Chapitre 6 ~ Nouvel Espoir

Première partie : Dehors
Chapitre 6 : Nouvel Espoir

Le silence est pesant, moi je ne bouge pas, les genoux contre ma poitrine, adossée contre le mur, sous la fenêtre. Je n'ose plus regarder dehors, ni même bouger la tête. Mes yeux restent fixes et mes larmes ont séché. Je suis tout simplement seule dans une maison que je ne connais pas, perdue dans un lieu que je ne connais pas, dans un monde que je ne connais pas...

Au fond, je suis ignorante.

Je m'en rends compte, après ce que j'ai vu, je sais dorénavant que ce monde n'a rien du conte de fées que j'avais pu m'imaginer durant toutes ces années. Je tombe de haut en découvrant l'enfer qui m'attend. Je ne sais plus si je veux retourner à l'institut ou si je souhaite rester dehors et tenter de survivre coûte que coûte. Mais pour quoi vivrais-je ? Rien ne me retient ici. Je n'ai pas d'amis, pas de famille. Je n'ai rien à quoi me rattacher sauf mes espoirs qui ne cessent de faner au fil des heures que je passe hors de l'institut.

C'est terrible quand j'y pense. Alfred ne faisait que me protéger, mais ma frustration de ne rien savoir sur moi ou le monde extérieur m'a poussé à faire quelque chose que je risque de regretter jusqu'à ma mort.

J'ai seulement voulu voir. J'ai simplement voulu sentir. Je voulais vivre comme une fille normale, avec des attentes peut-être trop loin de la réalité.

Le monde a-t-il toujours été comme celui-ci ? Était-il plus beau et rassurant auparavant ?

Et moi, je me sens de plus en plus faible, de moins en moins bien. Je vais mal, mon cerveau bouillonne sans arrêt, les tremblements de mes mains ne cessent pas et parfois, j'ai l'impression d'entendre quelqu'un me susurrer à l'oreille alors qu'il n'y a personne avec moi.

Peut-être que je vais mourir sans traitement.

Ma maladie a peut-être pris plus d'ampleur que ce que je pensais.

C'est triste, mais c'est ma réalité. Je suis probablement vouée à mourir des suites de ma maladie. Une maladie dont j'ignore la provenance. Peut-être que d'ici quelques mois, quelqu'un trouvera ma dépouille, toujours recroquevillée sous cette fenêtre et cette personne se posera tout un tas de questions sur la raison de ma mort. Elle se demandera si je suis morte de faim, de froid, de peur, si je me suis suicidée ou si j'étais malade. Personne ne saura jamais qui j'étais et personne ne pleurera jamais ma disparition.

Triste réalité, mais vraie.

Alors que ma tête repose sur mes genoux et que mes paupières deviennent lourdes, j'entends le ronflement d'un moteur. Je me redresse brusquement, me retrouvant sur mes genoux, les deux mains posées sur les papiers journaux restants sur la fenêtre. Je regarde par celle-ci et je reconnais la machine dans laquelle est monté Evan. Je le vois en sortir, et s'avancer vers la porte de la maison. Je me tourne aussitôt vers celle-ci, se trouvant face à moi, à quelques mètres. Son regard croise le mien, je me relève alors doucement, sans un mot. Il laisse ses épaules s'affaisser et pousse un profond soupir.

— Anna, je m'excuse ! On a pris peur, mais j'ai réussi à convaincre Charlie de faire demi-tour, on n'aurait jamais dû te laisser seule ici. Alors viens, on quitte cet endroit.

— Pourquoi ? je souffle toujours immobile sur mes deux pieds.

— Pourquoi quoi ?

— Pourquoi on doit quitter cet endroit ?

J'entends un klaxon qui provient de l'extérieur, j'imagine que Charlie s'impatiente. Ce garçon m'a l'air incroyablement stupide et arrogant. Je le déteste sans même lui avoir adressé la parole.

— Tu as bien vu qu'on a été attaqué ! Et les trois mecs qui sont morts quand on t'a trouvée, c'est pas pour rien. Ils sont revenus et ils tuent toutes les personnes qu'ils trouvent. Ils traquent les survivants pour se nourrir de tout ce qui fait d'eux des êtres humains. Anna, pourquoi tu fais comme si tu ne le savais pas ?

— Parce que je ne sais pas ...

Evan paraît surpris, quand il s'apprête à me répondre, Charlie klaxonne à nouveau et il me conseille de le suivre. Au début j'hésite mais il n'y a pas lieu de refuser. Je me vois mal rester dans cette maison seule, sachant que des monstres étranges cherchent à nous tuer tous les uns après les autres pour des raisons probablement macabres.

Alors je suis Evan dehors. Je m'arrête d'abord et je respire l'air frais qui me monte aux narines. Mais ils ne me laissent pas le temps d'apprécier le peu de choses qui me paraissent parfaites dans ce monde impitoyable. Je monte alors dans la machine, me retrouvant à côté de Jasmine qui m'adresse un sourire courtois.

Charlie manipule l'engin comme s'il l'avait toujours fait. Peut-être est-ce le cas et il roule sur des routes de terre, des routes cabossées qui me font rebondir sur mon siège et me donnent la nausée.

Je me tiens comme je peux pour ne pas m'écraser contre Jasmine, je tente par la même occasion d'entrevoir le paysage qui défile sous mes yeux. Mais plus on quitte cet endroit perdu au milieu de nulle part et plus je regrette la maison et ses papiers journaux.

Au loin, je peux apercevoir une fumée noire qui s'élève dans le ciel, il y a des buildings, c'est là-bas que se trouve la ville. C'est là-bas qu'un feu fait des ravages. Le paysage est triste, morose et sombre. Il n'y a pas de soleil, juste d'épais nuages gris qui planent au-dessus de nous. L'herbe au bord des routes est haute, jamais entretenue et je n'ai vu aucun oiseau depuis que j'ai quitté l'institut. Pourtant, Alfred m'en avait parlé des oiseaux. Il avait dit qu'il y en avait de toutes les couleurs et qu'ils chantonnaient aux aurores. J'aurais aimé les voir et les entendre. Mais aujourd'hui on dirait que cette histoire sort tout droit de son imagination et que les oiseaux n'ont jamais existé.

— Qu'est-ce qui t'es arrivée tout à l'heure ? me demande Jasmine.

La machine fait du bruit sur les routes et une musique assourdissante cogne contre mes tympans. Je jette un regard à Jasmine, détachant mes yeux de ce paysage que je trouve terrible. Elle est jolie, le teint métissé, les cheveux frisés. J'aimerais lui ressembler.

— Tu as fait un malaise, sans aucune raison et tu répétais toujours la même chose dans ton sommeil, 1309, c'était étrange... reprend-elle en remarquant mon silence.

— Je suis sujette aux pertes de conscience, j'ai oublié de le préciser, je m'excuse.

Je ne me vois que répondre cela, je ne sais pas quoi leur dire et je me vois mal leur expliquer d'où je viens et pourquoi j'étais enfermée.

— Tu sais, si ces garçons t'ont fait quelque chose...

— Je vais bien, j'étais simplement fatiguée, je l'interromps pour mettre un terme à cette discussion.

Jasmine ne rétorque rien et me laisse alors découvrir à nouveau le paysage qui s'offre à moi. On se dirige droit sur la ville, à en entendre les protestations d'Evan, la destination qu'a choisi Charlie n'est pas la bonne et ne lui plait pas. Pourtant, ce dernier semble n'en faire qu'à sa tête, comme toujours, sans écouter les conseils de son ami.

— Tu sais très bien que les villes, c'est les endroits les plus infestés de ces grosses merdes ! Pourquoi tu t'entêtes à passer par là ? Tu peux pas contourner la ville par des petits chemins ? On risquera moins de tomber sur eux ! On aura plus de chance de rester en vie !

— T'es pas le conducteur Evan et puis il fait jour, t'as peur de quoi ? Des petits branleurs de cité qui viennent te racketter ? Relax, je connais la ville comme ma poche.

— On va surtout rester coincé là-bas ! Si on s'est éloigné de la ville, c'est pas pour y retourner, t'es vraiment con quand tu t'y mets !

J'entends Jasmine soupirer d'exaspération à côté de moi, tandis que Vanessa a enfoncé ce qui ressemble à des oreillettes dans ses oreilles, elle n'entend probablement rien. Charlie garde ses yeux rivés sur la route et pourtant, je suis persuadée qu'il a envie de jeter un regard dédaigneux à Evan pour son insulte.

— Tu commences à me saouler avec tes caprices de bébé. Ça commence par : « fais demi-tour Charlie, il faut qu'on aille chercher Anna, elle va mourir toute seule, ouin ouin ouin... » et ça fini par ta petite crise parce que tu te pisses dessus à l'idée de traverser une ville déserte !

— Tu me reproches de faire des crises ? Excuse-moi d'avoir une conscience et un semblant d'humanité ! On laisse une pauvre fille perdue toute seule, sans armes, sans nourriture ... t'es vraiment un enfoiré d'égoïste.

— Je ne la connais pas, pourquoi je me ferais chier à la protéger ? Et je t'interdis de m'insulter, jusque-là, je suis resté poli avec toi alors que tu me tapes sur le système.

— C'est bon les gars, arrêtez, soupire Jasmine.

Mais les garçons ne semblent pas l'écouter puisque leur petite dispute ne s'arrête pas là. Evan hausse de plus en plus la voix et Charlie ne se laisse pas faire. Sa conduite devient nerveuse, ses mains serrent le volant et dans la petite glace qui lui permet de regarder derrière lui, je peux voir que ses lèvres sont retroussées. Ce que je remarque également, c'est les perles de sueur sur son front et les cernes sous ses yeux sombres. On dirait qu'il est malade.

Alors qu'Evan est en train de déballer tout un flot de paroles en tout genre, associé à des gestes avec ses bras et ses mains. Charlie freine brutalement, je me cogne alors contre le siège devant moi, Jasmine se retient en poussant un petit cri et Vanessa retire ses oreillettes, les sourcils froncés.

— T'es malade toi ! s'exclame-t-elle.

— Qu'est-ce que t'as ? demande Evan plus calme que la seconde d'avant.

Charlie ne répond rien, il ouvre la portière et sort de l'engin pour tituber jusqu'au bas-côté, là où il se met à vomir tout ce qu'il a pu avaler depuis la veille.

J'entends Evan souffler « et merde » avant de sortir à son tour pour rejoindre son ami.

— Qu'est-ce qu'il a ? je demande aux deux filles.

Mais celles-ci sortent également et je me retrouve seule dans ce qu'ils appellent, une voiture. Je décide de les rejoindre, peu rassurée à l'idée de mettre un pied dehors. Le vent reste frais et agréable, les odeurs sont diverses et l'air semble si pur...

— C'est bon, je vais bien, lâchez-moi ! grogne Charlie en essuyant sa bouche d'un revers de la manche.

— Non, ça ne va pas, non, grogne Evan, il t'a griffé, il faut qu'on t'emmène à l'hôpital !

Charlie pouffe de rire en se redressant difficilement, il semble avoir mal au ventre maintenant.

— Tu veux faire quoi dans un hôpital qui n'a pas de médecins ?

— Trouver de quoi désinfecter ta blessure ! Elle s'infecte, c'est pour ça que t'es dans cet état. Fais pas l'imbécile, on t'emmène.

Charlie n'a pas son mot à dire, Evan prend le volant et c'est lui qui conduit cette fois. Au moins, il ne proteste plus à l'idée d'aller en ville, il ne veut qu'une chose : aider son ami.

Je ne sais plus quoi penser de tout cela. Une griffure, c'est si grave que ça ? Je ne pensais pas qu'on pouvait tomber malade à cause de ça.

Quand on arrive sur un grand parking désert sur lequel jonchent six ou sept voitures, Vanessa m'ordonne de prendre une arme pour me défendre, m'assurant qu'on ne peut pas savoir à l'avance ce qui nous attendra dans ledit hôpital. Je ne sais pas me servir d'une arme, ni même me défendre et lorsqu'on rentre dedans, je comprends alors.

J'ai l'impression de retourner là où j'ai toujours vécu, après qu'une tempête y soit passée avant moi.

Cet endroit...

C'est la réplique exacte de l'institut et toutes mes angoisses refont surface... 

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