Je savais que ce soir, c'était quitte ou double et je fanfaronnais beaucoup à l'idée d'avoir Angus à mes côtés pour la première fois en quelques jours. Il s'est trouvé une nouvelle passion dans l'art de l'évitement et nos regards qui se happaient l'un l'autre si souvent, s'évitent dès qu'ils se croisent. Je n'aime pas ça.

Kenzo, qui me servait d'agent infiltré, ne manquait jamais de me rappeler ô combien Angus semblait épanoui et heureux dans ce travail et qu'il assurait grave tandis que moi je luttais contre les mouettes et les morues.

J'ai le job le plus ingrat de la plage.

Alors ce soir, je compte tout donner. Absolument tout. Ce soir, je ferais face à Angus et à ses parents.

Ce soir, je le récupérerais.

Mais d'abord, il me faut une chemise convenable. Pas la rouge, pas la noir...Ah la blanche parfait !

« - Je ne t'ai jamais vu aussi tendu de toute ma vie ! C'est drôle. »

Mona se tient vers l'encadrement de la porte, me dévisageant de la tête aux pieds avec un petit sourire en coin.

« - Au lieu de me regarder comme un enfant regarde un Kinder Pingui, tu pourrais m'aider ! Cravate ou nœud papillon ?

- Tu prends ce dîner trop au sérieux Parker. Ça ne te ressemble pas. On dirait Angus. Vous avez échangé de corps sans nous le dire ?

- Très drôle...Alors ?

- Nœud papillon.

- Merci »

Je me précipite devant le miroir dans le coin de la chambre avant de l'enfiler au plus vite. Je dois aller voir Angus dans dix minutes et on doit descendre ensemble rejoindre Jo' et ses parents.

« - Donc ? Je ressemble à quoi ?

- A James Bond en blond...

- Donc à Daniel Craig.

- Ouais, mais il te manque son physique. »

J'avoue que mon physique me rapproche plus de Bob l'Éponge que de Daniel Craig, mais bon, y'a des étapes comme ça dans la vie qu'il faut franchir.

« - Bon, j'y vais ! Souhaite-moi bonne chance !

- Ce n'est pas de chance dont tu as besoin Parker, c'est de courage et d'honnêteté envers toi-même. »

Un point pour Mona.

Depuis petits, Angus et moi avons cette fâcheuse habitude de nous disputer pour un oui ou pour un non, mais très souvent, c'est lui qui faisait le premier pas. Il est toujours revenu vers moi et à partir de moment où notre relation a évoluée au stade supérieur, je pense que j'ai pris ça pour un acquis. Sauf que pas du tout en fait. On a encore beaucoup à apprendre l'un de l'autre.

La preuve, j'étais persuadé, le connaissant, qu'il craquerait le premier.

Mais me voilà, comme un con, devant sa porte de chambre, à hésiter. Est-ce que je toque ? Est-ce que je rentre comme ça ? Comme avant ?

Non allez Parker.

Je toque et j'attends comme un idiot qu'il daigne m'ouvrir. Je suis à la fois angoissé, comme jamais je ne l'ai été, et super excité à l'idée de le voir.

« - Ah. C'est toi. »

Il ouvre et retourne se préparer, laissant la porte grande ouverte et ne cachant pas du tout son air blasé.

« - Il fut un temps je te faisais plus d'effet que ça.

- Ouais, il fut un temps. J'en ai pour deux secondes, je finis de boutonner ma chemise et on peut y aller. Ta sœur est arrivée ?

- Je n'en sais rien, je ne l'ai pas encore vue, mais je pense.

- Cool.

- Ouais. »

Malaise bonjour !

Il ne daigne même pas me regarder. J'ai l'impression de m'être habillé en pingouin pour rien. C'est une opération de charme que je mène là et j'espère bien la réussir.

Je me suis fait beau pour ta gueule petit con ! Regarde-moi au moins !

« - Elle te va bien cette chemise...Enfin la couleur.

- Merci. Pas mal non plus ton déguisement. OSS 117, c'est ça ? »

J'avais presque oublié les mauvais goûts cinématographiques d'Angus. C'est terrible.

« - Bon, dis-le.

- Dire quoi ?

- Arrête Angus, je te connais par cœur !

- Ok. Je t'en veux d'avoir appelé mes parents sans me prévenir et d'avoir joué un coup en traître.

- T'as appelé ma sœur, je pense que l'on est quittes, non ?

- Si seulement Parker...Si seulement. »

Il se retourne pour me donner une légère tape sur la joue avant de sortir de la chambre, me plantant derrière.

« - Ne m'attends pas surtout ! »

Celui-là, je vous jure.