Angoisse
Une ville, une maison, une chambre. Un adolescent qui consulte son portable allongé sur un lit double. Rien. Pas de message, pas de SMS, rien. La solitude. Rien que cet adolescent, son portable et la fenêtre qui pleure. Lui, seul. Tout le monde est parti. Les parents au travail, les amis en vacances et les chats, dehors. Il s'interroge pour passer le temps. Les éléments se déchaînent dehors avec une humidité profondément déprimante. C'est tout ce qu'on en retire. Rien de plus. C'est tout. Le jeune garçon soupire, las de n'avoir aucune occupation et rien qui retienne son attention. Il retourne sur sa chaise à roulettes toute neuve et fait ce que font tous les enfants, il tourne, et tourne encore. Il s'arrête, il a le tournis. C'est agaçant, il a horreur d'avoir le tournis et pourtant il adore tourner sur une chaise. Mais voilà, il y a ce fâcheux tournis. Pourquoi faut-il que tourner donne toujours le tournis ? Il soupire à nouveau, n'a même plus envie de penser à ça, fixe le bureau de son ordinateur et regarde tous ses jeux. Plus aucun ne l'intéresse. Que faire ? Rien. Il n'y a rien à faire. Le silence règne dans la maison, rien ne le perturbe, aucune vague. On n'entend que la pluie contre les vitres, petit bruit régulier peu à peu absorbé par le silence. Il en fait une extension bruyante de lui même. Pourtant un bruit vient déranger cette symbiose de silence bruyant. Un grattement, suivi d'un bruit sec. Celui de la poignée de la porte d'entrée : l'un des deux chats veut rentrer. Le jeune garçon quitte sa chambre et descend pour lui ouvrir. Il l'entend qui gratte à la porte. Mais s'il lui ouvre il va mettre de l'eau partout. Il hésite. Il se saisit finalement de la serviette prévue à cet effet, ouvre la porte et attrape le félin avant qu'il ne se précipite dans la maison. Il l'immobilise et ferme la porte. La petite boule de poils noire est trempée jusqu'aux os. Il l'essuie vigoureusement. Faudrait pas qu'il tombe malade celui-là! La petite bête se détend et se met à ronronner, heureux qu'on s'occupe de lui. Après plusieurs minutes de séchage intensif, le chat est sec. La bestiole se remet tranquillement sur ses deux pattes et va en se dandinant jusqu'à sa gamelle. Le chat semble heureux lui, il mange avec appétit ses croquettes. Quand il aura fini il fera sa toilette et ira directement dormir sur un des fauteuils. Une vie de roi. Et cette pluie qui n'en finit pas. Nouveau soupir. Le jeune garçon se rend jusque dans la cuisine. Pour y faire quoi ? Aucune idée, il n'a pas faim, pas soif. Alors pourquoi est-il dans la cuisine ? Il ouvre le tiroir et prend une cuillère qu'il pose sur la table. Il cherche ensuite le pot de miel caché quelque part au milieu des sachets de thé. Où est-il passé ? Il regarde sur l'étagère. Il est là, au milieu des biscuits, une place incongrue. Il est toujours avec le thé normalement. "J'ai dû me tromper en le rangeant la dernière fois" dit- il tout haut. Il pose le pot sur la table, tend la main vers la cuillère. Mais sa main ne rencontre que la table. Intrigué, il la cherche, elle n'est pas sur la table. Tombée dessous sans doute. Non plus. Elle n'est nulle part. "Je deviens fou, j'ai cru avoir pris une cuillère." Il en prend une et la trempe dans le pot de miel. Il adore le miel, c'est doux, sucré, ça fond dans la bouche ! Une pure merveille de la nature. Quelque chose a changé, mais quoi ? Il regarde autour de lui, ne remarque rien. Quelque chose au fond de lui-même semble l'avertir. Une boule glacée se forme dans son ventre. Une angoisse étrange et inconnue, se saisit de lui. Il pose sa cuillère encore pleine de miel et fouille chaque tiroir, chaque étagère. Il regarde partout, de plus en plus angoissé. Le chat dort sur le fauteuil. Il dort, lui. Cette angoisse est incompréhensible. Mais il n'y a rien. Rien qui justifierait cette angoisse. Pourquoi cette peur s'est-elle saisie de lui ? Pourquoi ? Il se rassoit, perplexe. "Je deviens complètement fou à être seul comme ça." Il reprend sa cuillère et la porte à sa bouche. Un goût de métal dans la bouche. Il retire la cuillère. Plus de miel. "Mais qu'est ce que..." Son regard fixe un objet, ses yeux s'agrandissent, l'angoisse le saisit à nouveau. La cuillère de miel est là juste en face de lui. Il la lâche, elle tombe au sol, il se lève brusquement et s'écarte. Partir, il faut partir, s'en aller, loin d'ici. Son manteau, vite ses baskets et le voilà sous la pluie. Mais il ne pleut plus. Il pleuvait encore à l'instant. " Non, non, non..." Il regarde le sol : sec. "Non, non, non..." Il s'enfuit, court, part loin. A la grille, il tremble, n'arrive pas à trouver la clé. Un miaulement dans son dos le fait se retourner. La boule de poils noirs est là. "Non, NON, NON..." Il ouvre la grille, sort, trébuche sur le trottoir. Il est étalé sur la route. Le jeune garçon se relève. Et là un bruit strident, une lumière droit sur lui, la douleur et plus rien. Rien. Rien qu'une ville, une maison, une chambre et un jeune garçon allongé qui consulte son portable.
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