Chapitre 19

- ALIX -

Hier soir mon père est venu à l'hôpital. Il avait l'air complètement hagard mais pourtant, rien n'indiquait qu'il avait bu. Il s'est contenté de me fixer pendant une demi-heure sans ouvrir la bouche. Je ne savais même pas s'il me voyait moi ou ma mère... Un peu des deux probablement...
Et puis quand il s'est décidé à parler, il a simplement lâché :
" Je ne veux pas perdre une autre personne qui m'est chère. Donc, s'il-te-plaît, à l'avenir, fais attention. "
J'ignore encore à qui il s'adressait en disant ça. La seule chose que je sais, c'est que pour la première fois depuis longtemps, il n'avait pas l'air désespéré quand il m'a prit dans ses bras. Juste soulagé de me savoir en vie. Pour la première fois depuis mes dix ans, il avait l'air d'un père qui voulait protéger sa fille.
Sans que je m'en rende compte, une larme solitaire avait alors glissé le long de ma joue et était venue s'écraser sur son épaule. Car si demain sera un jour différent et que mon père redeviendra comme d'habitude, aujourd'hui, il a enfin réussi à surmonter quelques heures l'une de nos deux morts pour me dire qu'il s'inquiète et me serrer dans ses bras sans hurler à s'en détruire les cordes vocales. Ça ne signifie peut-être pas grand chose mais c'est déjà un début. Peut-être qu'un jour il arrivera à surmonter tout ça.
Lorsqu'il est partit, il ne s'est pas retourné vers moi, il ne m'a pas dit au revoir. Ça ne m'a pourtant pas empêché de lui faire un signe de la main avant de m'allonger dans une autre position pour chercher à m'endormir avant le dîner - J'espère sincèrement que ce qu'on dit sur la bouffe d'hôpital est faux et qu'elle reste mangeable d'ailleurs.

- GLENN -

Le lendemain matin, en me rendant en cours, je me fais soudainement happer à l'intérieur des toilettes pour filles alors que je marchais tranquillement. En un quart de secondes, une odeur de toilette - mais si, vous savez, les odeurs que dégagent tous les toilettes de bâtiments scolaires ; l'odeur infâme qui les caractérise si bien - de déodorant, de parfums en tout genre et de maquillage empli mes narines et me file la nausée. Je m'apprête à me retourner pour incendier la personne qui m'a entraîné dans cet enfer puant quand celle-ci me coupe :
"Pourquoi est-ce qu'Alix est à l'hôpital ?
Je reconnais sans peine la voix de Punkette et lorsqu'enfin elle me laisse me tourner face à elle je lui rétorque :
- Bonjour à toi aussi le malabar.
- Rép-
- Tututut. Si t'es pas jolie, sois au moins polie. (*) Ça ne coûte rien de répondre aux salutations des gens.
- Je t'emmerde Marchal. Je n'ai pas à être polie avec toi. Pas après ce que tu m'as fait.
- Je ne t'ai même pas touché.
- Tu sais très bien ce que je veux dire. Mais je ne suis pas là pour ça. Explique moi immédiatement ce qu'elle fait à l'hôpital.
- Ça ne te regarde pas à ce que je sache. Il me semble que vous ne traînez plus ensemble, non ?
- Et alors ? C'est pas parce qu'elle veut plus me voir que je n'ai pas le droit de m'inquièter pour elle.
- Voilà qui n'est pas très logique petit chewing-gum.
Elle semble blasée quand elle répond en ne faisant même pas attention à mon insulte :
- Écoute Marchal, j'ai le droit de me soucier des personnes que je veux. Et je suis sûre que ta logique est encore moins logique que la mienne. Après tout, tu t'amuses à harceler des gens comme moi qui ne t'ont rien fait à la base. Alors ce n'est certainement pas à toi de faire ce genre de commentaire. Maintenant peux-tu s'il-te-plaît répondre à ma question ?
Pour une fois, je ne trouve rien à répliquer à ça. Je me contente donc de la fixer longuement avant de lui expliquer :
- Elle est à l'hôpital parce qu'elle est tombée dans les escaliers. Et comme elle est restée inconsciente quelques instants, on l'a transporté là-bas pour vérifier qu'elle n'a pas de commotion cérébrale et la garder en observation cette nuit.
- Elle est tombée ? rétorque sarcastiquement le bonbon punk en croisant les bras au niveau de sa poitrine.
- Et bien oui pourquoi ? je mens effrontément.
- J'imagine que c'est la version officielle des choses et que tu ne voudras pas en démordre, hein ?
- Je ne vois pas de quoi tu parles.
- C'est ça, fais l'innocent, marmonne-t-elle. Quelque chose me dit que ça échappe à ton contrôle pas vrai ? reprend-elle plus fort. Je suis sûre que pour une fois tu n'y es pour rien dans sa chute. Sinon le troupeau de pouffes que j'ai croisé lorsque l'accident a probablement eu lieu n'aurait pas paru si effrayé et aurait probablement arrêté de répéter qu'elles étaient foutu à cause d'une malheureuse boursière qui leur a manqué de respect. Tu les a menacé, c'est ça ?
- Mais enfin qu'est-ce que tu racontes ? je continue en feignant l'innocence bien que je sois sincèrement étonné de voir à quel point sa réflexion peut être juste.
- Ah super, maintenant tu ne ressemble plus au chat potté mais à l'Âne en train de l'imiter.
- Je rêve ou tu viens vraiment de me comparer à cette sale bestiole dans Shreck ?!
- Oups, ça m'a échappé.
Je la pousse sans ménagement contre le mur et plaque mes mains de chaque côté de son visage. Puis je m'approche de son oreille et je lui murmure :
- Écoute moi bien espèce de pot de peinture rose ambulant. Si jamais tu t'avises de me manquer encore une fois de respect, ce n'est pas dans des escaliers que Garcia va tomber mais du dernier étage. Alors maintenant, tu fermes ta grande gueule et tu me laisses aller en cours bien gentimment.
Quand je m'éloigne, elle semble plus pâle et hoche distraitement la tête. Je m'en vais donc sans me retourner et sur le pas de la porte, je l'entends murmurer :
- C'est dingue à quel point les apparences peuvent être trompeuses."
Et je quitte les toilettes.

- ALIX -

Lorsque je me réveille vers midi, je constate que je vais beaucoup mieux qu'hier. Certes ma tête me fait mal mais c'est moins atroce que je ne l'aurais cru.
Vient ensuite une longue période d'ennui. En effet, je n'ai strictement rien à faire et je peux vous assurer qu'après un enchaînement question pour un champion et un truc qui semble être une parodie d'Amour gloire et beauté, vous n'avez qu'une envie, c'est de vous jeter par la fenêtre. Seulement, vous vous apercevez bien vite que cette dernière ne s'ouvre pas assez. Probablement à cause de toutes les personnes qui ont préféré sauter plutôt que continuer à regarder ces merdes.
Enfin vers 15h45, j'entends quelqu'un frapper à ma porte. Intérieurement, je prie n'importe quel dieu pour que ce soit un médecin pour qu'il m'autorise enfin à quitter cette chambre et à rentrer chez moi. Mais la personne qui se présente devant moi est, de loin, la dernière que j'aurais imaginé voir apparaître.
En effet, voir Lila face à moi, alors que nous ne nous parlons plus depuis que je lui ai joué mon pathétique mensonge, a de quoi me surprendre.
J'essaye de me créer un masque d'indifférence ou de colère mais ni l'une ni l'autre ne semble répondre à l'appel. À l'heure qu'il est, je dois simplement afficher une expression de surprise.
Sans que je l'y ai invité, Lila attrape une chaise et la pose près de moi pour s'y asseoir.
Nous nous fixons quelques instants avant que je ne lâche, d'un ton blasé :
"Qu'est-ce que tu me veux Lila ? Je n'ai pas été assez clair l'autre fois ?
- Ça suffit, arrête, murmure-t-elle. Tu m'as peut-être eu la dernière fois parce que je n'étais pas en état mais aujourd'hui, ça va mieux. Tu ne m'auras pas deux fois.
- Est-ce que j'ai l'air de jouer la comédie ? je me force à continuer. Je ne mentais pas Lila. Tout ça est de ta faute. Je n'aurais pas dû te défendre.
En un quart de seconde, une douleur explose contre ma joue. Je lève les yeux et l'aperçois, se tenant la main et les yeux pleins de larmes.
- J'ai dit : Ça suffit Alix. Je ne sais pas pourquoi tu fais ça mais là-dessus tu ne peux pas me mentir. Je te connais trop bien. Je sais parfaitement que tu ne regrettes pas de m'avoir aidé ; c'est dans ton caractère. Alors maintenant arrête de nous blesser toutes les deux en racontant de la merde."
C'est le moment. Si je veux définitivement clore notre amitié et la protéger, je dois ouvrir la bouche et continuer sur ma lancée. J'entrouvre mes lèvres, prête à laisser passer des mots que je regretterai sûrement toute ma vie quand un sanglot me coupe. Mes yeux se remplissent de larmes. J'ai mal à la joue mais j'ai encore plus mal dans la poitrine, au niveau du cœur.
Je ne veux pas lui faire de la peine. Je ne veux pas lui mentir pour la blesser même si c'est pour la protéger. Je veux qu'elle reste mon amie et qu'on rigole ensemble. J'ai besoin qu'elle me soutienne.
Mes larmes coulent toutes seules, mes joues en sont inondées.
Soudain, une douce chaleur et un parfum familier m'enveloppe. Lila m'a prise dans ses bras. Mes sanglots redoublent et des spasmes agitent mon corps pendant qu'elle me frotte doucement le dos. "Ça va aller, Lili, ça va aller. C'est fini maintenant. Tout va bien se passer." me murmure-t-elle en continue pour m'apaiser.
Ça me rappelle des souvenirs de quand nous étions enfants. Quand je m'écorchais les genoux sur l'asphalte ou que je perdais mes affaires. Elle était toujours là pour me consoler et me tapoter affectueusement la tête.
Et, comme autrefois, je me calme peu à peu et me décolle d'elle pour attraper le mouchoir qu'elle me tend et me débarrasser de la morve qui encombre mon nez. Oui, dit comme ça ce n'est absolument pas ragoûtant. Mais osez me dire que quand vous pleurez vous n'avez pas le nez qui coule. Osez.
Je dois ressembler à quelqu'un qui a mangé un sandwich à la harissa avec mes joues rouges et mes yeux qui brûlent.
Lila se rassoit et me tapote gentiment le bras avant de reprendre :
"Tu veux bien m'expliquer ce qui t'es arrivé Alix ?"
J'hésite à lui en parler. Ça pourrait faire plus de mal que de bien. Mais son regard confiant semble vouloir m'aider de tout coeur et moi, j'ai besoin de lui en parler. Je n'en peux plus. J'en ai assez de garder ça pour moi.
Alors, d'une toute petite voix pour commencer, je lui explique ce qui m'est arrivé depuis mardi dernier. Tout y passe. Que ce soit l'étrange contrat que j'ai passé avec Marchal au coup de l'escalier d'hier en passant par la tête de cochon et les insultes, je lui raconte absolument tout.
Lorsque je termine, j'essuie les quelques larmes qui traînent encore sur mes joues. Mes yeux sont secs désormais. Lila me reprend alors dans ses bras et me chuchote :
"Merci d'avoir voulu me protéger Alix. Mais ne refais plus jamais ça. Je suis peut-être fragile quand on m'attaque sur ma sexualité mais je sais me défendre toute seule comme une grande. Et même si Marchal me pourrit mon avenir, rien ne m'empêche de repartir à zéro, ok ? Il ne pourra pas m'empêcher de jouer dans des petites salles ou de participer à des concours à l'étranger. Happle est peut-être une société imposante mais elle ne peut pas tout contrôler. Et puis... Je suis sûre que Jude adorera voyager.
- Jude ? je demande.
- Ah oui c'est vrai. Je ne t'ai toujours pas dis son nom. Judith Colins. Ma petite amie.
Je souris franchement et je continue pendant qu'elle se rassoit :
- Tu ne m'as pas beaucoup parlé d'elle au final. Quand est-ce que je pourrais la rencontrer pour m'assurer qu'elle ne fera pas de mal à mon flamant rose préféré ? j'ajoute d'un ton maternalliste.
- Ah mais quand tu veux, môman."
Nous partons dans un grand fou rire et c'est en train de brailler que le médecin nous retrouve pour m'examiner et m'annoncer que je peux sortir ce soir.

(*) Je plaide coupable. Ceci est une réplique de Monstre & Cie que j'ai regardé il y a deux jours. Je me suis dit qu'elle irait très bien ici. XD

N.d.a : Ça y est ! Mes bacs blancs sont enfin finis. Seulement... Eh oui... Le bac est dans un mois. TwT *N'est absolument pas prête psychologiquement... Et au niveau de ses matières.*
Bref. D'après ce que j'ai pu lire en commentaires, vous préférez largement une histoire sur Lila. Alors je vous annonce que si j'arrive à finir Another Breath avec la conclusion que je souhaite, peut-être aurez-vous droit à une séquel avec Lila. Mais pour ça je dois terminer A.B. ... Il va falloir être patients. XD
Et au fait ! Merci beaucoup de m'avoir fait dépasser le stade des 5750 vues ! *-* - Peut-être un jour arriverai-je à dépasser les 10000. *w* -
À la prochaine tout le monde et bon courage à ceux qui commence leurs révisions pour leurs exams.
Latte

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