Bae Suzy ; Woodbury, Minnesota, États-Unis ; Le 24 Mai 2011.

Un éclair.

L'obscurité.

Des grains de poussière dorée que je voyais voler dans les airs alors que je n'avais aucun contrôle sur mon corps, ou sur mes pensées.
Et du rien.

Quand je repris enfin conscience, ce n'était ni le matin, ni dans mon lit, ni grâce à mon réveil.

— Suzy, merde, lève-toi ou je vais m'énerver !

En fait, c'était en plein milieu de la nuit, dans le parc de Woodbury, grâce à une personne très bruyante que je n'avais pas encore eu l'occasion d'apercevoir.

— Je t'ai dit d'ouvrir tes yeux de bourgeoise et de te lever !

Ces yeux de bourgeoise dont elle parlait devaient vraiment être en or, parce qu'il me fallait trente secondes pour les ouvrir, et une seule pour qu'ils se referment aussitôt. Près de moi, cette voix féminine ne cessait de me crier de me lever, et elle m'énervait.

— Merde, Suzy !

Cette fois, elle hurla tellement fort que je me dépêchai de m'asseoir, les yeux toujours fermés, et je ne pus pas échapper à une bonne grosse claque-réveil.

Elle venait de m'en mettre une. La colère me fit ouvrir grand les yeux et me lever d'un bond. Mes pieds me faisaient mal, et un sentiment désagréable au fond de ma gorge me dérangeait.

— Putain, mais qu'est-ce qu'il y a ?! criai-je à mon tour, agitant les bras dans tous les sens.

Elle ne me répondit pas, me laissant découvrir le décor qui m'entourait. Un ciel noir comme de l'encre, un parc désert, une fontaine qui coule. Je n'avais pas bougé de l'endroit où je m'étais évanouie hier soir, alors qu'il faisait toujours clair.

— Qu'est-ce que je fais toujours ici, bordel ? Et qui êtes-vous ? Et...

Je remarquai enfin que ma voix n'était, en fait, même pas la mienne. Ce n'était pas une voix très commune, elle avait un ton très particulier, et pourtant, elle me semblait si familière. Ce n'était pas ma voix.

— Suzy ! Regarde-moi ! Regarde-moi et dis-moi à quoi je ressemble !

Celle-là. Celle-là, c'était ma voix. Et elle n'était certainement pas sortie de ma gorge.
Je voulais bien faire ce que cette dame me demandait, mais dans le noir, je ne voyais qu'une silhouette. J'avais du mal à distinguer quoi que ce soit. Et en quelques secondes passées à plisser les yeux, ma vision s'adapta à l'obscurité, et je sus enfin voir le visage de l'inconnue. Complètement sur le cul, je laissai échapper quelques mots de ma bouche qui resta grand ouverte.

— Moi... Tu ressembles à... Moi.

Elle me ressemblait, à moi. J'aurais même dit qu'elle était ma copie exacte.
Mon cerveau mit quelques secondes à réunir toutes les infos qui m'étaient parvenues. Et une fois que toute la situation s'éclaircit, je m'écroulai de rire. Il me fallut un moment pour me relever, puisque je n'arrêtais pas de glousser en tapant dans les mains, sous le regard agacé de mon sosie.

— Bon, t'as fini ?
— Mais tu sais ce qui en train d'arriver ? C'est complètement dingue ! C'est la première fois que je fais un rêve lucide, trop bien ! Bon ! m'exclamai-je en tapant à nouveau dans les mains.Suzy Numéro Deux, on fait quoi, maintenant ? On va manger une lasagne au chocolat sur le dos de Nyan Cat pendant qu'il nous emmène sur Saturne ? Ce sera super fun !

Une seconde fois, elle plaqua sa main contre ma joue. C'était atrocement douloureux et pourtant, je ne me réveillai pas. Est-ce que les rêves lucides ne se terminaient pas des manières classiques ? Fallait-il plus qu'une claque pour qu'ils prennent fin ?

— Mais pourquoi est-ce que tu m'as giflée, putain ?! m'indignai-je.
— Tu n'es pas en train de rêver, espèce d'idiote !

Mon sosie leva un index tremblant, me pointant avec une expression horrifiée.

— Tu... Tu es moi...

Puis, elle posa son doigt sur sa propre poitrine.

— Et je suis... toi.

Elle déglutit et hocha la tête dans ma direction, attendant une quelconque réaction de ma part. Une envie de rire me monta dans la gorge, mais elle se dissipa très vite. Cette copie de moi paraissait très sérieuse. Je suis elle. Et elle est moi ?