Chapitre 17 - Angus
C'est la première fois depuis des jours que Parker est assis là, sur mon lit, juste en face de moi, à me regarder avec son petit sourire lubrique et sournois. Je sais à quoi il pense, je sais ce qu'il veut faire et il est hors de question que je m'abandonne dans ses bras aussi facilement. Je viens déjà de franchir un pas bien plus grand que celui que je voulais lui accorder alors là, il peut se la mettre où je pense.
Je résisterais jusqu'au bout !
« - Tu vas me regarder dans le blanc des yeux encore longtemps Angus ?
- Va savoir. Je ne peux pas juste te regarder ? Je n'ai pas le droit ?
- Tu sais que je ne suis pas une œuvre d'art ?
- Hmmm.... »
Pour moi, c'est une œuvre d'art vivante. Ça ne devrait être interdit d'avoir un corps comme le sien tandis que moi je ressemble facilement à un hippopotame. Je le déteste. C'est normal qu'il attire les jolies filles de l'hôtel sur la plage.
« - Dis-moi ce qui te tracasse Angus.
- Rien.
- Si c'était ça, tu ne ferais pas cette tête. Je te connais. Dis-moi ce qu'il y a.
- Je peux te poser une question ?
- Vas-y.
- Je t'ai manqué pendant un an ? »
En fait, Parker et moi, nous nous sommes quittés comme si de rien n'était. Nous sommes tous les deux partis faire nos vies, chacun de notre côté. Je lui ai envoyé des cartes des quatre coins du monde. Dans chacune d'entre elles, je lui écrivais ô combien il me manquait. Ô combien j'étais heureux de savoir que j'avais une place dans son cœur.
Puis, je suis revenu et nous nous sommes retrouvés comme si nous nous étions quittés la veille. Parker, en bon « Parker » qu'il est, a fait sa vie. Il a grandi. Il a mûri. Il a continué avec Mona sous le coude et s'est entiché de cette espèce de glu qu'est Kenzo.
« - C'est quoi cette question ? Bien sûr que tu m'as manqué !
- Prouve-le-moi. »
Je ne sais pas quoi lui dire d'autre. Je ne sais pas quoi faire d'autre. Je suis heureux que l'on se soit retrouvés, mais je ne sais pas...Quelque part, j'ai l'impression qu'il manque quelque chose. Qu'il nous manque quelque chose.
Ça me frustre.
« - Je voudrais bien, mais tu sembles garder tes distances pour une raison que j'ignore, malgré la scène que tu viens de faire devant Kenzo.
- Tu sais, au fond de moi, j'avais qu'une hâte ces derniers jours : Que l'on se retrouve. J'avais hâte de repasser la nuit avec toi. Hâte de te parler de mes journées et de me plaindre de la vision quotidienne de Kenzo. J'avais envie de te raconter plein de choses et de vivre plein de choses avec toi, mais maintenant...
- Tu as l'impression que tout ça sonne faux...N'est-ce pas ? »
Je le regarde tandis que son sourire lubrique laisse place à un regard plein de tristesse comme si lui et moi, secrètement, nous avions toujours su que ce genre d'histoire mènerait inévitablement à une fin.
Notre fin.
Nous n'arrivons pas à nous retrouver. C'est un fait. Nous sommes là, dans la même chambre et pourtant aucun de nous deux ne fait le pas vers l'autre. Comme si quelque chose nous restreignait. Une appréhension peut-être ?
« - Tu m'as manqué pendant un an. À chacune de tes cartes, j'étais fou. Je les lisais et relisais le soir et je me demandais quelle aventure tu vivais. Je me demandais si tout allait bien. Si tu t'en sortais. Depuis qu'on est petits, j'ai l'habitude de veiller sur toi. De prendre soin de toi. De te suivre partout, car à chaque fois que tu tombes, je suis la main qui vient te relever. Puis tu es revenu et là, tu as commencé à évoluer. Sous mes yeux. Tu n'es plus le petit Angus fragile. Tu n'es plus le petit garçon qui tombe tout le temps et qui pleure dès qu'il s'écorche le genou. Tu marches. Tu cours. Tu t'es épanoui sans moi et tu veux savoir un truc ? Je crois que t'as toujours pu le faire en fait. Moi je me suis raccroché à toi en me disant que t'avais besoin de moi, mais la vérité, c'est que c'est moi qui ai besoin de toi. C'est moi qui me casse la gueule sans toi. C'est moi qui perds mon équilibre. Moi qui deviens fou. Je fais le malin, je frime et je me dis « Je veux lui montrer que je peux le faire moi aussi », mais la vérité ? Je n'y arrive pas. Je me sens seul. Vide. Il me manque un truc. Sans toi, il me manque cette moitié de moi que j'ai toujours eue. Sans toi, il me manque cette bouffée d'oxygène. T'étais le mec un peu dans la lune que je rappelais toujours à l'ordre, mais en fait, j'ai toujours été celui qui t'attendait sur la lune justement. Je voulais que tu viennes me chercher. Je voulais que tu me délivres en quelque sorte, de mon quotidien. J'ai besoin de toi Angus. »
C'est la première fois que Parker me dit ce genre de chose. La première fois que je le vois au bord des larmes. La première fois que c'est moi qui le prends dans mes bras en lui disant
« - Vas-y. Laisse couler. »
C'est vrai. J'ai toujours été moi. Quoi qu'il puisse se passer, j'ai toujours eu cette liberté d'être « moi ». Mais Parker a toujours été ce garçon attaché à son image. Se donnant un rôle. Le mec cool que tout le monde aime et admire. Le mec qu'on a envie d'avoir pour ami. Le mec sur qui on peut compter.
Mais le vrai lui n'est pas comme ça. Le vrai lui est faible. Le vrai lui est plein d'incertitudes, de doutes et se remets toujours en question. Il se demande constamment s'il est assez bien pour le monde et vit avec une pression qui en écraserait plus d'un.
Sauf lui.
Alors pour la première fois depuis longtemps, Parker a relâché la pression. Il s'est laissé aller dans mes bras jusqu'à s'endormir.
« - T'es qu'un gros dégeu...Ma chemise pleine de morve... »
Je le couche dans mon lit et descends jusque sur la plage. L'hôtel est désert à cette heure-ci.
Ce n'est plus l'heure de rien, sauf l'heure de dormir en attendant une nouvelle journée à affronter. Une nouvelle journée à laquelle survivre.
Soudain, je sens une cannette glacée sur ma joue et surprends Jo' s'asseyant à côté de moi, ancrant ses orteils dans le sable.
« - Dis-moi Angus...Est-ce que tu as réalisé ô combien la fierté de mon frère le rend solitaire ?
- Je crois. Tu sais, j'ai pour habitude d'admirer Parker. De me dire « je veux être comme lui » parce que c'est un peu mon modèle. Mon idéal. Mais plus je prends du recul, plus je me dis qu'en fait, j'ai pitié de lui. J'ai beau l'aimer et le connaître sur le bout des doigts, il y a encore des côtés de lui qui semblent...
- Brisés. Parker a toujours été comme ça. Depuis la mort de nos parents jusqu'à maintenant. Il s'est construit une image de garçon solitude alors qu'au fond sommeil le petit garçon qui a peur du noir et qui crie mon nom dans la nuit, en larmes.
- Au final, le plus costaud de nous deux, c'est peut-être moi.
- Ça a toujours été toi. Tu es la force de mon frère et tu le supportes. J'aimerais que ça dure encore longtemps. »
Moi aussi. J'aimerais vraiment, vraiment que ça dure encore longtemps.
« - Tu peux me faire une promesse Angus ? Une promesse dont seul l'océan sera témoin.
- Laquelle ?
- Prends soin de lui, veux-tu ? Je sais que je suis dur avec lui et je sais que je ne suis pas la sœur idéale, mais j'ai passé trop de temps à élever le petit garçon. J'aimerais que tu montres à ce même petit garçon, le type d'homme qu'il est devenu ou qu'il est en passe de devenir. Je sais qu'avec toi dans le coin, il deviendra meilleur. Je sais qu'avec toi, il ne se cachera pas. Il sera honnête. Transparent.
- Tu sais que je vais certainement le malmener et faire ma diva de temps en temps ?
- Tu pourras. Je ne t'en voudrais pas.
- Dans ce cas...Devant l'océan, je promets de faire de Parker un homme meilleur. »
C'est une promesse.
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