JOUR 1
Ce jour est arrivé. Personne ne pensait qu'il viendrait un jour. Qu'on arriverait toujours à repousser l'issue fatale. Mais l'inévitable s'est réalisé. Je ne sais pas si quelqu'un lira un jour ce journal, mais je compte bien écrire pour que la future humanité qui le trouvera sache ce qu'il s'est passé et ne recommence pas nos erreurs. C'est tellement bête ... mais ça ne pouvait pas être autrement.
La fin s'est installée petit à petit. Cela a commencé par la rupture des stocks dans les magasins. Pour les grandes surfaces, c'était déjà compliqué, mais alors pour les petits commerces ... Ils fermaient, tour à tour, incapables de réapprovisionner leurs stocks de nourriture. Et le chômage augmentait en flèche. Sans compter les manifestations et les violences qui se multipliaient face à un gouvernement en stricte inertie.
La raison de cette sombre chute ? Les abeilles. Ah oui, j'oubliais ... si tu n'est pas né au moment où j'écris ces mots, tu ne dois pas savoir ce que c'est. En bref, ce sont des insectes volants habitant dans des ruches, qui butinent le pollen, permettant de le répandre afin de permettre aux plantes de se reproduire, et par enchaînement causal de nourrir l'humanité.
Un jour, quelqu'un a dit que si les abeilles disparaissaient, il ne resterait à l'humanité que quatre années à vivre. Ces quatre années se sont écoulées. Et aujourd'hui, on est est foutu : la pollution, les pesticides, ont ainsi eu raison d'elles. Malgré les avertissements, la disparition des ruches, les multiples cris d'alarme de la communauté scientifique, les gouvernements sont restés inertes, manipulés par ces lobbies, obnubilés par l'argent ...
Ou que sais-je, et de toute façon je m'en fou. Le gouvernement, il n'y en a plus, c'est trop tard et les problèmes sont trop nombreux pour essayer de comprendre le pourquoi du comment. Ce matin, soit presque la quatrième année après la disparition des abeilles, l'Elysée a déclaré ne plus pouvoir assumer la production de nourriture pour l'ensemble de la population. Les émeutes ont éclaté, et tout s'est passé très vite ...
J'étais (et je suis toujours au moment où j'écris ces lignes) dans un parc aquatique avec ma femme, ma fille et mon fils. Je voulais leur faire oublier la faim et le rationnement (désormais, comme lors de la Seconde Guerre mondiale, la nourriture s'obtenait avec des tickets de rationnement), juste une fois, pour se vider la tête. Pour les voir sourire. Les voir sourire tu comprends ? Parce qu'il n'y a rien de plus précieux au monde. Et ça, tu le comprends qu'une fois qu'il a disparu de leur visage.
Et là, on se sent con de ne pas avoir pu profiter de ça quand ils étaient heureux, qu'il était encore tant. Qu'ils ne s'endormaient pas chaque soir en crevant de faim.
Avec ma famille, nous nous sommes installés dans le bureau déserté du directeur du parc. Il a du fuir, l'inconscient, en ne sachant pas quel sort lui réserveraient les affamés pour un peu de nourriture.
Il se fait tard, et le petit s'endort déjà. Quel avenir a-t-il dans ce monde en chute libre ? L'obscurité envahit progressivement la pièce. Rien que notre lendemain est incertain. Bien plus qu'il ne l'a jamais été.
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