6.
2 décembre
La douceur et la sérénité des bois m'enveloppèrent immédiatement, alors que mes chaussures foulaient le sentier, en cette fin d'après-midi. Pour la première fois depuis le début de la journée, je me sentais enfin apaisée. Je n'avais plus cette tension permanente au fond du cœur, qui me disait que j'étais en danger.
Pendant plusieurs heures ce matin, il avait fallu que je vaque à mes occupations au palais, sans pouvoir me reposer. J'avais un emploi du temps bien chargé. Réunion ce matin, lecture aux enfants des nobles dans la bibliothèque du palais, puis repas à midi en présence du chef de l'armée et de la princesse. Je n'avais pas chômé. Mais lorsque enfin, je fus libérée de toutes contraintes, je me précipitai ici. Le seul endroit où je me sentais réellement bien et où je pouvais être moi-même. Sans risquer ma vie, ou me faire dénoncer pour utilisation frauduleuse de la magie.
Alors que je marchai lentement sur le chemin de terre ocre, j'en vins à penser à cette belle créature à la fourrure tachetée d'or, que j'avais sauvée hier. Avait-elle pu s'en sortir ? Qu'était-il advenu d'elle ? Je m'étais endormie hier au soir, sans pouvoir oublier ses yeux ambrés qui me fixaient avec intensité, presque avec intelligence. Franchement, j'étais vraiment intriguée du comportement de l'animal.
Il était environ seize heures. La forêt regorgeait de vie. Quelques écureuils à la fourrure rousse passèrent à toute vitesse devant moi, pour grimper sur l'arbre le plus proche, et disparaître dans le tronc. Les pins formaient un cocon rassurant au-dessus de ma tête, laissant quand même filtrer quelques rayons de soleil dorés et chauds. Tout mon corps était détendu et ma respiration paisible. Les douleurs physiques de la nuit dernière, dues à l'escalade de la falaise, n'étaient plus qu'un mauvais souvenir. Il y avait d'autres façons de parvenir jusqu'ici. Mais après la journée difficile que j'avais passée hier, j'avais besoin de me défouler.
Alors que je m'approchais de la rivière, j'entendis quelque chose d'étrange. Le même son étouffé qu'hier après-midi. Intriguée, je m'arrêtai et scrutai chaque buisson autour de moi, dans l'espoir d'apercevoir quelque chose. La première chose que je vis, fut deux yeux ambrés qui me fixaient avec douceur. Puis l'animal sortit complètement des fourrés, dans lesquels il s'était caché.
Sa fourrure noire était encore couverte d'une croûte brune au niveau du flanc gauche, ressemblant à du sang séché. Mais sa blessure ne semblait plus saigner. C'était déjà une bonne chose. J'étais contente de le voir, car cela voulait dire que je lui avais sauvé la vie. Cet animal s'en était sorti grâce à moi. Cela raviva un éclat de joie dans mon cœur et me fit sourire.
Restant immobile, je n'osais pas l'approcher. Je préférai le laisser faire et m'apprivoiser lentement. Je n'avais pas l'impression qu'il était dangereux, mais je devais quand même rester méfiante pendant quelques minutes. Le temps de démêler le vrai du faux, et d'être certaine que je ne risquais rien.
Nous restâmes quelques instants immobile l'un et l'autre. Je respirai doucement pour ne pas l'affoler, gonflant profondément mes poumons, en ouvrant la bouche pour ne pas faire de bruit. Je souhaitais l'approcher, mais je sentais au plus profond de moi-même, qu'il devait le faire seul. Je devais me laisser apprivoiser.
Alors je pris soin de rester la plus immobile possible, tout en continuant de le regarder. L'atmosphère n'était pas tendue. Au contraire ! Une certaine sérénité semblait régner autour de nous, comme si nous savions que nous ne nous ferions aucun mal. Je continuai de fixer l'animal avec douceur, espérant pouvoir l'amadouer afin qu'il bouge dans ma direction.
Au bout de cinq minutes dans le plus complet des silences, le félin finit par avancer une patte dans ma direction. Puis une autre. Il s'approcha avec prudence, ne sachant pas encore bien si je représentai un danger ou non. Je choisis de ne rien tenter, et de ne pas faire un geste, pour ne pas l'effrayer.
Le chant d'un oiseau brisa soudain le silence qui s'était installé. Le petit volatil s'envola de l'arbre le plus proche en sifflotant. Je levai la tête pour l'observer, en même temps que la panthère. Il s'envola lentement, battant de ses ailes aux plumes colorées, avant de s'éloigner entre les arbres. Un délicat sourire naquit sur mon visage, devant cette vision. Je trouvais la Nature belle. Presque enchanteresse...
L'animal me fixa à nouveau, reposant ses yeux désormais sereins sur moi. Il finit de parcourir la distance qui nous séparait, pour venir frotter son museau noir contre ma jambe. Il devait mesurer un mètre de hauteur. Il était vraiment impressionnant de carrure. Je ne m'en étais pas rendu compte, hier, alors qu'il était allongé dans la terre humide.
Je me penchai pour effleurer tout doucement son pelage. Il me laissa faire, fermant les yeux pour savourer la sensation de caresse. Il réagissait de la même façon qu'un chat... C'était étrange. Je m'agenouillai pour me tenir au niveau de sa tête.
— Je suis contente que tu t'en sois sorti, tu sais, murmurai-je en lui caressant le dos.
Cette créature avait vraiment un comportement étrange. Normalement, les panthères des forêts, à Norvden, étaient sauvages et ne s'approchaient pas des humains. Peut-être était-ce parce que je lui avais sauvé la vie, que celle-ci se laissait faire ?
Je n'en savais rien.
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