Lorsque j'ai senti mon bras emprisonné dans cette main, je me suis immédiatement figée: je n'ai pas réussi à faire un seul mouvement, et pourtant, avec mon fort caractère, je m'étais toujours dis que "Si un jour quelqu'un tente quoi que ce soit avec moi, je saurai me défendre", "je pourrai me libérer et courir", "je pourrai appeler à l'aide"... Vous savez, ce genre de réflexion que nous avons toutes lorsque nous ne sommes pas devant le fait accompli. Et pourtant... Une fois face à la situation, tout le courage que vous aviez s'évapore en quelques instants et laisse place à une incompréhension qui ne vous permet même pas de réagir. L'esprit refuse de voir ce qui se passe réellement, et le corps se crispe. Une fois retournée, j'ai pu voir un mec d'une vingtaine d'années. On pouvait voir dans son attitude, son regard, qu'il était saoul: il empestait l'alcool. Dans cette état, la personne n'est ni totalement consciente de ce qu'elle fait, ni totalement innocente.

-"Allez viens avec moi, on va bien s'amuser tous les deux..." il avait dit ça tout en me collant contre lui.

J'étais répugnée et pétrifiée. Qu'est ce que j'aurai bien pu faire face à une masse d'environ 1m90, avec mon mètre 60. Il avait une carrure assez imposante, et devait surement faire parti de l'équipe de football d'Harvard, car il en possédait le blouson. En temps normal, j'aurai pu le trouver mignon, il était brun avec des yeux marrons, mais ce soir, ils étaient injectés de sang. Rien ne m'attirait chez lui à cet instant précis. J'éprouvais simplement de la peur. Une envie de me libérer et courir loin de lui. Je peinais à émettre le moindre son, alors qu'il avait posé son autre main sur mon dos, et commençait à la faire glisser vers le bas, un bruit vint percer cette situation oppressante. 

-"Lâche-la."

Sans lever les yeux, il répondit en toute impunité:

-"Mec, j'ai le droit de m'amuser un peu non? En plus elle a pas l'air contre tu..."

En se retournant vers la voix, il se stoppa net dans sa phrase et avant que je ne m'en rende compte, il s'était éloigné de moi, me libérant de son emprise malsaine et de cette odeur affreuse. J'étais encore pétrifiée, n'ayant même pas osé lever la tête. En s'éloignant de moi, il rebroussa chemin vers la sororité, en passant à côté de la personne qui avait mis fin à cette situation.

-"Désolé Adam! Je savais pas que tu la connaissais!.. J'y vais... Y'a des gens qui m'attende..."

J'avais alors vu un geste brusque du coin de l'œil, et c'est à ce moment là que mon corps avait enfin réagis: mon regard s'était tourné vers la scène où j'ai pu le voir, lui, attraper mon agresseur et le tenir fermement par le col, de ses deux mains.

-"Si tu la touches encore une fois, une seule fois, je te détruis."

L'autre mec n'avait même pas eu le courage de parler, qu'il s'en allait le plus rapidement avec un regard apeuré, tout en déglutissant et en hochant la tête.

-"Tu vas bien?"

J'avais peine à y croire, mais c'était bien monsieur-regard-envoûtant qui était là, devant moi, et qui m'avait sauvé des griffes de cette pourriture. Je n'avais pas répondu, j'avais le regard dirigé vers le sol, les poings serrés, encore sous le choc. Il s'était approché de moi doucement et avait délicatement relevé mon menton à l'aide de ses doigts, pour croiser mon regard.

-"Hey, ça va? Il est parti maintenant, ne t'inquiètes pas. Il te prendra plus la tête, j'peux te le garantir."

Ses yeux bleus me transperçaient. Ils sondaient mon âme. Ils m'envoûtaient, encore une fois. Dans la brise du soir, je pouvais sentir un parfum musqué qui se dégageait de lui. Il aura fallut qu'il se passe une telle situation pour le recroiser, au moment même où je n'aurai jamais pensé le voir. Je ne le connaissais pas, mais pourtant, le voir et entendre sa voix me rassurais. Ce contact, aussi petit soit-il, m'apaisait. Alors que quelques secondes s'étaient écoulées, je pris mon courage à deux mains pour reprendre mon livre qui était à mes pieds et le remercier rapidement, les larmes aux yeux. Puis je me suis mise à courir, avant d'éclater en sanglot.