Chapitre 4

Nous étions toujours au cybercafé. Je digérais encore la nouvelle. Zoé, qui était depuis longtemps ma meilleure amie, est en fait ma sœur. C'est une nouvelle qui me réjouissait et qui me faisait peur à la fois. Pourquoi peur ? Parce qu'il se pourrait que je sois à présent en danger et qu'elle soit complice de son horrible tante. Bien sûr, je la connaissais depuis longtemps et je ne pensais pas qu'elle puisse l'être. Mais qui sait. Mon père, en face de moi attendait une quelconque réaction de ma part. Je me décidai à lui poser d'autres questions :

- Si les résultats sont négatifs, cela voudrait dire qu'Isabelle ne voulait pas que tu me retrouve n'est-ce pas ?

- En effet.

L'on commençait à sentir l'angoisse dans ma voix.

- Elle voudra me faire du mal pour t'atteindre, c'est sûr. Maintenant que j'y pense, Zoé m'a toujours dit qu'elle n'aime pas contrarier sa tante parce qu'elle est particulièrement rancunière.

- Ne t'inquiètes pas.

- Bien sûr que si je m'inquiète. Elle t'en veut encore. Et elle voudra n'en faire qu'une bouchée de toi. En passant par ceux qui te sont chers. D'ailleurs elle l'a sûrement fait avec maman.

- Calme toi Anny. Rien ne prouve qu'elle a éliminé ta mère.

- Où est-elle alors ?

- Je te l'ai dit. Je ne sais pas. Quant à toi, fait très attention à qui tu parles au lycée, à la maison et même dans la rue.

- Et Zoé ?

- Demande lui ce que tu voudras mais sans éveiller les soupçons, ni chez elle, ni chez son père.

- D'accord

- Je dois te laisser. J'ai un rendez-vous important. Sois très prudente.

- D'accord

Il se leva.

- Papa !

- Oui ma chérie ?

- Merci de m'avoir raconté.

- Je t'en prie. On se voit plus tard.

Il paya l'addition et s'en alla. Je mis ma tête sur la table et essayais d'assimiler tout ce qui venait d'être dit. Quelques minutes plus tard, j'envoyai un texto à Zoé lui disant de me retrouver chez moi. Je sortis ensuite du cybercafé. Aussitôt, une voiture noire aux vitres arrières teintées attira mon attention.

«Ne devient pas parano Anny, reste calme. Ce n'est qu'une voiture après tout. Une voiture parmi tant d'autres» me disais je en essayant de me rassurer.

Mais j'imaginais déjà la scène : deux ou trois hommes en costume noire qui m'embarquaient de force dans cette voiture puis une fois à l'intérieur m'injectaient une de ses substances qui font perdre connaissance. Ou peut-être me l'injecteront-ils pour pouvoir m'embarquer plus facilement. Le départ de la voiture me sortit de la scène. J'étais soulagée. Je me disais «fausse alerte. Ma mort ne sera pas pour aujourd'hui.»

Une fois rentrée, je conduis Zoé jusqu'à mon endroit secret, à la cascade. Il était seize heures. Nous nous assîmes sur le gazon verdâtre.

- Tu es sûre que ça va ? (Me demande Zoé)

- Oui. Pourquoi ?

- Tu n'arrêtais pas de marcher en regardant derrière comme si tu vérifiais si quelqu'un te suivait.

- C'est en quelque sorte ça. J'aimerais te poser quelques questions.

- Vas-y

Je ne savais pas comment démarrer mon interrogatoire mais je me souviens d'une seule chose à ce moment là :

«Demande lui ce que tu voudras mais sans éveiller les soupçons ni chez elle, ni chez son père.»

- Et puis non. Finalement, je n'ai rien à te demander.

- Tu es bizarre ce soir. C'est à cause des tests n'est-ce pas ? Ton père n'est pas ton père.

- Si, il l'est.

- D'accord.

Je me tus une seconde avant de commencer un discours sorti de nulle part :

- Je me souviens encore du jour où tu as voulu que tes parents m'adoptent.

- Oui. Ils avaient accepté. Mais toi, tu as refusé. Je me demande toujours pourquoi.

- J'avais peur que ta famille finisse par me rejeter.

- Et pourquoi le ferait-elle ?

- Je n'en sais rien. Je me suis dit qu'ils t'aimeront toujours plus que moi. Qu'ils feront toujours une différence entre leur véritable enfant et un enfant adopté. Je pensais te l'avoir dit.

- Non. Ce jour là tu avais fugué de ta troisième famille d'accueil. Cela t'était sûrement sorti de la tête.

- Au fait, tu ne me l'as jamais dit.

- Quoi donc ?

- À chaque fois que je changeais de famille d'accueil et de villes, tu faisais tout pour me retrouver. Pourquoi ?

- Parce que je me suis attachée à toi. Maëlle ne trouvait pas beaucoup de temps pour moi et Alex encore moins. Je me sentais seule parfois jusqu'à ce que tu n'arrives. Tu es comme une sœur pour moi.

- C'est vrai ?

- Oui

- C'est gentil. Merci.

- Tu n'as pas à me remercier.

- J'imagine que nous soyons réellement sœurs, dans l'ordre naturel des choses. Ce serait génial, n'est-ce pas ?

- Oui. Malheureusement ce n'est pas le cas.

Zoé était ma meilleure amie. J'avais bien envie de tout lui raconter mais je ne pouvais pas. Jusque là je n'avais éveillé aucun soupçon. Et elle n'avait pas l'air d'être au courant. Maintenant je devais obtenir des informations sur son oncle et sur sa tante.

- Anny.

- Oui ?

- Ton père t'as t-il révélé d'autres membres de ta famille ?

- Non. Il m'a juste dit qu'il a coupé tout contact avec ma mère avant mon abandon.

- Et est-ce qu'il t'a finalement raconté l'histoire de ton abandon ?

Là, je restai silencieuse. J'ai l'impression qu'elle a senti quelque chose.

- Anny, regarde moi.

Je la regardai droit dans les yeux. Quelques secondes plus tard, elle détourna le regard et me dit :

- Il y a quelque chose que tu voudrais me dire mais tu tournes autour du pot.

Je me doutais bien qu'elle comprendrait. Zoé est très perspicace.

- Oui il m'a raconté l'histoire et ta... Ton oncle y est impliqué.

- Mon oncle !

- Oui, ton oncle. D'ailleurs que peux-tu me dire à son sujet ?

- Eh bien mon oncle, d'après mon père, était un homme respectable. Enfin, tout le monde le croyait honnête jusqu'à ce qu'il soit tué lors d'une fusillade avec la police. C'est après que l'on a su qu'il trempait dans du trafic de drogue. C'est tout ce que je sais.

- Je vois.

- Je suppose que c'est mon oncle qui a occasionné ton abandon.

- En quelque sorte oui.

- Alors j'en suis désolée.

- Tu n'as pas à l'être. Rien de tout ça n'est de ta faute.

- Merci. Maintenant avoue

- Avouer quoi ?

- Nous sommes sœurs n'est-ce pas ?

- Quoi !!!

- N'essaye même pas de me mentir.

- Mais comment l'as-tu su ?

- Ce n'était pas difficile de le deviner. Je me souviens quand tu as voulu que tes parents m'adoptent. J'imagine que nous soyons sœurs dans l'ordre naturel. (En m'imitant)

Je souris un moment avant de lui répondre :

- Nous sommes demi sœurs.

- C'est une bonne et une mauvaise nouvelle à la fois.

- Pour...

Je venais de m'en rendre compte. Nous étions demi sœurs du côté maternel. Et la mère de Zoé était morte. Ce qui voudrait dire que la mienne aussi. Je commençais à avoir les larmes aux yeux. Mais je les essuyai rapidement car je venais de me rappeler de quelque chose :

- Non pas forcément. Il se peut que notre mère soit encore vivante.

- Qu'elle soit vivante voudrait dire que la femme de mon père n'est pas ma véritable mère.

- C'est possible.

Je réfléchis un moment avant d'ajouter :

- En fait, c'est le cas.

- C'est-à-dire ?

- D'après ce que mon père m'a raconté, Paul et sa femme ne sont pas tes véritables parents. Ton oncle serait en fait ton père.

Bizarrement elle ne semblait pas si étonnée que ça, ce qui voudrait dire que :

- Tu le savais !

- Excuse moi Anny. Mais je ne voulais pas t'embêter avec cela. Tu avais tes propres problèmes.

- Que savais-tu exactement ?

- Que j'avais été adoptée et ce que je t'ai dit sur mon oncle. Tout le reste m'était inconnu.

- Et n'as-tu jamais cherché à revoir notre mère ?

- Mon père m'a dit qu'elle se trouvait avec mon oncle au moment de la fusillade.

Nous restions silencieuses un moment pendant que j'échafaudais un plan dans ma tête.

- Zoé, nous devons retrouver notre mère.

- Comment ?

- Commençons par retrouver où est enterré ton géniteur. Ensuite nous verrons s'il y a quelqu'un qui vient lui apporter des fleurs.

- Et nous interrogerons cette personne. C'est une bonne idée. Je demanderai à mon père.

- Mais sans attirer les soupçons.

- Pourquoi ? Mon père est quelqu'un de confiance. Il ne me trahirait jamais.

- Qui sait ? Zoé, cette mission doit rester entre nous. Peut-être mettrons nous la tête crapaud dans la confidence.

- Comme tu voudras. Mais nous commencerons dans un mois ou deux.

- Pourquoi ?

- Les examens de fin d'année approchent.

- Ah oui c'est vrai. J'avais complètement oublié (en me frappant la tête). Très bien dans deux mois alors.

- Voilà qui est mieux.

Nous restions encore là pendant une trentaine de minutes avant que chacune ne rentre. Zoé réussit à obtenir l'endroit où était enterré cet ignoble individu qu'est son véritable père. Il s'agissait d'un cimetière situé dans un autre pays. Zoé et moi nous sommes mises d'accord pour faire l'université là-bas afin de mettre à exécution notre plan.

                          **************
Le lendemain sept heures trente huit. Comme à l'accoutumée, je croisai Véronica accompagnée de ses sbires devant mon casier. Zoé était avec moi mais je lui fis signe de ne pas intervenir.

- On voit de plus en plus de mouches dans le lycée. Vous ne trouvez pas ? (En s'adressant à l'une de ses sbires). En voilà une juste devant nous. (En me regardant)

- Très drôle Véro. Que me vaut le déshonneur de ta visite ? (Lui dis-je)

- Est-ce que je suis la seule à constater ton lien avec le proviseur ?

- Je ne vois pas de quoi tu parles.

- Tu es aveugle, ma parole ! Ici, on accepte pas les dévergondées dans ton genre. Si ton objectif est de réussir ton année en écartant tes...

Je lui donnai une énorme claque avant qu'elle n'achève sa phrase.

- Ne t'avise plus jamais de prononcer ces mots. Espèce de pimbêche !

Je m'en allai en lui disant :

- Regarde toi dans un miroir de la tête aux pieds et tu verras qui c'est la dévergondée.

En salle de classe, Zoé était à côté de moi.

- Non mais pour qui elle se prends cette...

- On se calme Anny.

- Oui (en soupirant). Concentrons nous plutôt sur le cours de ce matin.

La sonnerie de huit heures retentit. Le professeur d'histoire géographie entra dans la salle et nous le saluons en nous levant.

- Bonjour asseyez-vous

Plus tard

- Aujourd'hui nous parlerons du rôle des États-Unis d'Amérique dans la création de l'ONU. Veuillez être attentifs s'il vous plait.

Il mit une clé USB dans son ordinateur histoire de faire quelques projections. Mais à ma grande surprise, la première image qui apparût sur le tableau blanc qui servait d'écran était le proviseur et moi dans sa voiture. Apparemment le professeur ne s'en était pas rendu compte. Ce fut à l'enclenchement de la vidéo qu'il se retourna l'air perplexe. Cette vidéo où le proviseur me faisait une bise sur la joue en me disant :

"je t'aime ma puce. J'espère qu'après cela, tes notes s'amélioreront"

Et moi je lui répondais :

"Et toi j'espère que tu feras ce que tu m'as promis".

Tous me regardaient. Tous. Véronica se leva et fit taire les chuchotements. Elle vint me dire ensuite à l'oreille «pute».

(À suivre)

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