Prologue
Passé
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Eryca
An 2113, 26 janvier
Eryca avança d'un pas hésitant sur le sol de graviers gris de la grotte. Obligée de se baisser pour ne pas se cogner contre le plafond bas, elle avançait avec prudence, retenant sa respiration tant la pression était grande. Si c'était bien ce qu'elle pensait, ce pour quoi elle était venue, alors le royaume de Norvden serait sauvé. Mais la jeune femme, d'une vingtaine d'années à peine, ne voulait pas espérer et être incroyablement déçue. Ce n'était pas possible, pour la souveraine qu'elle était, de tout miser sur une simple supposition. Tout un royaume dépendait de sa réussite. Si jamais elle échouait, alors ce serait la fin de toute une histoire, et d'une existence pour un peuple au complet. Elle n'avait tout simplement pas le droit de louper cette mission. Où les conséquences risquaient d'être catastrophiques, au point de risquer la vie de tous.
Une humidité ambiante procurait une sensation de fraicheur peu agréable et dégageait une odeur de moisi, qui lui fit froncer le nez. Eryca frissonna, malgré ses habits chauds, faits de fourrures blanches et d'un tissu ne laissant pas passer les courants d'air. Un bonnet en laine couvrait ses mèches blondes. Ses bottes noires remontant jusqu'à ses genoux, protégeaient bien ses pieds et ses mollets, mais le reste de son corps était soumis à l'air froid, presque glacial, qui régnait dans la caverne. De la vapeur s'échappait de sa bouche chaque fois qu'elle expirait.
L'hiver était rude à Norvden. Un épais tapis de neige scintillante recouvrait tous les paysages du royaume, en quelques jours seulement. Les nuages envahissaient le ciel en quelques heures. La température frôlait le zéro degré en journée, puis devenait négative lorsque la nuit tombait. Il était préférable de ne pas rester dehors, lorsque le ciel était étoilé, sous peine de finir en statue de glace.
La grotte de Féäls, située sur la pente Ouest des montagnes, était sombre, plongée dans une obscurité prenante, et dont la seule source de lumière consistait dans les rayons du soleil extérieurs. Par peur d'un quelconque danger, Eryca n'avait pas pris de torche. Elle ne connaissait pas la composition de l'air et préférait ne pas prendre le risque que tout s'écroule sur sa tête, à cause d'une simple flamme. Ou que la grotte explose ! Elle ignorait tout de cet endroit mystique, dont elle avait appris la simple existence dans les livres de sa bibliothèque, au palais.
La jeune femme se frotta les bras de ses mains gantées de cuir, en continuant d'avancer, alors que la caverne semblait vide. Pas la moindre trace de vie ! Le désespoir l'envahit, lorsqu'elle aperçut le mur du fond. Aussi rugueux que le sol, fait de granit gris, il semblait se refermer sur elle, comme pour lui dire qu'elle avait échoué ! Oui, c'était un échec, pour la reine qu'elle était. Ne rien trouver était une honte dont elle aurait du mal à se défaire. Car elle avait promis à son époux, ainsi qu'au peuple, de trouver une solution pour les protéger des cataclysmes qui se déchainaient sur Norvden.
Des tempêtes faites de violents vents destructeurs, et des épidémies de toutes sortes, ravageaient le royaume tout entier depuis une dizaine d'années. Les gens mourraient sous les assauts du vent, alors que leurs habitations s'écroulaient en petits morceaux de briques beiges, sur les pavés et sur eux. Des maladies graves, aussi bien pulmonaires que cardiaques, déclenchaient également des catastrophes sanitaires. La population dépérissait. Leurs peaux se couvraient de plaques rouges, alors que la fièvre montait progressivement. Certains enfants étaient même victimes de troubles respiratoires sévères. Jusqu'à subir une mort lente et affreuse, dans la plus grande des souffrances.
Il fallait que ça cesse, avait pensé Eryca en voyant son peuple mourir à petit feu. Mais elle se sentait terriblement impuissante, face à ce fléau. Alors, en fouillant dans les livres d'histoire que contenait la bibliothèque royale et en menant énormément de recherches, elle était parvenue à dénicher une légende, sur une source de magie qui dormirait au fond des grottes de Féäls. C'était un espoir fou, fondé sur un mystère complet dont personne n'avait jusqu'à présent, prouver la véracité. Mais les souverains n'avaient plus le choix. S'ils voulaient sauver leur royaume, ils devaient la dénicher. Coûte que coûte !
Le cœur au bord du gouffre, avec l'impression que le monde venait de s'effondrer à nouveau, Eryca se laissa tomber au sol. Elle ne fit pas attention au froid glacial de celui-ci, essayant de retenir ses larmes, perles d'eau scintillantes sur ses joues rougies, les lèvres tremblantes. Ses gardes restèrent immobiles dans son dos, ne faisant pas un geste pour aider leur souveraine. Ils savaient parfaitement qu'elle avait besoin d'être seule, avec ses pensées.
Eryca avait envie de plaquer ses mains sur ses joues, et d'éclater en sanglots. Son visage fin était rougi par la fraîcheur ambiante. Elle tremblait, tant ses émotions étaient fortes. Elle se sentait si mal. Mais elle ne pouvait pas se permettre de défaillir en public, soit devant ses gardes, qui l'avaient accompagné au cours de ce périple. Elle était la reine ! Jeune, certes, et inexpérimentée, mais souveraine tout de même. Elle devait être forte et montrer l'exemple, tant que des gens se tiendraient à ses côtés. Car une fois seule, ses émotions ne manqueraient pas de la rappeler à l'ordre, en déchirant profondément son âme et son cœur. En attendant, il fallait qu'elle refoule au plus profond de son être, chacun des sentiments qui la torturaient à présent.
— Votre Majesté ? demanda un de ses gardes du corps, en s'approchant et se penchant près d'elle, inquiet qu'elle ne dise rien et ne bouge plus.
Elle fit un signe de la main pour lui signifier qu'elle allait bien. Le soldat s'arrêta net, puis se redressa. Eryca avait juste besoin de quelques minutes pour se reprendre et ne pas sombrer dans le désespoir. Le cœur battant la chamade, elle inspirait et expirait pour se calmer, et ne pas paniquer. Garder son sang-froid dans une situation extrême, était d'une importance capitale.
Lorsqu'elle se releva pour faire demi-tour, prête à accepter l'échec, sa jambe droite effleura quelque chose de très doux et soyeux. Surprise, elle se pencha en avant pour repérer ce qui l'avait touché. Elle découvrit une toute petite fleur, à peine visible dans l'obscurité prenante, semblable à un lys. Lorsqu'elle effleura ses pétales d'or et roses, ils scintillèrent sous ses doigts. Ils étaient comme couverts de paillettes d'or. La magnifique plante semblait émettre une énergie intense, semblable aux pouvoirs qu'évoquait la légende. Elle ne l'avait pas vu quelques minutes avant. Comment cela pouvait-il être possible ? Elle ne pouvait pas être passée à côté, comme ça, alors qu'elle avait tout fouillé... Elle ne comprenait pas ce qui venait de se passer. Mais peu importe, elle touchait enfin au but. Le cœur battant, elle retenait sa joie encore un instant, le temps d'admirer ce petit miracle.
Emerveillée, la jeune reine héla ses gardes qui arrivèrent immédiatement, au garde à vous.
— Votre Majesté ? lança le plus proche.
Le cœur gonflé d'un nouvel espoir, Eryca se tourna dans sa direction en se remettant debout. Sa parfaite coiffure blonde ornée de perles blanches scintillantes, s'était défaite, dévoilant des mèches qui lui retombaient sur le front. Mais ses yeux, d'un bleu aussi profond que ceux de l'océan, brillaient d'une toute nouvelle promesse.
Celle d'un avenir pour Norvden !
— Que l'un de vous aille dire au roi, que nous sommes tous sauvés !
Lorsque le soldat partit en courant et alors qu'il disparaissait en sortant de la grotte, Eryca sut que Norvden était sauf. Son royaume n'allait s'éteindre. Car entre ses doigts, la tige douce et verte de l'Asténia, la magnifique fleur qu'elle avait renommée selon le langage sylvestre, était leur salut à tous !
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