Chapitre 25
- GLENN -
Elle ne revient pas. Cette saloperie doit s'être barrée. Vraiment pas drôle cette gamine.
Finalement, je préfère me tirer avant d'être servi. Je fais donc un sourire à mes "amis" et je me lève en leur lançant un "Désolé, faut que j'y aille, j'ai un truc à faire." et je marche tranquillement jusqu'à la sortie, sans me retourner.
Une fois chez moi, j'ai le déplaisir de croiser mon géniteur dans le salon. Et alors que je m'apprête à monter dans ma chambre sans faire de bruit, il m'interpelle et m'oblige ainsi à redescendre les quelques marches que j'ai gravi.
"Et bien ? On ne salue plus son vieux père mon garçon ?
Quel talent d'acteur ! Je t'aurais bien applaudi pour cette imitation de voix du père de famille modèle mais je ne voudrais pas gonfler un peu plus ton égo, vieux croulant.
- Bien sûr que si, papa. J'avais simplement peur de te déranger dans tes réflexions, je lance avec un grand sourire d'ange.
Manque plus que l'auréole.
Le vieux continue, pas dupe pour un sou :
- Comment vas-tu mon petit ? Tout se passe bien dans ton lycée ?
- Évidemment. Je suis un Marchal ; tout ne peut que bien se passer. Mais dis-moi, qu'est-ce que tu fais à la maison si tôt ?
- Je n'ai pas le droit de vouloir passer un peu de temps avec mon fils ?
Un frisson me parcourt l'échine rien qu'à cette suggestion de l'horreur.
Voyant ma mine déconfite, il ajoute, sur le ton de la plaisanterie :
- Je plaisante gamin. Je suis juste passé chercher de la paperasse. Par contre, j'aimerais bien savoir pourquoi tu rentres aussi tard.
- Pour rien. Je suis juste allé manger un morceau avec des amis.
- Merveilleux. Leurs noms ?
- Ne t'inquiète donc pas. Si je traîne avec c'est qu'ils ne sont pas de la populace. Tu peux te détendre ; aucun moyen qu'ils te fassent honte avec un arbre généalogique moins prestigieux que le nôtre.
- Oh je ne m'en fais pas fiston. J'ai quand même un minimum de confiance placée en toi. Bon tu m'excuseras mais j'ai encore du boulot. À plus tard mon grand."
Et il s'éloigne tranquillement après avoir attrapé son attaché-case.
Quant à moi, je retrouve une respiration à peu près normale et je monte dans ma chambre.
- ALIX -
Vers minuit, alors que je suis en train de lire, j'entends la clé tourner dans la serrure et je me doute que mon père ne rentre pas sobre car aucun bruit de voiture n'a précédé ce son. Il gravit lourdement et difficilement les marches et s'arrête devant ma porte. Puis il frappe et murmure : "Clara ? Je peux entrer ?
- Entre.
Mon père passe alors la porte et attrape ma chaise de bureau avant de la placer près de mon lit.
- Qu'est-ce qui t'arrive ? je lui demande une fois qu'il est installé.
- Dis Clara, tu crois que si Alix était encore en vie elle se confierait à moi ?
Un frisson me traverse de part et d'autre avant que j'ose répondre :
- Je n'en sais rien. Probablement. Pourquoi cette question ?
- Parce que quand je vois la loque humaine que je suis devenue, je me dis qu'elle ne se serait sûrement jamais confié à quelqu'un d'aussi décevant que moi.
Je ressens soudain un pincement au coeur et attrape sa main pour la serrer très fort. Mon papa. L'homme qui n'est plus que l'ombre de ce qu'il était mais qui reste mon père envers et contre tout. Ça me fait tellement de peine de le voir dans cet état.
- Tu sais Paul, c'est normal qu'une fille ne puisse pas tout dire à son père. Et peut-être qu'elle t'aurait caché des choses pour ton bien ou pour te protéger.
- Mais enfin Clara, ce que tu dis n'a pas de sens. J'étais son père. Ç'aurait été à moi de la protéger. Et de quoi aurait-elle bien pu me protéger d'ailleurs ?
Je souris tristement tandis que ma gorge se serre et que mon père plonge dans ses pensées. De tout papa, de tout. Mais surtout de ce monde bien trop cruel pour ton esprit mon petit papa. Tu n'as pas besoin d'apprendre mes problèmes. Ça ne ferait que te détruire davantage, pas vrai ?
- Au fait Clara, dit-il brusquement en sortant de sa transe quelques minutes plus tard, pourquoi as-tu coupé tes cheveux ?
- Tu n'aimes pas ? je demande d'une voix teintée d'appréhension.
Qu'est-ce que je vais bien pourvoir inventer pour excuser ça ? Ma mère adorait ses cheveux longs ; elle ne les aurait pas coupé aussi courts...
- Si, me répond-il. Je n'ai simplement pas l'habitude de les voir aussi courts. D'une certaine façon tu ne te ressemble plus vraiment... Tu me fais penser plus penser à Alix comme ça... Je suis sûr qu'une coupe courte se serait bien accordé à son visage."
Mais c'est moi papa ! Je suis là !, ai-je envie de hurler. Appelle-moi par mon prénom ! Regarde-moi ! Je suis encore une enfant ! Arrête de m'ignorer alors que je suis devant toi ! Je t'en prie ! Je t'en prie... Remarque que j'existe...
Sans que je m'en aperçoive, mon père a quitté la pièce et c'est seule, une fois de plus, que des larmes envahissent mes yeux et roulent sur mes joues.
Tout est de ma faute. Le psy aura beau dire ce qu'il veut ; la culpabilité me bouffera toujours. Et c'est avec des yeux piquants et brûlants que je plonge dans - je l'espère - un sommeil sans rêve.
- GLENN -
Le lendemain matin, alors que j'ai à peine le temps de passer la porte, deux furies me sautent dessus et me traînent jusqu'à ma bande en battant des mains et en poussant des petits cris. Et, après avoir posé mes fesses sur ma chaise, je remarque rapidement que les furies ne sont pas les seules dans un état d'excitation avancé.
"Qu'est-ce qu'ils vous arrivent ? je demande, méfiant.
- On a une surprise pour toi mon petit Glenn, glousse une blonde pulpeuse.
- Ah oui ? Et je peux savoir ce que c'est ?
- Pas tout de suite, répond un grand brun avec un sourire de conspirateur.
- Allons allons les mômes, ne me faites pas languir comme ça, je lance avec un clin d'œil. Dites-moi tout.
- Bon, on peut bien lui dire, chuchote fébrilement une fille.
- Mais c'est gâcher la surprise, non ? rétorque une autre.
- Ben non andouille vu que c'est une surprise quand même.
- Oui mais l'attente la rend meilleure.
Seigneur, est-ce qu'elles sont vraiment en train de débattre sérieusement, là ? Pitié, achevez-moi.
- Alors ? je reprends pour couper court à tous ces piaillements insupportables."
Les deux filles se regardent dans les yeux avant de se tourner vers les autres qui hochent la tête.
Non vraiment, je maintiens que je suis sûr qu'ils s'entraînent en cachette pour être aussi synchros.
Puis l'une des deux - je pense que je vais la surnommer Ariel parce qu'elle a l'air assez débile et niaise pour confondre une fourchette et une brosse - se tourne de nouveau vers moi avant de me faire un grand sourire et de saisir son portable pour taper quelque chose dessus rapidement.
L'instant d'après, mon téléphone vibre et en regardant son écran, je peux constater que j'ai une notification facebook. Je l'ouvre alors en fronçant les sourcils et ce que je vois me scotche sur place. Je regarde Ariel hocher la tête pour me dire que non, je ne rêve pas. Puis mon regard se porte de nouveau sur mon téléphone.
Sur l'écran, je fais défiler des centaines de mots d'insultes trônant sur une page Facebook intitulée "Le cas Alix Garcia".
J'y crois pas. Ils sont allés jusque là sans même m'avertir.
Pendant un petit instant, je mords ma lèvre inférieure en un tic nerveux et je ne sais pas si je dois rire ou me fâcher.
Bordel. Qu'ils réfléchissent par eux-mêmes me donne la sensation que je suis en train de perdre le contrôle. Or, il n'y a rien de plus important que le contrôle de la situation. C'est la seule chose qui permet d'anticiper et d'éviter les ennuis. Seulement là... Je sens peu à peu le dit contrôle me filer entre les doigts. Et j'ai horreur de ça.
"Ben alors Glenn... Tu n'es pas content ?
- Si si... Quand est-ce que vous avez fait ça ?
-Hier soir, en rentrant du restaurant. Sarah a eu cette idée après avoir pris sa douche et on s'y est tous mis."
Je reste silencieux quelques instants. Et merde. Apparemment ceux-là sont capables de réfléchir. "Ça va ? Tu as l'air contrarié, lance un garçon.
- Mais non qu'est-ce que tu racontes... Bon en fait si, j'ajoute sur le ton de la confidence. Je suis vexé de voir que vous ne m'avez pas prévenu dès hier soir. Pour un peu ça me donnerait presque envie de bouder."
Tous éclatent de rire et quelques-uns me donnent des petits coups d'épaule pour me faire abandonner la fausse moue boudeuse que mon visage exprime. Dans vos rêves les mômes. C'est pas demain la veille que vous aurez la chance de voir un Marchal bouder. Puis ils se mettent en tête de me montrer quelques-uns des messages les plus gratinés. Des "Crève Salope.", des "Pourquoi tu te suicides pas juste ? Tu es tellement inutile sur cette terre." de toutes sortes défilent sous mes yeux et pour un peu, je plaindrais presque Alix. C'est quand même assez atroce ce qu'il y a là-dessus. Surtout que des gens extérieurs au lycée peuvent aussi mettre des commentaires. C'est à se demander si les gens savent qu'ils parlent d'un être humain derrière leur écran... C'est étrange de voir des inconnus se défouler sur d'autres...
- ALIX -
Lorsque je me réveille le lendemain matin, une drôle de sensation de malaise parcourt mon corps un instant. Vous savez : le genre de truc qui vous prend le matin et qui vous fait sentir que la journée va mal se passer.
Et pourtant ça ne m'empêche pas de passer outre en me disant, comme 90% d'entre nous, que je suis parano et que cette journée va parfaitement se dérouler. Et la plupart du temps, c'est effectivement de la parano et la journée se déroule bien.
Sauf pour moi évidemment... À croire que j'ai vraiment un karma pourri.
Et ce n'est pas avec l'appel de Lila, quelques minutes plus tard, que les choses vont s'arranger malheureusement.
Parce que la première chose que je remarque quand je décroche et que j'entends sa voix - bien qu'un peu couverte par les ronronnements du bus - c'est qu'elle a l'air complètement paniquée.
"Alix, tout va bien ?
- Ben oui... Enfin aussi bien que possible étant donné que je suis exclue pour deux jours mais bon, oublions ce détail.
- Oui. Oui. C'est vrai, lâche-t-elle avec un petit rire nerveux. Écoute, il faut que je te dise un truc. Et tu ferais mieux de t'asseoir et de suivre mes consignes. S'il-te-plaît.
- Tu me fais peur tout à coup. Qu'est-ce qui se passe ? je lui demande en m'asseyant sur mon lit.
- Bon écoute, je voudrais que tu évites d'aller sur Facebook pour le moment.
- Hein ? Pourquoi ?
- Disons seulement que maintenant, la gentille petite bande de Marchal s'arrange pour mettre en place du cyber-harcèlement alors s'il-te-plaît, évite de te faire du mal en y allant.
- C'est si grave que ça ? je l'interroge après un court silence.
- Ouais, t'as pas idée. Crois-moi, il ne vaut mieux pas que tu vois ça. Donc laisse l'ordinateur de travail de ton père de côté pour un petit moment. Ça me paraît plus sage.
- Ouais... Je vais faire ça. Merci de m'avoir prévenu Lila.
- De rien. Je passerai te voir après les cours si tu veux, d'ac' ?
- Ouais."
Et c'est sur ce dernier acquiescement qu'elle coupe la communication.
Pendant un instant, l'envie de me ruer sur l'ordinateur de mon père me traverse de part et d'autres. Et alors que j'amorce un pas, j'entends de nouveau la voix presque suppliante de Lila qui me demande de ne rien voir alors je bride l'espèce de curiosité morbide qui m'aimait quelques secondes auparavant.
Si elle m'a dit ça, c'est pour une bonne raison. Elle n'aurait jamais exagéré pour me faire peur. Ces conneries marquées sur Facebook doivent être vraiment énormes.
Finalement, j'ai réussi à éviter d'aller sur Facebook pendant tout le week-end grâce à toutes les heures que j'ai faite pour le patron et c'est l'esprit oscillant entre une véritable panique et un presque soulagement dû à mon ignorance que je me rends en cours lundi.
Pendant un instant, j'ai peur de descendre du bus. Et puis, finalement, je pose mes pieds sur le béton et j'avance jusqu'au lycée, les écouteurs de mon vieux MP3 enfoncés dans mes oreilles, en essayant de me faire remarquer le moins possible.
J'arrive à faire profil bas jusqu'à mon casier ce qui me permet de souffler un peu et je l'ouvre doucement. Et c'est là que quelque chose dégringole sur moi. Durant quelques millièmes de secondes je m'attends à recevoir quelque chose de dégueu, visqueux, collant *insérer ici tout autre adjectif se rapportant à quelque chose de rebutant* mais non. Non ce qui me tombe dessus c'est bien pire.
Des feuilles de papier. Des centaines de feuilles de papier. Les quelques rares personnes du couloirs sont soudain devenues un tas de monde grouillant et tous semblent regarder avec un grand intérêt le contenu de ces feuilles.
Je me penche alors doucement et j'en prélève une délicatement entre mon index et mon pouce, comme si elle allait m'exploser à la gueule, et je regarde ce qui est imprimé dessus. Et en l'espace de quelques centièmes de secondes, j'ai vraiment l'impression qu'une bombe explose devant moi.
Mon cœur loupe un battement, mes mains tremblent, ma respiration s'accélère. J'ai devant moi la fameuse et dévastatrice page Facebook.
Crève salope.
Quelle pauvre fille. Franchement, je viens d'arriver sur cette page et j'arrive toujours pas à comprendre pourquoi elle est encore en vie.
Vous croyez qu'elle a sucé combien de fois le prof pour sa note en histoire ?
Quelle mocheté.
Attends, pas tant que ça. Combien tu crois qu'elle prend pour 5 minutes ?
Il paraît qu'elle s'est tapée la punk dans les chiottes.
Pourquoi tu crèves pas ? Ça nous ferait tellement de bien à tous.
Connasse. La prochaine fois je te ferais bouffer toutes les ordures de la poubelle.
Tellement de gens attendent que tu crèves. Vas-y, lance toi. De toute façon tu ne manqueras à personne.
Sans m'en rendre compte j'ai glissé à terre. Un sanglot m'étreint la gorge et pendant un instant, j'ai l'impression de sombrer dans un océan noir. Et puis je tourne la tête et j'aperçois de nouveau toutes ces feuilles et tous ces gens en train de rire. Ils sont déjà en train de ramasser toutes ces horreurs et de s'éloigner en rigolant. Enfin je crois. Je n'arrive pas à les entendre ; un sifflement ténu a élu domicile dans mes oreilles.
Je halte pendant que les larmes me montent aux yeux.
Pourquoi ?! Comment les humains peuvent-ils cracher autant de haine ?
Et puis je croise le regard des autres boursiers ayant assisté à la scène ; leurs yeux expriment vaguement de la compassion mais surtout de la pitié et de la peur. Ils doivent avoir peur que ça leurs arrive aussi...
Aidez-moi, ai-je envie de les supplier un instant.
Mais rien n'arrive à sortir de ma gorge et pendant de longues secondes je ne peux que les regarder, impuissante.
Puis mon ouïe revient et j'ai presque envie de devenir sourde.
Chuchotements. Chuchotements. Chuchotements.
Tout tourne autour de moi et je ressens le besoin impératif de m'enfuir. Alors je ne m'en prive pas.
Je cours. Je cours aussi vite que je le peux.
Ne pas craquer. Ne pas craquer. Ne pas craquer.
Le mantra tourne dans ma tête pendant que je m'enferme dans les toilettes et que la boule d'oppression dans ma gorge est évacuée à grand renfort de vomissements dans la cuvette de porcelaine.
Ces gens sont à vomir. Ouais c'est ça ; je dégueule leur humanité inhumaine.
Des larmes sillonnent mes joues, un goût âcre a élu domicile dans ma bouche et j'aimerais ne plus jamais sortir de cette cabine étroite lorsque je me laisse glisser jusqu'au sol et que je m'appuie contre le mur, le carrelage rafraîchissant agréablement ma tempe.
N.d.a : Arhem. Pas taper ? Drapeau blanc ? Non ?
*Sort le bouclier anti-émeute au cas où.*
Ouais... Deux mois... Deux mois d'attente.
Je suis sincèrement désolée. Non vraiment. J'ai rien d'autre à dire.
J'espère juste que ce chapitre vous aura plu et qu'il ne vous aura pas déçu. >_<"
On arrive à un des passages les plus difficiles qu'il m'ait été donné d'écrire. Non sérieux. J'y arrivais pas dès que j'essayais de m'y mettre. Déjà parce que j'ai eu un long moment une page blanche pour compagne, ensuite parce que j'ai passé une semaine de concours blanc et qu'il a bien fallu que je révise et enfin - et surtout - parce qu'écrire ces horreurs sur une pseudo page était vraiment éprouvant. Non parce que c'est une chose qu'ils s'en prennent à Alix dans la "réalité" mais là... Imaginer que des inconnus lui disent ça... Non vraiment c'était désagréable à écrire. *Et sûrement à lire d'ailleurs.* Et rien que de penser que ce genre de choses existent réellement me fait froid dans le dos.
D'ailleurs c'est pour ça que je me suis forcée à écrire. Pour dénoncer ces espèces d'horreurs sur web.
Enfin bref.
Chose plus réjouissante maintenant : j'ai dépassé les 50000 vues. Très sincèrement, je ne sais toujours pas comment j'ai fais pour vous attirer. XD En tout cas merci à vous. ^^ Merci pour chacune de vos vues, de vos commentaires et de vos votes. Je vous aimes les gens. ❤ Et promis, j'essaierai de me dépêcher à l'avenir. >.<"
À la prochaine j'espère,
Latte
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