1.
Elyris
An 2113, 1 Juillet
La souffrance lui déchirait les entrailles. Elle avait l'impression que son bassin allait se décrocher du reste de son corps et que le feu allait ravager ses chairs mises à vif. La jeune femme ne pouvait s'empêcher de hurler, s'arrachant les cordes vocales. Ses cris étaient audibles dans tout le palais, pouvant inquiéter quiconque y vivait. Mais chacun savait ce qui se passait. Voilà pourquoi personne ne s'alarmait. Toute une équipe était là pour veiller sur elle, en cas de problème.
La pièce, une chambre aux tons chaleureux, du rouge au beige foncé, était l'endroit qu'elle avait choisi pour ce moment si particulier. D'immenses rideaux carmin étaient accrochés à des boucles d'or, laissant ainsi passer les magnifiques rayons dorés du soleil à travers les baies vitrées étincelantes. Cela réchauffait la salle. L'immense lit dans lequel Elyris était couchée depuis des heures, était trempé de sueur. Les draps de soie étaient froissés et tâchés de sang, donc irrécupérables. Mais la jeune femme souffrait pour une bonne raison.
Aujourd'hui, elle donnait naissance à son premier enfant !
Ce petit miracle, qu'elle avait tant attendu... Elle et son mari avaient été ravis d'apprendre la grossesse de la jeune duchesse, neuf mois auparavant. Ils avaient envie de fonder une famille depuis leur mariage il y a trois ans, et désormais, c'était chose faite.
L'enfant poussa un cri déchirant, lorsqu'il vint au monde. Tout potelé, recouvert d'un liquide visqueux et de sang, il semblait plein de vie. Il hurlait à s'en déchirer les poumons, agitant ses petits pieds et ses poings. Ses yeux bougeaient sous ses paupières closes. La sage-femme le tenait fermement contre sa poitrine, emmailloté dans un linge propre, pendant que la jeune mère, âgée d'une vingtaine d'années, reprenait son souffle en haletant bruyamment. Elle peinait à respirer, après l'effort qu'elle avait dû accomplir. Les médicaments à base de plantes prescrits par le médecin, avaient un tant soit peu apaisé les douleurs de l'accouchement, mais pas suffisamment pour qu'elle ne sente rien. Une domestique s'empressa d'ouvrir une fenêtre pour laisser passer un peu d'air frais.
Son mari était près d'elle, lui tenant fermement la main et épongeant son front délicat couvert de sueur, avec un mouchoir de soie blanche. La peau nacrée de la jeune femme était livide. L'épuisement s'emparait peu à peu d'elle. Mais pour rien au monde, elle n'aurait voulu rater ce moment. Celui de voir son bébé pour la première fois.
Le médecin s'était chargé de vérifier que l'enfant était en pleine santé, et que tout fonctionnait correctement chez lui. Il récupéra le bébé, nettoyé et emmailloté dans un linge tout doux et blanc, puis s'approcha avec douceur du lit. Ses prunelles grises scintillaient de bonheur. Cet homme veillait à la santé de la jeune femme, depuis le début de sa grossesse. Et Elyris l'appréciait énormément. Vêtu d'une blouse blanche, ses cheveux poivre et sel étaient un peu en désordre sur son crâne légèrement dégarni. Mais il respirait le bonheur, devant ce petit être innocent, qui venait de naître.
Au fond des draps, la jeune Duchesse paraissait si petite et si jeune. Mais son regard rayonnait de bonheur. Physiquement, elle souffrait. Mais mentalement, c'était le plus beau jour de sa vie.
— Votre Altesse, je vous présente votre petite fille. La future duchesse de Solvyre, annonça-t-il en brandissant l'enfant avec douceur.
Il tendit le bébé aux nouveaux parents, puis s'écarta pour leur laisser un peu d'intimité. Dans les bras de sa mère, la petite se mit à gazouiller, heureuse. Elle était en pleine forme. Elle avait déjà une jolie masse de cheveux châtain clair. Elyris attrapa ses petits doigts potelés et lui caressa la joue. Lorsque la fillette ouvrit enfin les yeux, la jeune femme sut qu'elle ne pourrait jamais oublier ce premier regard. D'un vert aussi pur que l'émeraude, le même que son père, le bébé avait incontestablement, les plus belles prunelles du royaume. Ses pupilles noires étaient à peine dilatées, dans la clarté naturelle, qui envahissait la pièce.
— Ma petite Jadelynae... murmura Elyris, d'une voix emplie d'un amour inconditionnel. Jade, pour faire plus court, chuchota-t-elle ensuite, avec un sourire à son mari, très fier.
Téone, le Duc de Solvyre, embrassa tendrement son épouse sur le front, y déversant tout son amour. Le cœur de la jeune mère battait encore à cent à l'heure. Elle se sentait épuisée, mais elle désirait garder sa fille le plus longtemps possible. Et graver dans sa mémoire, ses premiers moments de vie. Ils étaient uniques et devaient rester de beaux souvenirs, les plus chaleureux et chéris de son existence.
Peu importait ses cheveux blonds collés contre son front, ou ses vêtements trempés par la sueur, à l'odeur désagréable. Sa fille allait bien et c'était tout ce qui comptait. Les domestiques s'affairaient autour d'elle, pour changer les draps trempés et aérer la pièce, afin que l'odeur du sang ne soit plus présente. Un bain chaud fut également préparé pour la jeune mère. Elle devait se reposer à présent, et reprendre des forces rapidement, afin de pouvoir s'occuper correctement de sa petite merveille.
De petits coups frappés à la porte surprirent les jeunes parents. Un domestique alla ouvrir, puis s'inclina pour laisser passer les invités, en les annonçant.
— Leurs Majestés, le roi Stylis et la reine Eryca.
Eryca se précipita vers le lit, où était allongée Elyris, sa meilleure amie. Les deux jeunes femmes étaient comme des sœurs. Orphelines dès leur plus jeune âge, elles avaient été élevées ensemble au palais, de par leur rang assez élevé. Filles de duc et de Comte, elles méritaient la meilleure éducation, comme l'avait déclaré l'ancien roi, père de Stylis. Puis elles avaient trouvé toutes deux l'amour. Elles étaient heureuses, aujourd'hui. Et comptaient bien chacune, profiter du moindre moment de bonheur. Ils étaient si rares ces derniers temps, à Norvden.
— Oh ma belle Elyris, elle est magnifique, souffla-t-elle en s'agenouillant près de la jeune mère.
Eryca effleura délicatement le front de la petite Jade, écartant quelques fines mèches châtaines. Celle-ci semblait désormais sereine, entre les bras de sa mère. Elle avait mis un petit doigt potelé dans sa bouche aux lèvres si fines. Un petit duvet de poils clairs couvrait ses joues de bébé.
Le roi serra la main du Duc, en affichant un sourire amical. Cet homme à l'allure imposante, était d'une gentillesse et d'une générosité folle. Il avait les cheveux noirs et une barbe de quelques jours. Il tenait entre ses mains, un objet de grande valeur pour le royaume tout entier. Et ça, Elyris en avait parfaitement conscience. Elle connaissait la raison de leur venue dans cette pièce. Certes, sa meilleure amie voulait voir le visage de son enfant, mais ce n'était pas la seule raison.
— Tu sais pourquoi nous sommes là, chuchota Stylis en observant la jeune mère, avec une immense bienveillance, ses yeux bleus brillant de gentillesse et de tendresse amicale.
Elyris hocha la tête, tout à coup très sérieuse. Sa fille allait être « baptisée ». Pas au sens religieux du terme. Mais grâce au Sceptre de Stérïls et à l'Asténia, dont les pouvoirs étaient enfermés à l'intérieur, elle ne craindrait plus jamais les maladies et les catastrophes naturelles. Et pourrait vivre une existence paisible, bien différente de l'enfance qu'avait connu ses parents. On allait enfin lui donner ses propres pouvoirs ! Elle serait enfin protégée.
Le roi pointa la lourde sphère violette scintillante, en direction du cœur de l'enfant. Malgré elle et en sachant parfaitement que c'était pour son bien, Elyris ne put s'empêcher de serrer sa fille plus fort contre elle. Elle aperçut juste un serpent de magie vert, s'exfiltrer de la sphère pour s'infiltrer ensuite dans la poitrine de Jade. La peau de la petite fille rayonna d'un vert aussi pur que celui d'une émeraude, puis reprit rapidement sa teinte normale. L'enfant ne sentit presque rien, si ce n'est, quelques chatouillis qui la firent rire. Ce son était le plus doux qu'Elyris n'avait jamais entendu.
Jade était enfin dotée d'une partie de la magie de l'Asténia et serait protégée toute sa vie contre les méfaits que subissait leur royaume, depuis des décennies.
Au creux de sa poitrine, sur la peau juste au-dessus du cœur, un petit J d'un vert aussi pur que ses prunelles, entrelacé de lignes sombres, prouvait que Jade était désormais pourvue d'un immense pouvoir. Heureuse, le bébé finit par s'endormir dans les bras de sa mère, bien au chaud et protégée pour toujours des malheurs du monde.
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