9. et il cria.
En 24h, Jin était déjà sur pieds. Malgré une nuit assez courte à débattre du comportement de Taehyung, le militaire se sentait bien, reposé. Assez pour suivre Namjoon jusqu'à l'infirmerie. Il ne savait pas s'il voulait que le châtain vienne. D'un côté son comportement avait été particulièrement cruel et les deux hommes ne savaient plus sur quel pied danser avec lui, de l'autre il avait toujours les clefs du soubassement.
"Tu veux un café ?", proposa Namjoon après avoir gratté la mine de son stylo sur une feuille déjà bien remplie d'inscriptions que le militaire ne comprenaient pas.
Jin haussa un sourcil, surpris.
"Le café va devenir quelque chose de luxueux... Comme les cigarettes, ce genre de trucs... Je suis surpris qu'ils t'en aient laissé...
— Je doute qu'ils en aient fait exprès. Alors ?
— Je veux bien."
Alors il le regarda remplir deux tasses, en posant une sur son bureau et lui tendant la seconde.
"Du sucre?"
Jin se contenta de secouer négativement la tête et prit le café. Il l'observa un instant laisser la fumée s'élever avec légèreté, déposant des aromas sous ses narines avides. Ca faisait maintenant si longtemps qu'il n'avait pas goûté à un café qu'il voulait profiter de chaque gorgée.
Il se décala, laissant une place à Namjoon qui s'assit à ses côtés sur le rebord de la fenêtre. La luminosité était triste, des nuages épais fonçaient le ciel malgré les rares rayons qui parvenaient à les percer.
"Donc on est d'accord, on ne parle pas à Taehyung de ce qui s'est passé hier soir?", commença Namjoon qui savait le sujet sensible.
"On lui pardonne bien trop facilement juste parce qu'on a besoin de lui...
— Il a peur pour sa propre vie. Je pense que même pour lui c'était dur, mais tu sais, les gens sont capables de faire des choses écœurantes par instinct de survie...
— Mais il aurait put parler pour lui, le défendre, essayer de lui offrir du temps pour éclaircir la vérité quant à cette fameuse morsure...
— Il aurait pu, mais nous ne somme pas lui. On ne peut pas prétendre qu'on aurait mieux fait...
— Pourtant toi non plus tu ne lui pardonnais pas ce qui se passait ici il y a à peine quelques jours.
— J'ai eu l'occasion de me rendre compte que je ne valais pas mieux.
— Hmm... Le voilà.", fit doucement Jin en apercevant la silhouette du châtain passer non loin de l'entrée.
Alors ils se turent et Jin porta la tasse à ses lèvres avant d'étirer une grimace écœurée.
" Putain, ils l'ont arrosé à la pisse de chat, ton café ?!
— Il est un peu passé, ouais...", fit Namjoon avec un léger sourire moqueur alors que la porte s'ouvrit doucement.
Le châtain s'avança sans oser lever son regard de ses pieds, refermant délicatement la porte dans son dos.
"Salut... euh... J'imagine que vous avez peu d'estime de moi, maintenant... J'osais même pas venir vous voir, mais ça serait injuste de laisser votre ami en pâtir alors..."
Les deux hommes se regardèrent, confus, surpris de voir devant eux avec autant de culpabilité et timidité.
"Merci d'avoir eu le courage de revenir, alors..."
Taehyung hocha la tête, les remerciant pour ces mots.
"On y va tout de suite..? Comme ça après je vous embête plus...
— Écoute...", fit alors Namjoon qui se leva et croisa ses bras sur son torse. "On donnerait cher pour savoir ce qui t'as traversé la tête à ce moment-là, même si on a une vague idée. C'était cruel, mais personnellement j'ai décidé d'arrêter de dire que j'aurai fait mieux. Alors relève la tête et passons.
— Ce qui m'est passé par la tête..? Je te l'ai dis hier, Namjoon, je jouais au fils parfait. Dehors il n'aurait pas tenu deux jours, de toute façon."
Jin soupira, moins compréhensif que le médecin et but son café cul sec, étirant une grimace amère.
"Bref, allons voir Jimin.", fit-il en posant sa tasse à côté de celle de Namjoon en train de refroidir.
"Vas-y seul, avec Taehyung, s'il te plait. Je suis encore en train de réfléchir à des trucs et j'ai pas trop envie d'interrompre mon inspiration matinale.
— ... Ok.
— Merci, à toutes"
Les mains remplies de nourriture et de lingettes, Jin se précipita vers Jimin dès que la porte fut refermée derrière eux. Le seul accueil que le prisonnier leur fit fut un rire nerveux que le militaire ne comprit pas.
"...Jimin ?"
Mais il continuait de rire, sous leurs regards d'incompréhension. Alors Jin s'agenouilla et posa ses doigts sur la joue du plus jeune qui tourna immédiatement la tête, fuyant le contact.
"J'ai cru que j'étais cuit cette nuit. J'ai cru qu'ils me cherchaient.
— J'ai cru aussi, l'espace d'un instant, mais-..."
Il s'interrompit immédiatement, remarquant du sang qui coulait le long de ses bras. Il leva son regard avec lenteur, remontant la piste jusqu'à trouver son origine aux poignets de Jimin. Ses fers étaient teintés de pourpres et à ce moment Jin compris qu'il avait dû tenter de se soutirer de ses entraves tout le temps que les voix et flambeaux patrouillaient dans les rues. Il avait dû se débattre contre lui-même avec la force du désespoir sans parvenir à la moindre chose si ce n'est se blesser.
Jimin avait eu peur. Et lui n'avait une fois de plus pas tenu sa promesse de le protéger.
"Je suis désolé...", murmura-t-il du bout des lèvres.
Il voulut le prendre dans ses bras mais Jimin se débattit à nouveau, alors il hésita, puis le serra puissamment dans ses bras jusqu'à ce que le plus jeune accepte l'étreinte et se calme. Il sentit sa respiration devenir plus lente, et son cœur s'apaiser contre lui. Alors il lui caressa délicatement les cheveux et n'osa pas se retourner alors qu'il s'adressait à Taehyung.
"Quand penses-tu qu'on pourra le faire sortir d'ici..?
— Lorsqu'il n'y aura plus de signe distinctif qui pourrait mettre sa vie en danger. Maintenant tu as vu qu'il suffit d'un rien pour finir entre les mains de la statue... Imagine pour lui, sortit de nul part...
— Donc que ses yeux soient revenus à la normale ?
— Oui... et qu'il n'est pas l'air malade, globalement... ça en inquiéterait certains...
— Je vais bien...", articula alors Jimin sans retirer son visage enfoui dans le torse du militaire.
Jin soupira alors, continuant les caresses dans ses cheveux ébènes. Oui, sa voix avait l'air plus assurée. La crise d'angoisse de la nuit précédente passée, il était certain que Jimin était sur une très bonne voie.
"Tu attends qu'il neige pour lui retirer ses fers, sinon?
— Ah, oui, pardon... J'étais pris dans la discussion...
— ... Magne... S'il te plait."
Jimin grimaça au nouveau frottement du métal contre ses poignets avant qu'ils ne soient libres et le militaire se recula, saisissant immédiatement une bouteille d'eau qu'il lui tendit.
"Bois. On s'occupe de tes blessures et on te laisse manger après... Ah, oui, mince... les antibiotiques, tiens."
Et le brun obéissait. Il prit le médicament, docilement, et laissa Jin jeter un œil sur sa cuisse qui ressemblait maintenant à un gros bleu. Le pu qui avait coulé des petites lésions avait cessé, laissant place à une croûte plutôt saine.
"J'ai envie de prendre une douche...
— Il va falloir te satisfaire des lingettes... pour le moment.
— Comment sont mes yeux..?
— Encore voilés... Plus qu'hier, d'ailleurs, je trouve.... Étrangement..."
Alors Taehyung haussa un sourcil surpris, et se pencha sur Jimin, se concentrant sur ses yeux.
"Putain, t'as raison.... Mais c'est pas normal..?
— J'ai arrêté de chercher ce qui était normal ou non il y a bien longtemps, perso...", fit Jin en se laissant basculer en arrière, sur ses mains.
".. Ça veut dire que je ne suis pas prêt de sortir, si j'ai bien compris..?
— Ton état ne s'est pas aggravé ? Tu te sens pas moins bien qu'hier ?
— Non, mieux même. A part que j'ai l'impression que je vais perdre mes bras à force de les avoir en l'air comme ça...
— Taehyung, tu veux bien qu'on ne l'attache plus..?
— S'il a bien compris que c'est dans son intérêt de rester là, pour le moment, et qu'il ne cherchera pas à faire quoi que ce soit, oui.
— Alors ?, fit Jin en regardant son partenaire avec un air grave dans les yeux qui lui était inhabituel.
— C'est compris.", confirma Jimin en acquiesçant.
A partir de ce moment, cet enfermement fut bien plus agréable. Jin et Namjoon lui apportaient régulièrement des livres, couvertures, et de quoi rendre cette isolation presque sympa, et il avait même retrouvé le luxe de porter des vêtements. Même Taehyung venait assez régulièrement le voir, sans forcément être accompagné. Il l'aimait bien, cet homme de son âge qui avait la sensation de ne pas avoir sa place ici. Ils parlaient des heures durant des avancées des hypothèses de Namjoon, des espoirs puis désespoirs qu'il avait eu à la recherche d'une solution.
Une semaine avait dû s'écouler depuis ce confort retrouvé, si ses calculs étaient bons.
Il était allongé sur le sol, emmitouflé dans l'une de ses couvertures. Il éclairait à la lueur de la bougie les pages de ce livre que Taehyung lui avait apporté : une histoire banale qui avait le mérite de se passer dans le futur, au moment où elle avait été écrite. Il se passait précisément durant cette année, mais ce livre ne parlait pas de zombies, de chaos. C'était l'histoire d'un étudiant banal, d'une une vie banale, ou presque, sinon il n'y aurait pas d'histoire. Et ce livre lui faisait un bien fou, quand bien même lire une ligne nécessitait bien plus d'effort qu'en temps normal, le laissant rêver à un monde plus paisible.
Il tourna la tête lorsqu'il entendit la clef se tourner dans la serrure. La lumière devenait jaune, prononcé, typique des fins de journées, avant les rituels. Il était d'ailleurs rare que l'un des trois prenne le risque de venir le voir à cette période de la journée car les rues commençaient à grouiller des habitants qui se rassemblaient.
"Tae?", demanda-t-il dans une voix à demi-souffle.
Mais la porte se fracassa contre le mur de béton, et ce n'était aucun de ses compagnons qui le regardait à présent mais cinq hommes, dont deux qu'il était sûr d'avoir déjà vu, sans parvenir à se souvenir d'où.
"Oh putain, faites gaffe, il est plus attaché !!"
Jimin ne comprenait pas. Instinctivement, il voulut se relever, mais à peine fut-il sur ses pieds que les hommes se jetèrent sur lui. L'un était dans son dos, le tenant fermement d'une clef de bras sous ses épaules, un autre s'affairait déjà à lui remettre un tissu dans la bouche. Et plus Jimin se débattait, plus les autres joignaient leurs forces pour l'empêcher de fuir.
Il avait peur mais il n'arrivait pas à crier pour appeler à l'aide. Il avait envie de pleurer, mais ses yeux étaient comme asséchés, et sa vision s'obscurcit encore.
"Matez ses yeux ! C'est vraiment un monstre !
— Emmenez-le à la statue.", ordonna alors calmement une voix plus lointaine que les autres.
Jimin tourna alors la tête et vit un homme plus âgé près de la porte du soubassement, qui regardait tristement la scène.
"Oui, M. Kim ! Est-ce qu'on va chercher les deux qui l'ont amené ici ?
— Ils viendront par eux-mêmes lorsque celui-ci brûlera ses pêchés dans le feu de notre déesse. Nous n'aurons plus qu'à les cueillir.
— Oui, chef !"
On le poussa alors jusqu'au petit escalier de pierre et l'homme lui adressa un faible sourire lorsqu'il passa à son niveau.
"Je sais que ce sera compliqué, avec le bâillon, mais...Fais en sorte de crier convenablement pour attirer tes amis, s'il te plait."
Pourquoi ? Que se passait-il ? Jimin ne comprenait rien, pourtant il se ne parvenait même pas à se poser ces questions. C'était comme si tous ses sens étaient engourdis par la panique, son corps se contorsionnait de lui-même, tentant d'échapper à leurs griffes, encore et encore, avec la force du désespoir. Il ne réfléchissait plus, il n'y arrivait plus. Fuir. Il devait fuir. Mordre. Il devait mordre.
Il salivait de rage, et sa mâchoire tentait par elle-même d'attraper tout bout de chair à sa portée, mais le tissu dans sa bouche l'empêchait d'accomplir sa mission.
Une foule s'écarta devant lui alors qu'une statue qui ne ressemblait à rien l'observait s'approcher depuis son pathétique piédestal. Les gens le regardaient, apeurés, en colère. Pourquoi être en colère contre lui? Ses contorsions cessèrent. Il s'avouait vaincu, sans autre possibilité que de continuer à avancer. Alors ses esprits lui revinrent plus clairement. Il allait mourir, n'est-ce pas ? C'était si bête de mourir ici, de la main des hommes. Quelque chose craquait sous ses pieds nus, le piquait parfois. Ce bois sec qui n'avait aucune pitié et écorchait sa peau, il ne le sentait même pas, bien trop préoccupé par la peur qui rongeait ses entrailles.
On l'attacha au corps de cette statue difforme, son cœur palpitait dans sa poitrine sans qu'il ne puisse le calmer. Puis la lumière du soleil se posa sur la place, la teintant de rouge, l'aveuglant, et l'homme mûre de tout à l'heure commença à parler.
"AUJOURD'HUI EST UN JOUR SPÉCIAL! AUJOURD'HUI NOUS ALLONS RENDRE À NOTRE DÉESSE CETTE CRÉATURE QU'ELLE A ENVOYÉE POUR NOUS PUNIR ! UN ZOMBIE, DÉGUISÉ EN HUMAIN !"
Les clameurs montaient alors que Jimin tentait de crier de toutes ses forces à quel point ils se trompaient. Ils voulaient les implorer de l'écouter, mais cet épais tissu entre ses dents l'empêchait d'ouvrir plus la bouche et étouffait ses sons.
Les clameurs des gens, la voix de cet homme, il ne les entendait plus. Ils étaient tel un bourdonnement à ses oreilles. Il ne put que voir l'homme saisir une torche brûlant d'un feu ardent qu'il tendit vers ses pieds, embrasant le bois sec.
C'était la fin.
Et alors que cette idée lui traversait l'esprit, il se sentit étrangement apaisé. Il n'aurait plus à vivre dans un monde qu'il voulait quitter depuis le début.
Alors que la chaleur montait le long de ses jambes, il leva le visage vers le ciel. Il était beau, il l'avait toujours trouvé beau lorsque le soleil couchant se reflétait sur le blanc des nuages pour créer un tableau de pastel. La brise se leva, attisant le feu, faisant danser ses longs cheveux devant son visage, gâchant son dernier plaisir.
Puis la chaleur le long de ses jambes se transforma en flammes qui mangèrent sa peau dans une douleur insupportable.
Et il cria.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top