33. croque, cri, meurs

[warning : abus corporel et mental]

Jimin avait perdu sa bataille dans sa quête pour se soustraire de leurs griffes. Il avait été attaché, pieds et poings liés à cette chaise sur laquelle il se trouvait, un bâillon dans la bouche pour l'empêcher de demander des explications, leur dire qu'il ne comprenait pas, et un bandeau sur les yeux l'interdisant de voir leurs visages. La panique l'avait empêché de réfléchir, de comprendre qui était Chihno, mais au final, une seule solution était viable : les Purgateurs. C'était forcément eux. Ce qu'ils foutaient ici ? Il n'en avait aucune idée. Ce n'était pas l'objet de ses préoccupations.

Leurs voix ne se taisaient pas, se félicitant de l'avoir trouvé, se félicitant de pouvoir en faire ce qu'ils voulaient. Une perspective effrayante pour Jimin. Il voulait être fier, il voulait se montrer sans peur, mais ses muscles tremblaient sans qu'il ne leur donne son accord.

"Pauvre chat, regarde toi... T'as l'air complètement paumé... On va te faire une fleur et t'expliquer le programme à venir. Déjà, tu es ici parce que toi et tes petits copains vous avez tué notre boss et certains de nos compagnons alors même qu'ils étaient désarmés. Et t'inquiète pas pour tes autres potes, on réussira à leur mettre le grappin dessus, à eux aussi, quand on en aura fini avec toi... Mais en attendant, ça c'est pour ne pas être venu avec ces deux enculés de JK et Yoongi."

Une seconde sans que rien ne se passe, une seconde à se demander ce qui l'attendait quand soudain une douleur traversa sa cuisse. Quelque chose d'acéré venait de s'enfoncer dans ses chairs et dans son muscle. Un cri traversa sa gorge, sans être sûr qu'il parvint à traverser sa bouche et l'épais tissu qui le retenait.

"Ça t'as plût ? Sois rassuré, ce n'était qu'un amuse-gueule. Moi et mes amis nous vous avons cherché, tu sais. Puis quand nous avons entendu le message du camp de Busan sur la radio de notre défunt Chihno, tout est devenu comme une évidence... C'était là-bas qu'on se retrouverait si vous parveniez à survivre. Alors, nous y sommes allés, on les a bernés avec la radio du boss pour se faire passer pour un bataillon de l'armée de terre et... Bingo. Tu es arrivé. Pas très entouré, certes, mais tu es là. Alors on va prendre le temps de s'en délecter... Pas vrai, les gars?!"

Des " ouais!" et des ricanements malsains montèrent dans l'air, glacèrent son sang.

"Et pour ce qui est du programme... Disons... 2 semaines de torture avant de te jeter du haut du mur. Qu'en dis-tu?
— On devrait lui briser les jambes maintenant pour s'assurer qu'il ne court plus!
— Ouais!
— Du calme... Laissons-lui le temps d'avoir peur, ça n'en sera que plus drôle. En attendant, les gars... Il est à vous."

Des coups, encore et encore. Il ne sentait plus ses joues, juste cette sensation de douleur latente. Son torse le faisait souffrir, et à chaque nouveau coup, plus encore que celui d'avant. Ses tibias ? Ça, ça pique. Et il ne pouvait rien faire si ce n'était se résigner et attendre qu'une opportunité se présente à lui.

Lorsque les coups cessèrent enfin, lassés, le silence revint peu à peu. Probablement était-il seul, à présent. Alors il commença à gigoter ses poignets, à tenter de desserrer ses cordes.

"Fais pas le fou, enculé. Tiens toi tranquille ou je t'en remet un coup."

Jimin s'immobilisa immédiatement devant cette voix inconnue. Visiblement il n'était pas si seul qu'il le pensait. Il soupira et laissa sa tête tomber en arrière, se reposant sur le haut du dossier.

"Il est plutôt mignon ton nez. T'as fais de la chirurgie esthétique?"

Hein? Ce gars était débile ou quoi? Même s'il n'avait pas été ainsi bâillonné, Jimin l'aurait allègrement ignoré. Il ne put entendre que les bruits de pas du gars qui tournait autour de lui, puis s'éloigna de quelques mètres. Et lorsqu'enfin il revint, quelque chose s'abattit sur son visage, déglinguant avec violence l'arrête de son nez, faisant naître une nouvelle douleur si singulière, une douleur qui ne partait pas, restait, et s'imprégnait peu à peu dans tous les os de son visage.

"Ca, c'est ce que tu risques si je te vois à nouveau gigoter. C'est compris, j'espère? C'est pas parce que tu ne m'entends pas que je ne suis pas là. Et si c'est pas moi, ça sera un autre. Mais ne penses surtout pas qu'on te laissera la moindre chance de t'en sortir. Tu es à nous, maintenant." [...]

Son estomac grognait, sa gorge était sèche, son corps entier était un hématome qu'il était impossible de frôler sans raviver les douleurs passées. Pourtant il y en avait toujours à venir. Tout ce qu'il pouvait faire et attendre en silence le moment où l'un d'eux aurait envie de se défouler sur lui. C'était ainsi depuis des jours sans qu'il ne parvienne à savoir combien avec certitude.

Pourtant, aujourd'hui était spécial. Il le sentait. A la place du silence habituel, deux gars jouaient aux cartes, et l'enjeu.... Il ne l'avait pas bien compris, lui non plus. Mais ça n'avait rien de réjouissant.

"Et bam! 4-3. On dirait que c'est moi qui vais pouvoir m'éclater!
— .... Fait chier...
— T'inquiète, mon poulet, en soit tu pourras toujours en profiter, toi aussi... Mais clairement, ça sera sans guet !
— Ca te demanderait pas beaucoup d'effort pourtant, soit cool, aller!
— J'ai pas que ça a foutre. Aller, fout-le dans la chambre!"

Il sentit que l'un inclina la chaise, et commença à la traîner sur le sol dans un grincement infernal. Puis, les quatre pieds furent à nouveau à terre. Quelqu'un sortit. Quelqu'un entra. La porte se referma. Et le cœur de Jimin battait d'angoisse.

Ses sens engourdis lui revinrent, offert sur un plateau d'argent par l'adrénaline qui s'emparait de son corps. Il avait peur que cette fois-ci, ça ne soit pas que des coups. Et si une lame venait pénétrer son corps? Lui couper la langue ? Un doigt?

Ses craintes redoublèrent lorsqu'il sentit des mains détacher le bâillon. Et à ce moment précis, il n'eut plus peur des retours de bâton. Il inspira autant d'air qu'il le pouvait, emplit ses poumons au maximum, puis cria. Aussi fort qu'il le pouvait, aussi puissamment que son corps l'y autorisait encore.

"A L'AIIIID-"

Une demi seconde avant que le bâillon ne revienne dans sa bouche à la hâte, puis qu'un nouveau coup s'abatte sur son visage. Puis un un deuxième dans ses côtes. Un troisième, un quatrième, jusqu'à ce que l'homme cesse, haletant.

La porte s'ouvrit à la volée.

"Putain, c'était quoi ça?! Obligé, les gars de l'Amiral vont l'entendre ! Laisse tomber l'idée de te faire pomper, tu continueras de te satisfaire de ta main! C'était une mauvaise idée! Chein nous avait ordonné de jamais lui enlever, on aurait dû l'écou-
— Il se passe quoi, ici?"

Les gars cessèrent, puis l'un de se hâta en dehors de la chambre.

"Pardon, j'me suis cogné le doigt de pied... J'ai un peu surréagit, je voulais pas vous inquiétez.
— T'es qui, toi? Normalement c'est Sangchul, Miyeon, Manhee et le nouveau qui habitent ici.
— Je suis un pote à Sangchul. J'ai des soucis avec mes coloc' alors il m'a dit de crécher ici, un peu.
— Ecoute, mon gars, on a une bonne ambiance dans l'immeuble, on s'en branle de vos p'tites fêtes le soir, mais pas d'embrouilles, ok?
— Ça roule ! Encore désolé!"

Dès que la porte se referma, le silence emplit l'appartement quelques instants.

"M'oblige plus jamais à te couvrir comme ça. Faire le nigaud devant ces faces de cul, plus jamais.
— Détends-toi. Ça s'est bien passé. Quant à toi..."

Une main s'enroula sur sa gorge, la pressant d'un geste menaçant.

"Je vais pas te laisser t'en tirer comme ça. Je compte bien te faire gober ma queue, et si tu refais le moindre bruit, c'est ta langue qui y passe. Dès l'instant où je retirerai ce bâillon, tu as le choix, et si j'étais toi, j'éviterais de faire le mauvais.
— T'es un malade pour prendre ce risque, K."

Pourtant, K ne se laissa pas dissuader. Il retira bel et bien le bâillon de la bouche de Jimin qui hésita. Peut-être que si le gars de tout à l'heure réentendait un cri, ce serait sa porte de sortie, son ticket vers la liberté. Qu'avait-il à perdre, hormis sa langue ? Ne devait-il pas bientôt mourir ?

Mais avant qu'il n'eût terminer de balancer le pour et le contre, des doigts rugueux caressèrent ses lèvres sèches.

"Bon sang, j'arrive pas à croire que je vais pouvoir baiser cette bouche de salope...
— K...
— Ta gueule, toi."

Des doigts forcèrent ses dents à se desserrer. Pourtant Jimin tenait bon. Jusqu'à ce qu'il comprenne qu'il n'était pas nécessaire que le cris vienne de lui. Alors il relâcha sa mâchoire et parla d'une voix faible, asséchée par le manque d'hydratation.

"A boire.. D'abord...
— ... Va lui chercher ta bouteille...
— Prends la tienne...
— C'est toi qui a perdu aux cartes. J'ai pas envie de baiser un truc tout sec, alors go."

Et enfin, après des jours de calvaire, l'eau se glissa dans sa bouche et dans sa gorge. Une sensation proche de l'extase, l'impression de revivre. Et bien trop vite, il en fut à nouveau privé. Tout comme bien trop vite, ce fût la bite puante et massive du dénommé K qui franchit ses lèvres et cogna contre son palet avant de s'enfoncer dans sa gorge, le faisant hoqueter et saliver. Les aller-venus dans sa cavité commencèrent, humiliantes, dégoûtantes, si bien que Jimin se demanda s'il ne préférait tout simplement pas être roué de coups. Mais le plan marchait, le gars prenait confiance, se retirant de plus en plus pour s'enfoncer de plus en plus violemment, et Jimin, lui, n'attendait que le bon moment pour enfoncer ses dents dans la partie la plus sensible de cet organe répugnant.

Et lorsque son gland se trouva au niveau de ses dents, tel l'alignement parfait des étoiles, sans crier gare, les gémissements de plaisir de son agresseur se transformèrent en un hurlements de douleur, et le goût métallique du sang emplit la bouche de Jimin qui tentait de le cracher comme il pouvait. Les insultes fusèrent, mais étrangement, aucun des coups qu'il s'attendait à recevoir. A la place, l'homme s'en était aller, rampant presque sur le sol.

C'était le moment pour hurler à nouveau à l'aide, mais il n'eut pas le temps que le fameux perdant du jeu de carte lui remit le bâillon.

"C'est cuit pour toi, mon pote.", fit le gars avant de s'en aller et refermer la porte de la chambre dans son dos.

Le calme. Trop calme. Des heures étaient passées, et le gars qui était monté plus tôt n'était finalement pas revenu. Il n'y avait que des murmures paisibles depuis le salon, qui avaient commencé il n'y a pas si longtemps.

"... il faut qu'on calme le jeu. Vous deux, restez ici et gardez vos habitudes pour ne pas attirer l'attention. Vous le surveillerez. C'est moi et moi seul qui viendrait, à présent. Et pour le..."

Cette voix ressemblait comme deux gouttes d'eau à celle qui lui avait parlé le soir où ils l'avaient attrapé. Il était donc au courant. Le larbin du jeu de cartes avait probablement raison : c'était fini pour lui.

Lorsque la porte s'ouvrit, ses muscles se raidirent instantanément. Quelqu'un s'agenouillait, posant ses avant-bras sur ses cuisses endolories.

"Il parait que tu as mordu la bite à K? En d'autres circonstances je t'aurais dit de croquer plus fort pour la couper en deux, cet enculé passe son temps à se l'astiquer, on en pouvait plus... Mais je leur avait promis qu'ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient de toi alors... Alors je pense qu'il est temps de passer aux choses sérieuses."

Il sentit le poids sur ses cuisses se relever. Il l'entendit appeler Sangchul et le bruit d'une bouteille remplie dont rien que le son suffisant à lui donner l'eau à la bouche.

"Puisqu'il semble impossible de te retenir d'hurler à l'aide par la menace, voici ce que je te propose... Tu la fermes, et tu auras à boire. Et accessoirement, cette fois la menace de te couper la langue ne sera plus en l'air. Juste au cas où tu hésitais encore..."

Jimin rêvait de boire plus que tout au monde, plus irrationnellement encore que le fait de mettre en œuvre sa survie sur le long terme.

Alors, lentement, il acquiesça. Et tout aussi lentement, le bâillon se desserra autour de ses mâchoires, méfiant du moindre son qui pourrait sortir. Devait-il saisir l'opportunité pour communiquer ? Même cette question paraissait flou et confuse dans son esprit fatigué. Il tenta, mais ses mots ne s'alignaient pas.

"Tiens-le.", ordonna alors la voix à Sangchul.

Immédiatement des doigts se serrèrent sur sa gorge, pressant en dessous de sa mâchoire, le forçant à relever le visage. Un goulot se posa contre ses dents et l'eau commença à couler. Il l'avalait goulument jusqu'à sentir une lacération dans sa bouche, le faisait grimacer sans pour autant que son corps ne se retienne de boire. La lacération progressa dans son œsophage jusque dans son ventre, puis bientôt ce fut une deuxième. Et plus il arrivait au fond de la bouteille, plus le nombre de coupures augmentait. Ce fut assez tard que son corps chercha à rompre la séance, à l'interdire d'avaler, mais les doigts se serrèrent davantage, et il lui était impossible de se soustraire de cette emprise. L'eau était maintenant comme un million d'aiguilles, et ce qui était liquide était maintenant solide, comme des perles aiguisées qui ravageait sa bouche, sa langue, et son tube sans répit, faisaient naître des larmes sèches sur le coin de ses yeux. Du verre pilé : c'était très probablement ce qu'ils avaient mit dans l'eau.

Lorsque le supplice cessa, qu'on le relâcha, c'était le goût de son propre sang qui s'imposait sur sa langue sanguinolente, bientôt aspiré par le tissu à nouveau placé dans sa bouche.

"A bientôt, Jimin..!", ricana la voix avant de s'en aller.

Plusieurs portes claquèrent. Puis celle de la chambre s'ouvrit à nouveau, et des mains délicates retirèrent le bandeau devant ses yeux. Mais il refusait de les ouvrir. Il avait trop peur de la couleur menaçante qu'ils pourraient avoir, de la crainte qu'ils inspireraient, de ce que cette crainte pouvait créer de mauvais chez l'homme.

"Hey, Jimin, regarde moi..."

Cette voix, il la connaissait. Sangchul. Pourtant d'un signe lasse de la tête il hocha de gauche à droite en un mouvement timide.

"C'est moi, ça va."

Il hésita. Le visage baissé, il les ouvrit péniblement. Il ne voyait rien, réaffirmant ses craintes. Était-ce dû au noir de la nuit ou au voile de la maladie ? Il n'en savait rien. Il allait les refermer lorsque la main de son colocataire attrapa son menton pour relever son visage à une vitesse qui le surpris.

"Qu'est-ce que.... Manhee ?! Manhee, viens!"

D'un geste du menton, il se dégagea, et Manhee arriva.

"Montre lui, Jimin."

Et une nouvelle fois, il acquiesça négativement. La voix du plus vieux emplit la pièce.

"Qu'est-ce qu'il y a ? Si c'est une blessure, c'est pas la peine de me la montrer. Je culpabiliserai pas pour ce qu'on a fait. On était d'accord pour le balancer, Sangchul. Lui et son petit groupe de connards ont tué Chihno, je te rappelle! Souviens-toi tout ce qu'on a vécu après qu'il soit mort! Comment on a galéré !
— ... On est même pas sûr que ce soit lui. Ils étaient quatre ce jour-là, et ses potes qui sont arrivés avec lui au camp étaient probablement dans le groupe, eux aussi ! Calcul de maths basique, ça fait sept, trois sont innocents !
— Et alors quoi? Tu pensais pas que ça prendrait ces proportions ? Ressaisis-toi. Il a ce qu'il mérite.
— ... C'était même pas pour ça que je t'appelais...
— Ok?
— Il a les yeux gris.
— Ah ? Je croyais qu'ils étaient bruns...
— Non mais entièrement gris! Putain, t'es vraiment un abrutis fini!
— Hein?"

Jimin mentirait s'il n'avait pas l'impression que cette engueulade lui faisait du bien. De nature risible sans qu'il n'ait envie de rire, mais surtout de sentir qu'enfin l'hostilité n'était pas concentrée sur lui et qu'il était safe. Il fallut du temps à Manhee pour comprendre sans le consentement de Jimin qui refusait de lui montrer.

"Saperlipopette...
— Qu'est-ce qu'on fait? C'est les yeux des rôdeurs, ça!
— J'en sais foutrement rien, moi ?! C'est toi qui l'a découvert alors tu te démerdes! T'as qu'à faire comme si t'avais pas désobéi et que t'avais pas enlevé ce foutu bandeau, peut-être? Sur ce, ma foutue soupe refroidie, alors ciao!"

La porte se claqua et Sangchul soupira. Si c'était bien son timbre ? Jimin en avait l'impression en tout cas.

"Ecoute, je vais t'enlever le bâillon pour qu'on puisse parler... Je t'en supplie, ne me le fais pas regretter. Je veux juste parler. De toute façon tu peux plus gueuler avec ta gorge dans cet état, hein..? A cause du verre pilé..."

Il s'attendait à une réponse ? C'était l'impression que le silence qui suivit donnait. Jimin prit le risque de rouvrir ses yeux, et derrière un épais voile foncé et un noir immense qui réduisait son champ de vision, il devina l'expression confuse de son colocataire. Il avait pourtant raison. Il avait même l'impression que murmurer des mots lui étaient maintenant impossible tant sa gorge brûlait, le tiraillait, lui faisait monter les larmes aux yeux au simple mouvement de sa respiration.

Alors il acquiesça, et Sangchul le lui enleva avec une étrange délicatesse.

"Je suis désolé pour tout ce qui t'arrive, Jimin. C'est ma faute. Si je n'avais rien dit à Manhee sur mes suspicions tu n'en serais pas là. J'aurai mille questions à te poser à propos de... ça...", fit-il en désignant ses yeux d'un geste d'un doigt. "Mais j'imagine que tu n'aurais toi-même pas beaucoup de réponses à m'apporter... Dis-moi juste, tu es encore toi-même, hein?"

Doucement, Jimin acquiesça et Sangchul soupira, prenant maintenant le temps de s'asseoir sur le lit. Il allait reprendre lorsque Jimin murmura une complainte d'une voix rauque, tiraillée par la douleur dans sa cavité.

"Aide-moi..."

Sangchul posa ses yeux sur lui quelques instants, hésitant, puis posa ses coudes sur ses cuisses et sa joue dans le creux de sa paume.

"Je ne peux pas faire ça... J'ai juste un problème de conscience, à l'heure actuelle. Ma justice à moi me dit de tuer les assassins de Chihno, et maintenant que je te connais un peu, je trouve que la torture est inutile... Et crois moi, Chein s'amuse beaucoup à te laisser croire que les coups sont tout ce que tu auras en guise de douleur, mais le pire va arriver... Bref, j'imagine que c'est pas ça qui va te rassurer. Je voulais savoir si de ton groupe actuel, c'était bien toi qui était avec JK, Yoongi et le rouquin ce jours-là."

Jimin réfléchissait. Il n'aimait pas mentir, ce n'était pas sa nature. Mais sa vie était en jeu.

"Si je te dis que... ce n'était pas moi... Tu-" , il s'arrêta un instant, le sang emplissait sa bouche à chaque mouvement de sa langue, à chaque inspiration nécessaire pour parler, et alors qu'il tentait de l'avaler, la déglutition raviva les entailles des morceaux de verres avalés à peine plus tôt, et un filet de sang s'échappa contre sa lèvre. Il laissa passer un court instant pour que la douleur passe et se préparer à une deuxième vague. " Tu m'aideras..? Si je suis innocent..."

Sangchul leva sa main, une expression lasse sur son visage, l'invitant à ne pas en dire plus et à ne pas s'infliger des mots inutiles.

"Que tu sois responsable ou non, je ne peux pas te sauver, Jimin. Alors mentir ne servira à rien. J'ai juste ma conscience à apaiser.
— ... à apaiser..? Ton groupe... tuait des gens... juste parce qu'il les considérait trop faibles pour... survivre... La mort de ton chef c'est... juste un retour de bâton dans sa gueule."

Un sourire triste s'empara des lèvres de son colocataire qui dévia son regard de lui pour maintenant regarder la porte.

"On a fait ce qui était nécessaire pour survivre. Nous diaboliser ne changera rien. Tuer les vivants qui risquaient de se faire infecter, c'était pour éviter de se faire surprendre plus tard. Le VK est puissant. Tellement puissant, tellement... virulent, qu'il a créé sa propre faiblesse : tout le monde a été transformé en même temps. Comment continuer à se propager s'il n'y a plus personne à infecter..? Imagine si au contraire, ça avait été un processus lent. Chinho nous disait qu'on était pas dans une fiction, et que les rôdeurs n'étaient pas immortels. Qu'ils finiraient par mourir, mais que pour ça, on ne devait laisser aucun agent de propagation passé. Les forts nous rejoignaient. Les faibles devaient mourir. Cette doctrine, c'est ce qui nous a permis de tenir. Ne t'étonne pas que sa mort nous affecte. On a perdu la seule personne qui avait un peu d'espoir en l'avenir, qui nous donnait un but."

La gorge de Jimin se noua. Ces mots lui rappelaient beaucoup trop ceux de Namjoon. Et pourtant Namjoon était médecin... Namjoon avait étudié tout ceci avant d'oser émettre son hypothèse. Sangchul fit un geste lasse de la main.

"Bref... On est pas les démons que tu penses probablement qu'on est, ou ceux que ces fils de pute de traitres ont dépeint de nous. Donc j'ai besoin de savoir. Est-ce que c'était toi?
— Ma réponse... ne changera rien...
— Selon ta réponse, il se pourrait que je te donne un petit conseil... En guise de sympathie, pour notre courte mais précieuse relation de colocataires."

Jimin haussa un sourcil. Était-ce un piège ? De toute façon, il avait compris qu'il ne ferait rien pour l'aider, qu'importe la vérité.

"J'étais bien avec... eux..."

Sangchul sourit. Sincèrement, cette fois. Le soulagement sur son visage était authentique, malgré le peu que Jimin en percevait, il n'en avait aucun doute. Il s'approcha et tapa doucement sur son épaule, ravivant néanmoins les hématomes somnolents qui crièrent d'une douleur plus douce.

"Si Chein te retire le bâillon pour une quelconque raison, dis-lui. Ca évitera que tes potes se retrouvent à leur tour sur cette chaise, lorsque toi tu seras passé par dessus le mur avec des moignons au niveau des genoux."

Ses muscles frissonnèrent d'effrois. Pourtant il acquiesça. Il avait raison. Au stade de désespoir où il en était, tout ce qu'il pouvait faire était de préserver Namjoon et les autres... Jin aussi, malgré son ressentiment pour lui. Tout comme malgré tout, c'est lui qu'il suppliait, dans ses pensées, de venir le sauver.

[...]

10ème jour. A peu près. Il le savait car, si son esprit n'était pas en train de totalement déraillé, il avait entendu les tires des exercices matinaux 10 fois. Parfois il se demandait si ce n'était pas des hallucinations auditives créées de toute pièce par son inconscient en souffrance. Un peu comme s'il lui faisait croire que le temps s'avançait plus rapidement qu'en réalité, juste pour lui faire oublier cette interminable sensation d'être piégé dans une bulle temporelle sombre. Juste lui, en tête à tête avec la souffrance, éternellement. Pourtant il savait que ceci allait avoir une fin, sans qu'il ne sache s'il l'attendait avec impatience ou non. Probablement que oui, si seulement la perspective de se faire couper les jambes n'était pas si effrayante.

Il déglutit. Mauvaise idée : son corps n'était toujours pas parvenu à cicatriser les centaines de micro-plaies dans sa cavité buccale, et le manque d'eau le rendait fou. Il avait mal au ventre, mais également tellement faim qu'il ne faisait plus la différence. Manhee et Sangchul avaient beau le surveiller le plus clair du temps, lorsque son tortionnaire attitré était absent, ils n'en étaient pas plus gentils avec lui. Les règles étaient les règles, et ils obéissaient comme de gentils toutous.

Parfois il entendait leurs conversations à voix basse, lorsque la porte de la chambre était mal refermée. C'était probablement une des seules choses qui lui restait. Les écouter parler, c'était comme écouter la radio lorsque l'on était privé du reste de ses sens. Une échappatoire comme une autre pour vaguer hors de sa situation. Mais la conversation de ce soir n'avait pas beaucoup d'intérêt. Le troisième colocataire était passé et s'était confronté à Manhee sur toute cette situation, son incompréhension pour avoir été flanqué à la porte, et bien sûr, Jimin avait tenté de se balancer sur sa chaise pour tomber, l'attirer dans la chambre et le faire prendre conscience de la situation. Comme si ses muscles fatigués et lacérés l'avaient laissé faire... Un échec, un de plus. Qu'importe, il n'avait plus vraiment espoir de s'en sortir, à ce stade.

Le calme était revenu avant que la porte d'entrée ne s'ouvre à la volée et claque contre le mur.

"Chein? T'es déjà passé cet après-midi, pourquoi tu-
— Tais-toi."

Jimin se raidit à la simple énonciation de ce nom et à au timbre de sa voix. Les souvenirs frais de cette personne s'amusant tracer des lignes sanglantes sur ses membres à l'aide d'un verre brisé.

Il s'attendait à ce que la porte de la chambre s'ouvre avec la même fureur que celle de l'entrée, mais, étonnement, rien. Il n'entendait que des chuchotements indistincts depuis le salon. Des chuchotements plus sourds qu'à leur habitude, comme s'ils ne tenaient pas du tout à ce que Jimin puisse les entendre.

"QUOI?! Attends... QUOI? Tu penses qu'il y a un rapport?!"

Ces cris de Sangchul, en revanche, il les avait clairement entendus.

"...
— Oui, j'avoue, la coïncidence est étrange... Je veux bien te croire si tu penses qu'il en est responsable...
— Une coïncidence ? Quelle coïncidence?! K est tombé malade direct après s'être fait croqué la bite par ce connard, et toi et moi on sait ce qui cloche avec lui, Sangchul !
— Mais K est encore en vie! Ça ne correspond pas !
— Moins fort..
— ..."

Il fallut une dizaine de secondes pour que la porte de la chambre ne se fracasse à son tour contre le mur.

Les mains rugueuses de Chein s'empressèrent autour du bandeau qui cachait ses yeux, Jimin pouvait maintenant les reconnaître entre mille. Et d'un geste sec, il le retira. Immédiatement, Jimin tourna le visage, refusant d'ouvrir ses paupières. Mais cette fois, l'heure n'était plus aux politesses de Sangchul. Un coup fort s'abattit sur sa mâchoire avant qu'une de ces deux mains rugueuses ne saisissent son menton et que l'autre n'écarte de force ses paupières closes.

Puis, le silence. L'homme le relâcha, recula de deux pas, puis murmura d'un ton de dégoût:

"Tu es un monstre. Du début à la fin, un monstre."

Jimin ne répondit pas. Il n'oscilla même pas. Ça ne lui faisait rien. Plus aucun mot ne pouvait l'atteindre, pas après en avoir entendu tant de similaires toute sa jeunesse, et il n'avait plus aucune once d'énergie à fournir à ce genre d'insulte. Pas maintenant, à deux doigts de demander à ce qu'on abrège sa vie.

"Qu'est-ce que tu comptes faire, maintenant..?", demanda Manhee.

L'homme hésita, commençant à marcher en rond dans la pièce, nerveux.

"On attend pas une semaine de plus. Faites les préparatifs, je veux qu'un gars à nous s'occupe de surveiller le mur dès la nuit prochaine. "

Jimin était soulagé. Il allait enfin mourir. Plus qu'une dernière épreuve, une dernière souffrance, et il serait libéré de tout ça. Pourtant il n'arrivait pas à se focaliser dessus. Il secoua sa tête, se remua, tenta de supplier pour qu'on lui retire le bâillon. Il ne devait pas être question "des autres". Il regarda Sangchul d'un œil implorant, mais pour réponse, il n'eut qu'un haussement d'épaules et un regard dédaigneux.

Et quand la porte se referma, il voulait simplement crier de ne pas s'en prendre aux autres, quitte à en faire brûler sa gorge, à s'en mettre les larmes aux yeux de désespoir. Mais les seuls sons qui sortaient n'étaient que des "HMMM" que plus personne au-delà de la porte ne pouvait entendre.

Les larmes dévalaient ses joues. Les sanglots faisaient trembler ses muscles contractés, refusant la douleur infligée. Ce n'était plus le désespoir de la veille, le souci, c'était ce bout de verre qui tentait de couper, encore et encore, les tendons derrière ses genoux, sans y parvenir. Pas assez aiguisée ni assez solide. Alors les hommes avaient commencés à tenter de lui donner des coups violents avec ces mêmes bouts de verre, espérant faire céder cette partie de son corps. Le verre s'enfonçait, puis ressortait, encore et encore, profondément, dans cette partie si sensible.

Chein n'était plus seul, pour cette grande occasion.

"On y arrive pas... Ça se saurait si ça cédait aussi facilement... On ferait mieux de laisser tomber l'idée de le balancer du mur et le tuer maintenant.
— Hors de question.", rétorqua Chein d'une voix autoritaire, pleine de haine et d'amertume. "Vous prendrez le temps que vous prendrez, mais on s'en tient à notre plan. C'est le clou du spectacle.
— Et si on le balançait sans l'empêcher de courir ? Il galopera pas bien loin vu qu'il a rien bouffé depuis plus d'une semaine et rien bu depuis des jours.
— Je ne prendrais pas le risque qu'il se déplace et qu'un soldat le voit. Même juste avec les pieds attachés c'est trop dangereux. Et puis, ce n'est pas si mal de voir une nouvelle gamme de ses expressions de douleur, vous ne croyez pas?"

Quelques rires montèrent dans la pièce, sans plus. Ceux qui s'activaient à le taillader ne semblaient pas de cet avis. Mais personne ne rétorqua, et le supplice continuait. L'un proposa d'aller chercher une pince sur un vieux chantier pour tenter de lui broyer l'articulation, et l'invitation fut acceptée sans que ses tortionnaires ne cessent. Et même si la pince n'était toujours pas arrivée une heure plus tard, Jimin se sentait partir. A bout de force, physique et mental, il allait juste sombrer dans l'inconscience. Et bon dieu qu'il Le voulait. Mais à chaque nouveau coup acharné, c'était comme un réveil qui sonnait de toutes ses forces à ses oreilles pour le réveiller. Ça n'en finissait pas. Mourir. Mourir. Mourir. Il voulait juste en finir.

Son désespoir grandit encore, si c'était possible de l'étendre davantage, lorsque la porte d'entrée s'ouvrit à la volée. Cela ne voulait dire qu'une chose : que la pince était arrivée.

Il ne voyait pas derrière le voile gris qui camouflait ses yeux et la quantité de larmes qui les avaient paradoxalement asséchés, pourtant il distinguait faiblement une silhouette dans le noir.

"Enfin!", soupira Chein avant d'être interrompu par un cris de surprise lorsque l'un de ses hommes tomba à terre. Une cacophonie, un échange de coups et de cris, et il discerna une deuxième silhouette, peut-être plus, il ne savait pas. Il bataillait contre lui-même pour ne pas lâcher prise et rester conscient. Vivre. Il voulait vivre.

Ce qui s'était passé, le fil des choses, il n'était pas parvenu à le discerner. En revanche, ce corps qui s'agenouilla devant lui lorsque le silence revint, posa délicatement sur ses cuisses et appela son nom, il le connaissait.

"J-Jin...", murmura-t-il alors que ses yeux brûlaient de nouvelles larmes, de joie cette fois, qu'il voulait tant évacuer sans que son corps ne le lui permette. "...long... trop l..."

Jimin venait de s'endormir, ou plus d'ailleurs. Mais son cœur battait encore, et sa cage thoracique continuait de faire affluer de l'air en lui. C'était pour l'instant l'essentiel. Il était sauvé. Jin l'avait sauvé. Et probablement se serait-il évanoui avec l'esprit plus apaisé encore, si seulement ses yeux malades lui avaient permis de voir les silhouettes de Yoongi et Hoseok, et le visage si doux de Jungkook qui se changea bien rapidement en tristesse.

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