Père


La petite fille lisait, la tête posée sur les genoux de sa mère. Aucun bruit ne pouvait perturber ce moment mère-fille, toutes les deux plongées dans leur lecture, on ne pouvait entendre que le bruissement du papier et l'horloge se trouvant de l'autre côté de la pièce. L'une lisait un roman d'aventure passionnant sur une héroïne qui vivait seule sur une île et l'autre une encyclopédie sur les différents types de cultures du sud.

-Tu ferais mieux d'aller te préparer, ton père ne va pas tarder à arriver. Il sera surpris de voir comme tu as grandi depuis la dernière fois.

Le ton de sa mère sortit Annika de sa transe littéraire. Elle referma doucement son livre, déçue de devoir s'arrêter : l'héroïne courageuse venait de retrouver d'autres personnes sur son île.

Elle alla dans sa chambre où des vêtements étaient soigneusement disposés sur son lit, des collants noirs opaques, des ballerines vernies ainsi qu'une robe dont sa mère était la créatrice, faite d'un tissu épais et pourpre qui descendait juste en dessous du genou. Sur le bas de la manche gauche, figuraient ses initiales brodées d'un fil doré. La première fois qu'elle avait porté cette robe, la broderie lui irritait tellement la peau qu'Annika avait fini la soirée avec le poignet en sang à force de s'être gratter. Sa mère avait donc repris le vêtement pour faire une doublure au niveau des lettres. Malgré cela, la petite fille ne pouvait s'empêcher d'appréhender à chaque fois qu'elle portait la dite robe. Mais son père l'aimait tellement qu'elle la mettait à chaque fois qu'il rentrait à la maison. Elle l'enfila tout en vérifiant que le tissu protégeait toujours son bras. Elle se regarda dans la glace et comprit de manière flagrante ce que venait de dire sa mère quelques instants plus tôt. Le tissu de ses manches remontait au dessus de ses poignets et le bas de la robe lui arrivait au dessus du genou. Sa mère allait devoir lui en refaire une. En effet, dès que la robe devenait trop petite, elle était refaite à l'identique mais adaptée à la croissance de la petite fille, un genre de tradition à laquelle on ne pouvait pas échapper dans le nord. Toutes possédaient la robe avec leurs initiales, une robe qui grandissait avec les jeunes demoiselles jusqu'à leurs 16 ans. Pour les hommes, c'était un veston avec, comme pour les filles, leurs initiales sur la manche gauche.

Annika détestait les robes, on ne pouvait pas jouer aux aventurières avec. À chaque fois que ses cousins venaient, elle les enviait de pouvoir courir partout sans avoir à tenir de jupe, sans avoir à faire attention où ils s'asseyaient de peur d'effilocher leurs collants.

Elle s'apprêtait à sortir quand la porte de sa chambre s'ouvrit, laissant apparaître la tête de Steffen, le majordome de la maison des Mayer depuis de nombreuses années. Le vieil homme de 60 ans travaillait déjà pour ses parents lorsqu'elle était née. Tout le monde dans cette demeure lui faisait confiance. Sa gentillesse faisait de lui une personne qu'on ne pouvait point détester à part si nous avions le même caractère que Madame Simon, la grosse cuisinière qui ne laissait personne toucher à ses fourneaux. Annika l'aimait tout de même, sa mère lui avait appris à toujours voir du bon en toute personne de son entourage. Madame Simon faisait peut-être peur lorsqu'on s'approchait de sa cuisine, mais ses tartelettes aux pommes étaient juste exquises.

-Votre père est arrivé mademoiselle, vous devriez aller au petit salon tout de suite si vous ne voulez pas vous faire réprimander, conseilla le majordome avec un sourire bienveillant.

La petite hocha la tête et courut, dévalant les escaliers avec le bas de sa robe dans les mains. Lorsqu'elle arriva dans la pièce, ses parents discutaient entre eux mais s'arrêtèrent quand ils la virent tellement la petite fille criait de joie. Annika sauta dans les bras de son père remplie de bonheur. Cela faisait 8 mois qu'il n'était pas rentré à la maison.

-Ma fille ! Comme tu m'a manquée ! Ta mère ne m'a pas menti, tu as beaucoup grandi, on dirait presque une dame.

Un rire échappa à Annika, elle adorait quand son père la prenait pour une adulte.

-Oui la robe est trop courte maintenant. S'il faut, la prochaine fois que tu reviendras, j'aurai dépassé maman !

-Il n'y aura pas de prochaine fois ma fille, je reste cette fois, nous avons beaucoup discuté avec ta mère et quelques petites choses vont changer désormais, mais allons manger tout d'abord, nous en parlerons plus tard.

La famille se dirigea vers la salle à manger. Pendant les minutes qui s'écoulèrent pour y aller, Annika détailla son père de la tête aux pieds. Elle était tellement heureuse de le revoir.

Madame Simon s'était surpassée pour le retour de son père, comme à chaque fois. Pendant tout le repas, ses parents parlèrent de politique. Annika essaya d'écouter les cinq premières minutes mais se lassa rapidement n'y comprenant pas grand chose. Elle se contenta alors de manger son assiette et de laisser son esprit divaguer, tantôt imaginant le destin de son héroïne, ou encore ce qu'elle ferait quand elle deviendrait plus grande. Elle fut sortie de ses rêveries lorsque ses parents commencèrent à se disputer. Au début ils ne faisaient qu'hausser la voix, cela se transforma rapidement en cris. Annika les regardait tour à tour sans savoir ce qu'elle devait faire. Elle se sentie réconfortée lorsque que Steffen posa sa main sur son épaule pour la prier de laisser ses parents seuls. Elle le suivit mais continua d'écouter les cris qui émanaient de la salle à manger. Le majordome l'emmena dans sa chambre, des questions brûlaient les lèvres de l'enfant :

-Steffen, de quoi parlent-ils ? Vous étiez à coté, vous pouvez surement m'expliquer ?

-Ce n'est pas à moi de vous parler de tout cela mademoiselle. Couchez vous, vous devez vraiment être fatiguée.

Steffen partit sans un mot de plus et ferma la porte derrière lui. Annika s'endormit rapidement malgré ses parents qui continuaient à crier en bas.

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