Mon dos percuta la porte à l'arrière, ma main déjà posée sur la poignée, prête à m'enfuir. Mais je retins le mouvement.

Grindelwald est mon père.

Impossible. Je ne pouvais pas y croire. J'étais prête à tout entendre, prête à tout traverser pour connaître la vérité. Mais je n'étais pas prête pour ça.

Grindelwald est mon père.

Non, il mentait. Il se jouait de moi, m'entourloupait pour mieux me contrôler. Peut-être même cherchait-il à éveiller mon empathie pour se libérer.

Grindelwald est mon père.

Je refusai d'y croire ! Comment pouvais-je être sa fille ?! Les tremblements m'assaillirent, tandis que Gellert poursuivit :

-Ta mère se nommait Zerya Lestrange. Ce doit être la sœur de Corvus Lestrange, il me semble... enfin donc. Nous nous sommes rencontrés en France, il y a de très nombreuses années. C'était à l'époque où j'entreprenai mon voyage à travers le monde pour accumuler plus de connaissances. Zerya était une sorcière puissante, très puissante. Nous avions eu une relation majoritairement sexuelle. Et là ! Le pire est arrivé. Elle est tombée enceinte. Nous étions dans un beau pétrin. Sept mois plus tatd, tu naissais, un 29 février. Prématurée. Les cheveux blancs. Tu ne pleurais pas. Et Zerya, le lendemain matin, elle avait disparu. Envolée. Encore pire ! J'ai dû m'occuper de toi quelques semaines. C'était affreusement terrifiant, de voir un bébé d'à peine quelques semaines vous fixer sans ciller. Effrayant parce que tu n'as jamais pleuré. J'ai alors pensé au seul ami que je n'avais jamais eu.

-Dumbledore, murmurai-je, comprenant soudainement.

-Notre cher Albus. Il y a tant que tu ne sais pas, Shaara... enfin donc. Je t'ai apportée à Albus, à vrai dire je voulais me débarasser de toi alors j'ai inventé un beau mensonge. J'ai dit que je regrettai ce que j'avais dit à Albus, ce qui c'était passé et que je voulais me faire pardonner. J'ai donc officiellement nommé Albus Dumbledore ton parrain ! Le lendemain, bien sûr, j'avais disparu.

Il se tut et se râcla la gorge, un sourire toujours aussi mauvais accroché aux lèvres. Je fronçai les sourcils ; c'était impossible. Quelque chose clochait.

-Mais... j'ai seulement seize ans. Quelque chose ne va pas.

Il arqua un sourcil :

-C'est vrai. Mais la suite, c'est à Albus qu'il faut la demander. Je ne t'ai jamais revue après ça.

Mon cœur se serra, tandis que je parvenai, tant bien que mal, à digérer toutes ces informations. Alors c'était vrai. Grindelwald est mon père.

***

La tête posée sur mes genoux, mes bras entourant mes jambes, je regardai les feuilles mortes voler au gré du vent. Portées par la brise et entraînées dans une danse folle, elle semblaient si heureuses. Si libres.

Dumbledore et moi étions assis sur le rebord d'un trottoir depuis maintenant quelques minutes. Ni lui ni moi n'avions pris la parole. Je n'osai pas poser la question. De peur de savoir. Ainsi étais-je née anormale. Sans aucune autre explication. Seulement le fruit de deux puissants sorciers.

-Tu voulais me poser une question, il me semble, souffla Dumbledore en tournant dans ma direction un regard attendri.

-Grindelwald s'est arrêté au moment où il me déposait chez vous, où il vous disait que j'étais votre filleule. Mais ça n'a pas de logique. Vous et Grindelwald êtes trop vieux pour que tout ça soit vrai. Je n'ai que seize ans.

Le vieil homme lâcha un soupire. Jamais il ne m'avait paru aussi vieux qu'à cet instant.

-J'ai triché, Zelda. Elle est là la vérité. Tu as grandi chez moi, je t'ai élevée comme ma propre fille. Il y a tant que je regrettai, des choses que je prenais pour ma responsabilité. Ma sœur... mon frère...

Il secoua la main, comme pour revenir à son récit :

-Mais tu es devenue très puissante. Une jeune femme à la magie hors du commun. Grindelwald s'est mis à ta recherche. Il te voulait pour sa terrible entreprise d'assouvir les moldus. Et il a réussi. Quand tu as découvert que toutes ces annés je t'avais menti, tu es partie avec lui. Je savais ce que cela entraînerait. La fin. Il aurait gagné. J'ai donc... j'ai utilisé un Retourneur de Temps. Je suis remonté au moment où Grindelwald te livrait à moi. C'était une entreprise dangereuse, très dangereuse. Ensuite, j'ai voyagé dans le Temps avec toi. Je t'ai amenée ici. Après la défaite de Grindelwald. Sur le palier de Goeth, en Australie. Et je suis reparti.

Je clignai des yeux a plusieurs reprises, le cœur en miettes. Je n'étais donc même pas à ma bonne époque. J'étais le jouet d'une entreprise qui me dépassait largement.

-À présent, Voldemort te cherche, souffla le directeur, les dents serrées.

-Qui ? questionnai-je sans même prêter attention à la réponse.

-Un autre puissant mage noir. Il veut contrôler le monde des sorciers et te veut dans ses rangs de Mangemorts.

Je me pinçai les lèvres, les mains serrées. Je n'en avais que faire de ce Voldemort, à vrai dire. Mes pensées restaient fixées sur Grindelwald. Zerya Lestrange. Mes parents. Ma famille déchirée.

Et soudain, sur ma joue glacée par le froid glissa une larme.