trois

04 juin 2023
Barcelone

ALESIA EST CONVIÉE au grand-prix de Barcelone, une nouvelle fois mais cette fois-ci par l'écurie Mercedes. Elle ne saurait dire les raisons exceptées que Lewis Hamilton lui éprouve un vif intérêt. Il est piqué par la curiosité quant à son ascension hollywoodienne.

Il est un homme de culture et Alesia n'est pas dérangée d'échanger avec lui, elle ne se force pas à le faire pour assouvir un quelconque besoin d'intérêt. Être vue à ses côtés serait une aubaine pour sa carrière, mais pour la première fois, ce n'est pas ce qu'elle recherche.

Peut-être qu'elle ressemble à cet homme plus qu'elle ne veuille bien l'admettre. Comme lui, elle est partie de rien. Elle n'est partie que de son prénom, vestige laissé par sa génitrice sur les papiers qu'un officier de l'état à compléter dans un hôpital parisien, où l'anonymat avait sa place.

Alesia ne parle pas souvent d'elle, de la petite fille qu'elle était. Une simple pupille de l'état français lorsqu'elle a été adoptée à l'âge de trois ans par cette riche famille américaine. Dans sa tête, elle a toujours habité Beverly Hills, ville aisée près de Los Angeles où toutes les célébrités sont rassemblées comme dans un nid de guêpes.

- Il a été ton producteur, n'est-ce pas ?

Le britannique tourne la tête dans sa direction, il cherche à croiser son regard derrière les verres opaques de ses lunettes de soleil. Elle reste impassible, seul son simple haussement d'épaules, montrant toute son indifférence à la  polémique actuelle, pourrait la traduire.

- J'ai partagé son plateau pendant trois ans pour le tournage d'une série qui est passée sur Disney Chanel, confirme-t-elle.

- Et...

- S'il m'avait fait quelque chose, je me serais déjà exprimée sur le sujet.

Alesia esquisse un sourire faussement gêné pour tenter de clôturer cette discussion au plus vite, comme sa mère lui a enseignée. Elle apprécie le britannique mais il faut dire que ses questions personnelles commencent à l'agacer, comme la polémique concernant Dean Kristen accusé d'agressions sexuelles sur de nombreuses actrices lors de tournages cinématographiques.

Les prénoms sont nombreux, une vingtaine d'actrices dont plusieurs ayant une renommée titanesque. Il s'agit de grandes figures du cinéma qui sont associées à cet homme et à ses gestes déplacés. Alesia en a presque la nausée rien que d'y penser. Elle se ressaisit en embrayant sur un tout autre sujet avant d'être interrompue par un regard bleuté qui attire son attention.

Elle s'arrête en plein milieu de sa phrase pour observer le jeune homme se tenant à quelques mètres d'elle. Il la détaille avec attention, un rictus étire ses lèvres et Alesia ne peut que soulever que sa casquette à l'envers lui donne un charme supplémentaire, elle s'excuse auprès de Lewis pour se diriger vers le français dont les bras sont croisés sur son torse.

- Il faut se détendre avant la course, soulève-t-elle.

- Qu'est-ce que t'y connais ?

- Lewis m'a tout expliquée, sauf peut-être la raison pour laquelle tu portes cette casquette à l'envers.

- C'est pour attirer les belles filles, souligne-t-il. Et est-ce que Lewis a su te dire qui étaient les pilotes Ferrari ?

- Je me suis renseignée pour les pilotes Alpine, murmure-t-elle en ne le quittant pas des yeux.

Pierre se fait prendre à son propre jeu, ce qui ne fait que renforcer son rictus. Il apprécie le caractère de la jeune femme et dire qu'elle lui plaît serait un euphémisme. Euphémisme qui n'est que renforcé depuis qu'ils ont passé deux nuits torrides ensembles.

- T'es disponible ce soir ? questionne-t-il en prenant son courage à demain.

- Pour un restaurant, oui.

Alesia est maligne, elle le mène en bateau sans qu'il ne se rende compte. Elle pourrait très bien proposée de le voir dans sa chambre d'hôtel pour quelque chose de plus charnel, mais elle veut être vue publiquement à ses côtés. Elle ne laisse rien au hasard, tout est calculé précautionneusement encore plus lorsqu'il s'agit de son image.

Il donne une heure, un lieu que s'empresse de noter Alesia mentalement. Le pilote est presque surpris qu'elle ne le note pas quelque part, pourtant il a cette conviction qu'elle n'oubliera pas. Elle n'est pas du genre à poser des lapins.

Et peut-être que si Pierre avait été un peu plus sur ses gardes, il aurait pris en compte les avertissements de Charles et Gabriella. Mais il est entêté, il ne veut pas les écouter. Il a déjà oublié les discussions du dernier grand-prix où ils lui ont dit qu'elle ne se trouvait pas sur un paddock de formule un par hasard.

Pierre aurait dû se méfier avant de tomber amoureux. Il aurait dû se méfier mais devant Alesia Willis personne ne peut résister.

Il suffit d'un sourire enjoleur, il suffit d'un contact tactile pour que tout parte en vrille et surtout, il suffit qu'elle mette le grappin sur quelqu'un pour ne plus jamais lâcher cette personne. Et Pierre est loin d'être libéré, ses sentiments ne font que s'accroître après ce restaurant. Il suffit d'un baiser sur sa joue pour qu'il se retrouve à sourire comme un adolescent face au premier amour.

Comme les fois précédentes, ils se retrouvent tous les deux dans une chambre d'hôtel. Leurs respirations erratiques s'entremêlent jusqu'à l'apothéose et deux semaines plus tard, Alesia se retrouve sur la cuvette des toilettes de son appartement de Los Angeles.

Le bâtonnet qu'elle tient entre ses doigts tremble. Elle manque de le faire tomber dans la cuvette sur laquelle elle est assise. Elle a les jambes écartées pour pouvoir déposer quelques gouttes d'urine sur ce test de grossesse.

Et comme chaque semaine, Alesia n'est pas à l'aise à l'idée de le faire.

Et comme chaque semaine, Alesia repense à cette nuit dans un hôpital parisien où elle a donné vie.

Et comme chaque semaine, Alesia redoute de faire ce test qui peut s'annoncer positif à tout moment, malgré ses efforts.

Elle se souvient des nombreuses infections qu'elle a développé en tentant de poser des stérilets. Elle se souvient de sa prise de poids phénoménale à chaque traitement hormonal, pilule ou implant. Elle se souvient de toutes les méthodes qu'elle a employées en vain.

Cette peur irrémédiable de tomber enceinte. Les sombres conséquences d'une hyperfertilité qu'elle ne peut contrôler mais tous les médecins continuent de crier lorsqu'elle vient avorter.

Ils n'avortent pas les petites putes comme elle.

Ils refusent la ligature des trompes sur une femme n'ayant jamais eu d'enfants.

Mais s'ils savaient.

comme vous l'avez compris, cette fiction parlera de l'hyperfertilité des femmes, sujet important <33

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