plus jeune. Comment sais-tu qu'ils n'ont pas menti ?

- Je ne peux pas le savoir, Kook-ah. Pas sans aller voir sur place. Kim BeokJun a dit que sa fille avait des bleus autour du cou, que les marques ressemblaient étrangement aux contours de phalanges et il m'a montré des photos. Si ce n'est pas un esprit qui a fait ça, c'est qu'un être humain lui a fait du mal. On peut essayer de voir comment nous pouvons agir dans les deux cas, non ?

Jungkook ne répondit pas. Il était heureux que TaeHyung se soit abstenu de lui raconter ça hier. Il aurait retourné l'affaire dans tous les sens, et il aurait encore moins bien dormi. Il n'arrivait pas à se défaire de son mauvais pré-sentiment.

Finalement ils arrivèrent assez vite à l'adresse de la résidence Kim. Le quartier était plutôt aisé et agréable à vivre, avec de grandes rangées d'arbres qui longeaient la route. Il n'y avait pas de grands immeubles ici, ils étaient assez éloignés de la grande ville pour que ce soient des maisons, qui s'empilaient à perdre de vue.

TaeHyung gara la camionnette devant une maison qui ressemblait exactement à toutes les autres. Elle était grande, blanche, récente, et parfaitement propre. Ils sonnèrent exactement à l'heure prévue, TaeHyung son fameux porte document à la main.

Ce dernier avait passé une veste un peu plus chic par-dessus son sweat, mais Jungkook n'était pas vraiment persuadé de l'utilité de la démarche. Il commençait à se demander si les beaux vêtements dans lesquels il avait vu TaeHyung hier, n'étaient pas une illusion ou une coïncidence.

Au bout de quelques secondes, le mécanisme du verrou se fit entendre, et la porte s'ouvrit sur une femme qui n'avait pas une once de sang coréen dans les veines.

- Madame Kim Cali ?commença TaeHyung.

- Oui, c'est moi.

Cette dernière avait l'air un peu méfiante, est-ce qu'elle ne savait pas que lui et TaeHyung devaient arriver aujourd'hui ?

- Je suis Kim TaeHyung, le directeur de l'agence Anti Ghost Kim, et voici Jeon Jungkook, mon conseiller Votre mari est venu nous voir hier dans la soirée dans le but de vous aider

Jungkook s'était attendu à plusieurs réactions. Le soulagement, la méfiance, ou même une certaine forme d'apathie étaient assez courant depuis février qu'il travaillait avec TaeHyung. La colère était... beaucoup moins récurrente.

Donc Jungkook pouvait facilement l'avouer, et sans avoir honte, qu'il ne s'attendait à ce que Mme Kim leur claque la porte sur le bout du nez.

Pas du tout même.


(Note : J'ai reporté la version corrigée ! Enjoy ;) )  

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