Chapitre 8 : Bill
-On va rester combien de jours encore ?
Nous sommes tous attablés autour de la table des Payne et nous dévorons un repas de famille. Liam et moi étions censés être en route à cette heure-ci mais Abby n’a jamais daigné démarrer. Liam hausse les épaules et soupire en appuyant son front contre la paume de sa main. Il n’a pas touché à son assiette de légumes.
-Je dirais deux ou trois jours.
-Mais je reprends bientôt le travail, Liam ! M’exclamé-je en fronçant les sourcils.
Il claque sa langue contre son palais et redresse son regard noir vers le mien.
-Je ne peux pas juste claquer des doigts, Louis. Tu dois être patient. Et si tu ne sais pas l’être alors retourne chez ton Harry, c’est compris ?
Il se relève et ses poings s’appuient contre la table. Il appuie tellement fort que j’ai peur que le bois craque. Ses dents sont serrées et je crois que je n’ai jamais vu Liam dans cet état là. Ses mots ont l’effet de me blesser un peu parce que le ton qu’il a employé ne correspond pas à sa nature douce. Sa mère tente de le calmer en posant une main sur son épaule. Les regards sont fixés sur cette tête rasée et le silence de mort est interrompu par une petite tête blonde qui s’immisce dans l’entrebâillement de la porte.
-Tout va bien, tonton Liam ? Demande Jimmy.
L’interpellé répond d’un bref hochement de tête alors que son corps est secoué de tremblements et il rejoint sa chambre sans rien dire. C’est à cet instant précis que je me rends compte que notre relation est en train de se déchirer. Nous ne communiquons plus et je ne pense pas qu’Harry soit le seul fautif. Liam s’énerve contre tout le monde et pour rien en plus. Je décide de m’excuser auprès de sa famille et de le rejoindre. Lorsque j’arrive devant la porte ébréchée, j’hésite à toquer mais ma main suit le geste sans une seconde pensée. Aucune réponse. Je prends, cependant, l’initiative d’ouvrir la porte et de m’incruster lentement dans la chambre. Mes pas sont muets contre la moquette mais le silence qui règne dans la chambre et interrompu par des pleurs. Ceux de Liam.
Je fronce les sourcils et je m’approche de lui jusqu’à lui faire face. Il est assis sur le rebord du lit, la tête entre les mains, dos à la porte de la chambre et il pleure toutes les larmes de son corps. Cette scène me fait déglutir et je sens des larmes s’agglutiner dans mes yeux. Je m’accroupis à sa hauteur et je glisse une main sur son épaule pour la serrer amicalement.
-Liam, qu’est ce qu’il se passe ? Ce n’est pas de la faute de mon rendez-vous avec Harry, n’est ce pas ?
Il secoue la tête mais je ne peux toujours pas voir son visage. Je prends délicatement ses mains dans les miennes et je les caresse doucement. Ses yeux sont baissés vers le sol et ses pleurs se calment peu à peu. Lorsqu’il retrouve une respiration régulière, son regard chocolaté s’ancre dans le mien et un frisson parcourt mon échine. Il me détaille, comme Harry le fait.
-Il se passe trop de choses en ce moment et je suis à bout… Entre cette fichue voiture, toi et Harry et…
-Et quoi, Liam ? Demandé-je avec gentillesse.
-J’ai revu un ami il y a peu de temps… Disons que c’est plus qu’un ami et ce depuis longtemps. Je le connais depuis la fac. Il habite dans un petit trou paumé pas loin d’ici et… On était dans la même fac à Londres mais il habitait tout près de chez moi. A Londres, on était… Très proches. Il est reparti avant la fin de l’année dans son village natale parce que ses parents n’avaient plus assez d’argent pour payer ses études. Mais on est restés en contact et… Et la nuit dernière, je suis allé lui rendre visite et… J’ai pas envie d’en parler, Louis. Je sais que tu as aussi beaucoup trop de choses à penser en ce moment… Et en plus de ça, je refuse qu’Harry te fasse du mal…
Je reste un peu choqué face à la déclaration de mon meilleur ami mais je reprends un peu de contenance lorsqu’il se jette dans mes bras.
-Je suis désolé de sans cesse te répéter de faire attention à Harry mais il a fait des choses dans le passé-
-Pourquoi tu ne veux pas me dire ce qu’il a fait ? Demandé-je en arquant un sourcil.
Il se détache de moi pour plonger son regard dans le mien.
-Mais il a eu ses périodes junky et il traînait avec des types des alentours, des gens qui ne pensaient qu’à boire et fumer, je te le dis. Il a la réputation d’un briseur de cœur et je sais qu’il va te faire du mal. Il cache juste bien son jeu. Mais si tu veux te lancer dans ce genre de truc avec lui, fait-le. Je veux juste que tu saches que tu t’éloigneras sûrement de lui après avoir entendu toute la vérité à son sujet. Mais je préfère qu’il te la dise lui-même.
Il se mordille la lèvre et sa main vient caresser ma joue avec tendresse. Je décide finalement d’acquiescer à ses dires et je le serre contre moi en chuchotant contre son oreille.
-J’attendrais le temps qu’il faudra pour qu’on puisse revenir à Londres. Harry n’est sûrement qu’une histoire de passage. Une fois que je serais rentré à l’appartement, je l’oublierai et il ne me blessera pas, je te le promets.
Je sais que je me mens à moi même. La vérité c’est que je suis tombé amoureux d’Harry. Du moins c’est ce que je crois. Je n’ai pas vraiment eu l’occasion d’expérimenter les relations amoureuses et je ne sais pas vraiment comment je suis censé me sentir. Si vous me parlez des papillons dans le ventre alors oui, je les ai ressentis ; j’ai même eu l’impression d’étouffer quand il me détaillait. Et la nuit dernière m’a fait ouvrir les yeux sur mes sentiments. Pourtant, je ne le connais quasiment pas. On a juste discuté pendant quelques secondes mais le reste de notre communication s’est faite à l’aide de nos corps.
Liam interrompt mes pensées lorsqu’il se redresse du lit.
-Je peux savoir son nom ? Demandé-je.
Sur le moment, il ne comprend pas de quoi je parle mais l’histoire qu’il vient de me conter lui revient à l’esprit.
-Il s’appelle Zayn. Zayn Malik.
Un sourire s’étire sur ses lèvres et je crois que je n’ai jamais vu Liam aussi heureux à l’idée de citer un seul nom. C’est comme si son monde entier s’éclairait et c’est très mignon à voir. Je me demande si moi aussi je réagis comme ça lorsque je parle d’Harry.
Je mets cette pensée de côté et Liam et moi rejoignons la salle à manger pour aider à débarrasser la table. Liam a enfin reprit son sourire et je dois avouer que je me sens mieux à l’idée que nos différents soient enfin réglés. Julia me chuchote un bref « merci » au creux de l’oreille et je lui fais un petit hochement de tête. Le père de Liam s’approche de moi et me demande si je désire aller faire un tour avec lui. Dire que la proposition me choque serait un euphémisme. Elle me fait ouvrir de grands yeux et je sens littéralement mon souffle se couper. Son père n’a jamais parlé depuis le début sauf quand c’était histoire de papoter bouquins et avec la bibliothèque que j’ai, j’ai pu passer des après midi entières à en parler. Je reprends rapidement mes esprits en hochant la tête.
-Oui, bien sûr ! M’exclamé-je.
Il m’offre un sourire ridé et je m’empresse d’enfiler une veste et mes chaussures. Lorsque nous sortons, un grand soleil brille dans le ciel et la neige commence à fondre. Elle était seulement de passage pour noël et ça m’attriste de retrouver le beau temps. Mais peut-être que ça facilitera aussi notre retour à Londres sur les petites routes. Nous entamons notre petite promenade dans le minuscule village de Kingsley. Sa voix est éraillée lorsqu’il prend la parole et je le regarde avec intérêt.
-Alors Louis, est ce que... Est-ce que Kingsley te plaît ? Me questionne-t-il timidement.
-Disons que c’est… petit. Je n’ai pas vraiment eu l’occasion de me promener aux alentours mais ne vous méprenez pas, j’adore être chez vous.
Il hoche la tête comme pour me stopper et je lui fais un petit sourire. Le silence s’installe entre nous et il s’avère être très gênant puisque lorsque je glisse un œil vers lui, j’ai l’impression qu’il s’apprête à parler mais il referme rapidement la bouche comme si de rien n’était. Je décide de briser ce calme oppressant.
-Est-ce que je peux vous demander quelque chose Bill ?
Il me fait un signe de tête pour que je continue et je mordille ma lèvre avant de reprendre la parole.
-Vous n’êtes pas vraiment bavard et vous passez votre temps à lire… Pourquoi ?
Il paraît déstabilisé et ses yeux font des allers et retour entre moi et le sol alors qu’il reprend sa marche, le dos légèrement courbé.
-J’ai commencé à beaucoup lire à la mort de ma mère, il y a peu de temps et j’ai tout de suite adoré m’évader. Vous qui lisez beaucoup, vous devez savoir ce que ça fait. Et bien ça m’a, en quelque sorte, aidé à sortir d’une petite dépression. J’ai lu encore et encore et c’est devenu comme une drogue. Je ne peux pas vivre un jour sans lire un livre. Et je sais que ça met en danger tous les liens que j’ai avec ma famille et mes amis mais ça m’aide à m’échapper.
Je ne sais pas vraiment comment réagir face à cette révélation mais je préfère me stopper en plein milieu de la route pour essayer de le sonder du regard. Il ne réagit pas et garde les yeux fixés sur la route. Quand il parle des livres, on a l’impression que c’est son tout et qu’il n’imagine pas son existence sans un bon livre. J’ai, moi aussi, eu ce genre de période à la mort de ma tante où je me suis complètement enfermé des autres. Même Liam en a été témoin et ce n’était vraiment pas beau à voir. Je ne sortais presque jamais et je passais mon temps à dormir ou pleurer dans mon lit. J’étais dans une sorte de dépression et Liam avait même insisté pour m’accompagner à l’hôpital. Mais je m’en suis sorti avec l’aide de mon meilleur ami. Il m’a forcé à sortir et à bouger mes fesses. Je n’ai pas commencé à lire à la mort d’Evelyn mais je sais qu’après ça, j’ai aussi eu tendance à me plonger dans les livres.
-Vous vous éloignez grâce aux livres. Vous avez trouvé le moyen de vous enfuir.
Il me fait un petit sourire et il acquiesce. Au fond, je crois que je le comprends. Les bouquins me font le même effet. Mais lui, ça l’a carrément sauvé d’une dépression. Je suis impressionné du courage dont il a fait preuve pour sortir de cette situation avec simplement l’aide de pages blanches recouvertes d’écritures.
Nous reprenons notre marche et je brise une nouvelle fois le silence imminent.
-Il faudrait peut-être que vous essayez de ralentir le rythme. Je veux dire, il vous reste tellement de chose à vivre Bill. Vous avez encore le temps d’être avec vos enfants, votre femme, de profiter de vos amis et de toute votre famille. Ne gâchez pas tout à cause des bouquins. Ralentissez le rythme, Bill. Vous ne savez pas ce qu’il peut vous arriver aujourd’hui ou demain. Sortez de votre bulle et allez prendre des vacances avec Julia au Mexique ou allez simplement vous promenez avec vos enfants dans Kingsley. Répétez-vous sans cesse qu’à un moment, tout sera terminé.
Je mordille ma lèvre violemment, presque à sang. Je l’ai déjà dit, réconforter, ce n’est pas mon fort. Mais j’ai le sentiment que je dois aider Bill. Je l’apprécie tellement. Je n’ai eu l’occasion de lui parler qu’à deux ou trois reprises mais c’était suffisant pour savoir que c’était un type bien. J’aimerais qu’il évite de gâcher ses journées de cette manière et qu’il profite de sa famille. Et au fond, si je lui donne ce genre de conseil, c’est peut-être parce que j’aurais apprécié que quelqu’un répète ça à mon foutu père. Maintenant, je sais que je ne le ferais jamais parce que je n’ai pas le cran de lui dire ça. Mais je sais qu’il reste encore plein de choses à vivre pour Bill.
* * *
De retour à la maison, Bill commence à s’installer sur le fauteuil mais je lui lance un regard noir. Il paraît intimidé mais il s’approche de sa femme qui est étonnée de sa proposition. En effet, il souhaite l’emmener dîner ce soir et je vois que Julia est enchantée. Je souris face à ce bonheur et je rejoins Liam dans la chambre. Lorsque je pousse la porte, je le vois plaquer un métis contre le mur et j’ouvre grand les yeux. En m’entendant, il se détache rapidement du basané et se racle la gorge.
-L-Louis…
J’entre et je referme la porte derrière moi avant de m’appuyer contre le mur. Le métis fronce les sourcils en plantant ses yeux noirs dans les miens. Il est vraiment pas mal. Il a une peau hâlée et je pense qu’il n’est pas originaire d’Angleterre. Il a des cheveux relevés et une barbe qui le rend incroyablement viril. Je ne sais pas vraiment comment réagir face à un pareil étalon.
-C’est… Voici Zayn…
-Je sors pour une promenade et te voilà déjà avec un type dans ta chambre ?
Un petit rire m’échappe et Liam devient rouge pivoine.
-Désolé… Chuchote-t-il.
-Je blague. Enfin bref, enchanté Zayn. Je suis Louis.
Je m’approche pour lui serrer la main et il m’offre un sourire. Ses dents sont blanches et parfaitement alignées. Je remarque aussi qu’il porte un débardeur et que cela permet à tout le monde de découvrir chacun de ses tatouages. Et il en a énormément, croyez moi. Je le sens m’observer mais lorsque je relève la tête, il se colle à Liam et embrasse sa tempe.
-Je ferais mieux de partir. Je reviens bientôt.
Le basané me fait un signe de tête et sort de la chambre. Quant à moi, je croise les bras sur mon petit torse en arquant un sourcil.
-Je croyais que ça allait mal entre vous après la crise de larmes que tu m’as faite dans la chambre tout à l’heure.
-Oui… En fait on n’est pas vraiment ensemble hein… Disons que c’est purement sexuel mais je crois qu’il a un copain de toute façon… Alors je pense que ça marchera pas entre nous donc ne te fais pas trop d’idée Tomlinson.
-Alors moi j’aurais le droit à l’interrogatoire et pas toi ?
Il se met à rire et il vient doucement tapoter ma joue.
-Sauf que Zayn n’a pas de mauvais antécédents dans sa vie.
-T’as consulté ses fichiers sur Internet ? Il a peut-être un casier. Il est peut-être même pire qu’Harry. Oh et je sais, c’est un tueur en série qui t’appâtera chez lui avec des bonbons et qui te violera avant de te bruler et de te jeter dans un fleuve. Tu ne connais sûrement pas toute sa vie ! M’exclamé-je fièrement.
-Sauf que je connais celle d’Harry.
Il me lance un clin d’œil et je lui tire la langue comme un enfant avant d’ajouter.
-Et puis je croyais qu’on devait éviter de parler d’Harry !
Il s’éloigne dans le couloir en continuant de pouffer de rire et je secoue la tête avant de saisir mon téléphone sur la table de chevet. Je le déverrouille et j’ouvre le message d’Anonyme.
« De Anonyme : J’aurais pensé que tu me répondrais. Tu es toujours sur Kingsley ? »
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top