Lorsque je montai à la salle commune le lendemain matin, mes yeux soutenaient de lourdes poches violettes que je peinais à traîner derrière moi. J'étais épuisée ; comment pourrais-je faire quoi que ce soit en cours ?

Arrivée en haut, j'aperçus Severus qui m'attendait sur l'accoudoir d'un canapé vert.

-Eh bien, tu ne t'es pas pressée, railla-t-il.

Je clignai des yeux, peinant à les garder ouverts :

-Sans blague...

Il arqua un sourcil :

-T'es restée debout toute la nuit ou quoi ?

-Pratiquement...

Il plissa les yeux et nous montâmes jusqu'au couloir, dans lequel nous marchâmes en silence. Je perçus soudain la colère intérieure de Severus ; était-il offusqué de mon silence sur ce qui m'avait gardée éveillée cette nuit ?

Je lâchai un soupire :

-J'étais avec Sirius.

Il se stoppa net :

-Tu es sérieuse ?

-Quoi, j'avais pas ton autorisation ? m'agaçai-je, exaspérée par son ton.

Ses traits se déformèrent sous le coup ; offusqué et rageux, il rétorqua :

-Tu le laisses te manipuler comme il le fait avec les autres filles ?!

-Tu n'es pas mon père ! m'emportai-je en m'avançant vers lui, pointant un doigt accusateur sur son torse. Et je te signale, monsieur je-sais-tout, que la brune avec qui on la vu était Jelly Park, une amie de Lily !

-ET TU M'EXPLIQUES COMMENT J'ÉTAIS CENSÉ LE SAVOIR ?! hurla-t-il, son teint se colorant d'un rouge cramoisi.

-BEN JE SAIS PAS, T'AS QU'À RÉFLÉCHIR AVANT DE POSER LA QUESTION !

Je serrai les poings, la mâchoire crispée ; mais pour qui se prenait-il ?!

-Ouais ben excuse moi de m'inquiéter pour toi ! cria-t-il, le regard haineux. Mais je vois qu'on a pas tous le même sens des priorités, ici !

-On est d'accord ! approuvai-je, la voix claquant comme un fouet. Si t'es jaloux parce que moi au moins quelqu'un m'aime, et bien tant pis pour toi !

Il recula sous le coup, profondément touché ; mais alors qu'il me bousculait d'un coup sec d'épaule pour quitter le couloir, je l'entendis murmurer :

-Va te faire foutre...

Je restais quant à moi plantée là, anéantie. Je venais de gâcher ma seule amitié en quelques secondes. Je venais de briser, blesser mon seul ami. Je n'aurais jamais dû lui dire ça. J'étais allée bien trop loin.

Je tombai assise, appuyée contre le mur ; et soudain, secouée de soubresauts, je crus que la larme allait se verser. Mais rien ne vint.

J'avais envie de briser les vitraux, faire exploser ces dalles de pierres froides, abattre les murs qui m'entouraient à la force de mes poings ; la colère inonda alors mes veines avec force. pourquoi devais-je toujours tout gâcher ?! Pourquoi n'étais-je pas capable de verser la moindre larme, d'étirer le moindre sourire ?

Je me relevai et, autant furieuse contre moi même que contre Severus, quittai le couloir pour détaler hors de l'école.