Je reste figée. Mes yeux font des va-et-vient entre Eric et cette ridicule plaque en fer qui me fait me poser milles et une questions. Durant quelques instants, je ne suis pas sûre de bien comprendre le message, comme si mon cerveau avait arrêté de fonctionner.

-"Mégan, assieds-toi."

Son ton n'est ni autoritaire, ni froid. Il a tiré une chaise qu'il me désigne de sa main. Je m'exécute sans broncher. Après tout, nous devons aussi avoir une discussion tous les deux. Je prends place et attends patiemment qu'il ferme la porte de son bureau. Il revient et tire une seconde chaise pour se mettre devant moi. 

-"Eric, je ne comprends pas trop... Ici, c'est ton bureau, n'est-ce-pas?"

Il hoche la tête.

-"Donc, tu es directeur financier?"

Il hoche de nouveau sa tête.

-"Mais, tu as eu une promotion? Ou est-ce que tu t'es fichu de moi depuis le début?"

Il me regarde droit dans les yeux, je l'observe, et le vois déglutir. 

-"J'aurai pu essayé de te mentir pour arranger les choses et que tu ne m'en veuille pas, mais ça n'a aucun intérêt. Je ne veux plus te mentir. Je suis directeur financier depuis deux ans maintenant, donc je l'étais déjà lorsque tu as pris ton poste ici."

Alors, lui aussi il est comme ça, comme son frère? Cette façon de mentir, de tromper les autres et de leur faire du mal. Je crois bien que c'est un gêne commun de leur famille. Je me demande bien comment leur père doit être. Comme on dit, tel père tels fils. Alors, qu'est-ce qui serait différent? Je ne devrai même pas être étonnée de ça, mais pourtant, Eric me paraissait différent. Je pensais que ça serait autre chose, avec lui. Il commençait à me plaire, je commençais à avoir confiance en lui... Et voilà que tout me prouve que j'avais une nouvelle fois tord. Il est clair que je suis blessée, mais je le suis moins que si nous avions entamé une relation plus sérieuse. Malgré ça, je me sens mal parce qu'il était devenu comme un "support" dans ma vie, j'ai l'impression que je viens de tout perdre, encore une fois... Je n'avais pas encore remarqué mais mes yeux se sont brouillés de larmes.

-"Pourquoi me l'avoir caché? Pourquoi m'avoir menti? Pourquoi vouloir me faire du mal?"

-"Je suis désolé de ne pas te l'avoir dit avant... Mégan, crois-moi, je n'ai jamais voulu te faire mal. J'avais juste..."

Il s'arrête dans ses explications. Il pense vraiment que c'est le moment de faire ça, alors qu'il voit bien dans quel état je suis? 

-"Tu avais juste quoi, Eric?" 

Je lui sors cette dernière phrase dans un effort ultime, tant ma gorge est serrée. Je sens une larme couler le long de ma joue, et ça en dépit de tous les efforts que j'ai procuré pour ne pas les laissées s'échapper. Il avance presque instantanément sa main vers ma joue, mais mon corps a un mouvement de recule instinctif. Ses yeux se plissent. Je vois de la peine traverser furtivement son visage, avant qu'il ne retire sa main. 

-"J'avais peur que tu me rejettes, en apprenant le poste que j'occupe."

-"Pourquoi est-ce que je t'aurai rejeté?"

-"Je trouvais ça tellement bien que nous apprenions à nous connaître sans tous ces préjugés, sans toutes ces histoires de hiérarchie... Je ne voulais pas que tu te sentes en danger, que tu te dises qu'en me fréquentant, tu risquerai ta place si les choses ne se passaient pas bien."

-"Pourtant, regarde ce qui est arrivé avec Jack... Je comprends mieux, maintenant. C'est pour ça que tu as réussi à le faire partir aussi facilement... Je crois que tu ne t'en rends pas compte, mais c'est justement de ne pas savoir qui tu es depuis le départ qui m'a mise en danger. Peut-être que si je l'avais su, Jack n'aurait pas essayé de me..."

Je me coupe. Je n'ose même pas prononcer le dernier mot. Le visage d'Eric est serré. Je vois bien que lui aussi est encore marqué par cette histoire. 

-"Mégan, excuse-moi. Je ne te voulais pas t'attirer d'ennuis. Jamais. Si j'avais su que ça pouvait te mettre dans une telle situation, j'aurai fait les choses autrement."

Il attrape mon menton et délicatement, fait tourner ma tête vers lui.

-"Lève les yeux, je suis là."

Je lève alors mes yeux brumeux vers les siens. Je tombe dans ses yeux bleus qui me fixent. Ils sont si beaux, si captivants... Mais ils ne sont pas comme les siens...

-"J'ai une dernière question à te poser... Est-ce que tu savais déjà qui j'étais pour Adam?"

Il baisse le regard, en se grattant la nuque. Il semble anxieux.

-"Alors, tu me connaissais??!"

Je me lève en furie, pour me diriger vers la porte. Mais il se lève à son tour, et m'attrape le bras pour se mettre devant moi et me barrer la route.

-"Attends, Mégan! Laisse moi parler, avant de partir!"

Je croise les bras sur ma poitrine, et j'attends ses explications.

-"Je savais que mon frère avait connu une "Mégan" lorsqu'il était à l'université. Je savais aussi que cette fille avait quelque chose de spécial, parce qu'il avait changé dans le bon sens du terme. Il ne nous donnait pas plus de détails sur sa relation, pourtant, je voyais bien que cette fille lui apportait ce dont il avait besoin. Quand j'ai su qu'il allait revenir de son déplacement, j'ai décidé de faire une recherche pour savoir si cette "Mégan" était toi. Je n'en étais pas sûr à 100% jusqu'à ce que tu le croises et que je vois ta réaction. C'est de ça dont je voulais te parler à la cafétéria, avant qu'il ne nous trouve. Je voulais te prévenir, avant que tu ne le vois de tes propres yeux..."

Je détends mes bras, je me sens légèrement apaisée suite à son discours. D'un autre côté, je suis exaspérée par sa manière d'agir. 

-"Eric... Si tu avais un doute, pourquoi est-ce que tu ne m'en as pas parlé dès le départ? Tu sais, j'aurai été surprise de ta question, mais... Je t'aurai donné une réponse. Je suppose que tu as eu peur que j'apprenne que tu es son frère... Si tu m'en avais parlé, ça m'aurait simplement montré que tu n'es pas comme lui."

J'ai une nouvelle fois la tête baissée. Je n'arrive pas à le regarder. Je sens des bras m'enlacer. Je ne m'y attendais pas, mais ça fait du bien.

-"Je vais être sincère comme je ne l'ai jamais été dans ma vie... Je ne sais pas ce que mon frère t'as fait subir. Mais je ne suis pas comme lui. Je ne te ferai jamais de mal. J'aime ce que tu es. J'aime qui tu es. Autant physiquement que intérieurement. Tu es... la fille la plus incroyable que j'ai jamais rencontré. Et tu me plaît vraiment. Crois-moi... Je veux pouvoir mériter ta confiance. Je veux pouvoir mériter... de t'aimer."

De... m'aimer? Est-ce qu'il vient de m'avouer ses sentiments? Je relève ma tête. Son visage est à quelques centimètres du mien, nos regards plongés l'un dans l'autre. Son souffle chaud, mentholé et humide s'abat sur moi. Je vois ses pupilles dilatées, je sais exactement ce que ça signifie. Il me désire. Je me demande si mon regard est semblable au sien, parce que je crois bien ressentir la même chose que lui. Je suis toujours au creux de ses bras, dans ce moment si spécial et cet espace protecteur qui me fait subitement tout oublier. J'en est envie. J'ai envie de l'embrasser. Mais, est-ce que ce serait sain? Pourquoi Adam a eu le droit de m'oublier, et moi je n'en aurait pas le droit? Je sais bien que c'est son frère, mais... Rien qu'une fois. 

Ses lèvres, encerclées d'une barbe naissante, s'approchent dangereusement des miennes, je les regardent attentivement. Il mord le bas de sa lèvre, tandis que mon souffle devient de plus en plus irrégulier. Je le désire, maintenant j'en suis sûre. Il arrête son mouvement lorsque ses lèvres frôlent les miennes. Il attends que je fasse le dernier pas? Je n'ai pas le temps d'agir qu'il le fait à ma place. Elles viennent s'écraser sur les miennes à plusieurs reprises, doucement, puis violemment. Enfin, nos langues viennent s'entremêler en effectuant une danse sensuelle, et ce baiser se fait de plus en plus violent. Il m'agrippe les hanches de ses deux mains, pour me soulever et me permettre d'encercler ses hanches de mes jambes. Il me pose alors sur son bureau, dégageant d'un coup de main ce qui s'y trouve, m'agrippant les cheveux d'une main, et pressant l'autre sur le bas de mon dos. Ses lèvres glissent de temps à autre dans mon cou, tandis qu'il allonge mon buste sur le bureau, laissant ma tête dans le vide. Sa bouche descend alors lentement le long de mon décolleté, me procurant des sensations incroyables. Est-ce que nous n'allons pas un peu loin? Qu'est-ce qui m'arrive? 

Nous entendons alors des pas dans le couloir, qui semblent se approcher dangereusement, ce qui nous stoppe dans notre élan. Il m'aide alors à me relever. Une fois debout, j'arrange rapidement mes cheveux et mon haut. Eric, toujours devant moi, me dévore des yeux: ils semblent d'ailleurs différents, son regard est devenu malicieux... Oh mon dieu. Je ne pensais pas avoir ce genre d'attirance pour lui, mais c'était simplement parce que je me voilais la face. Quelqu'un toque à la porte alors que nous éloignons l'un de l'autre. La personne entre et nous salue: c'est un autre responsable des service. Alors, Eric me raccompagne jusqu'à la porte de son bureau, en lui disant de s'installer. Il met sa main dans le bas de mon dos lorsque nous arrivons près de la porte.

-"Je vous dis à bientôt, mademoiselle Daniels."

-"Au revoir, monsieur Johnson."

Ses yeux me fixent intensément. Je souris et m'éloigne, me dirigeant vers l'ascenseur. Dois-je vraiment le blâmer? Peut-être que je devrai prendre sur moi et accepter qu'il ne soit pas forcément la même personne que lui. Tout à coup, je sens des doutes s'installer en moi. Ce qu'il vient de se passer... est-ce une erreur?