BONUS - Cette soirée-là

PREMIÈRE PARTIE


Encore une énième carte avec trois mots dessus.

« Je m'éclate »

Et c'est tout. Je m'attendais à plus. Je m'attendais même à recevoir au moins un message, ou ne serait-ce qu'un e-mail ! Ça lui demanderait trop d'effort de m'écrire régulièrement à ce petit con ? Je n'aurai jamais dû l'encourager à partir. J'aurai dû le séquestrer quelque part dans ma chambre universitaire. Je l'aurai gardé tout pour moi et je ne serais pas là, comme un con, à soupirer sur mon banc.

« - C'est un bien long soupire, ça. Une nouvelle carte d'Angus ?

- Mona ! Ouais...

- Il est où cette fois ?

- En Afrique.

- Tu sais Parker, c'est vaste l'Afrique...

- Hmm...Selon la carte, je devrais dire le désert ? Il n'y a qu'une montagne pleine de sable et un chameau. Tu parles d'une carte.

- Et il te raconte quoi ?

- Lis par toi-même »

Je lui file la carte et il ne lui faut pas plus de dix secondes pour éclater de rire. Du Mona tout craché ça.

« - Et moi qui pensais qu'il allait se languir de toi, que tu allais lui manquer affreusement et qu'il ne serait pas capable de se débrouiller seul. À croire que je l'ai mal jugé le petit.

- Et moi donc, je l'ai encouragé en pensant que deux semaines après il allait revenir en pleurant, mais il me l'a bien mise profond. Sale enfoiré.

- Sacré Angus ! Bon, tu viens à la soirée de Kenzo ce soir ?

- Hmm...Je ne sais pas trop, j'ai pas mal de boulot et...

- Oh allez ! Arrête de faire ton intello et puis ça te changerait les idées non ? Tu pourras envoyer une photo à Angus en lui disant « Moi aussi je m'éclate ».

- Pas faux. Bon, je verrais, c'est à quelle heure ?

- À partir de vingt heures. Je passe devant ta chambre et on y va ensemble si tu veux.

- Ok, on fait comme ça. »

Encore une carte à accrocher au mur. Encore un bout de lui. Encore un souvenir.

Encore un regret.

C'est vrai que sur ce coup-là, je me suis fait avoir. Je pensais que la distance allait nous permettre de grandir, de vivre des choses chacun de son côté, mais je ne pensais pas être celui qui allait se montrer le plus dépendant à l'autre. Je ne comprends même pas d'où me vient ce sentiment soudain.

J'ai toujours eu Angus autour de moi. Toujours. Depuis la maternelle, jusqu'à son départ. J'ai grandi avec lui. Avec lui dans mon univers. Il en faisait partie et au fond, à chaque fois qu'il s'en absentait, je me sentais comme déboussolé, perdu.

Je ne pensais pas que ce mec pouvait avoir une aussi grande influence sur ma vie. Je ne pensais pas qu'Angus ferait autant partie de mon monde pour au final, devenir le centre celui-ci.

Mais depuis qu'il est parti...J'ai l'impression que le Angus que j'ai connu, ce petit gars coincé qui s'accrochait désespérément à moi, s'en est allé. Je vais retrouver quelqu'un d'autre. Un autre Angus. Un que je ne connais pas.

Un qui m'effraie.

J'ai peur que son retour change quelque chose.

J'ai peur que cette distance que l'on s'inflige, nous bouffe et nous détruise.

Dieu que c'est niait !

Sortant de la douche et me préparant pour aller à cette fameuse soirée, j'entends mon ordinateur sonner. Un appel ?

« - Angus ! »

Je me précipite sur le clavier, torse poil, rien à foutre et décroche.

Et là, apparaît le visage du garçon que je pense, avoir toujours aimé tout compte fait.

« - Salut beau gosse !

- Hé ! Dites donc Parker, c'est quoi cette tenue ? Tu veux me faire de l'effet même si je suis loin ? »

Bien sûr que non du con, je sors pour noyer ma dépression d'être loin de toi.

« - Je sors de la douche quand j'ai entendu ton appel. Comment tu vas ? Tu es où ?

- Alors là, aucune idée ! Mon guide est un trou du cul et il s'est paumé tout seul alors bon...En attendant, on est sorti du désert et on est revenu au village. J'ai pris la première voiture qui partait et là je suis dans une ville assez sympa. Je squatte dans une auberge de jeunesse...Enfin un style d'auberge.

- Fais attention à toi, j'aime pas quand tu marches dans l'inconnu comme ça.

- Tu rigoles ou quoi ? C'est génial ! Je m'éclate ! »

Oui bah ça, tu me l'as déjà dit sur la carte, j'ai bien compris.

« - Et toi alors ?

- Oh bah, la vie d'étudiant, c'est pas folichon. Les cours, les examens, tout ça tout ça.

- Y'a des beaux mecs sur ton campus ?

- Je n'en sais rien. Je n'ai d'yeux que pour toi !

- Oh Parker tu me l'a ferra pas à l'envers ! Tu ne t'es pas rincé l'œil au moins une fois ? »

Peut-être même plus d'une fois.

« - Hmm...

- Je m'en doutais ! Bon, j'ai compté les jours, il nous en reste encore 178 !

- C'est long. C'est beaucoup trop long. Tu vas où maintenant ?

- Je dois prendre l'avion dans 3 jours pour les States !! J'ai trop hâte ! Je vais aller manger de la saucisse américaine.

- Angus !

- Celle des hot-dog gros débile ! J'adore ta tête. Bon, je te laisse, j'ai une connexion limitée et faut encore que j'appelle mes parents pour leur dire que j'ai survécu au lait de chèvre et au jus de cactus. Ils pensent trop que je fais Pékin Express. À plus tard ! »

Il me raccroche au nez sans me dire une seule fois « Je t'aime » ou « tu me manques », non. Angus a l'air joyeux. Heureux. Plein de vie. Je ne le reconnais presque pas et d'un certain côté, tant mieux. Je le vois épanoui et je suis heureux pour lui.

Mais...

Moi aussi j'ai envie de ressentir ça. D'être comme ça. Même si j'ai maté un cul ou deux, je me suis senti coupable à chaque fois. C'est à chier les relations à distance. Vraiment merdique.

« - Parker ! T'es prêt ?!

- J'enfile une chemise, j'arrive. »

Je m'en fou, ce soir, je compte bien m'éclater moi aussi.

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