§ Chapitre 33 §
17 septembre 2022
France
« Wilhelm, je suis occupé, coupa Liam avant même que son ami ait pu parler.
- Moi aussi, je suis occupé à-
- Me faire chier.
- Beau et perspicace, mais retenez-moi ! Ironisa le blond en venant s'accouder à son bureau tranquillement. Je suis venu avec Haz, et devine ce qu'il veut qu'on fasse ? »
Liam releva les yeux de son écran, et Harry comprit ce que Wilhelm avait voulu dire. Les yeux du plus âgé étaient pochés, entourés de violet, sa barbe mal rasée, ses cheveux en désordre, ses vêtements mis à la hâte, et arborait un air fatigué à en faire bailler un mort.
« Tu es là combien de temps par jour ? Lui demanda-t-il sans répondre à Wilhelm. »
Les yeux de Liam se perdirent dans le vide, analysant la question à une lenteur époustouflante.
« À peu près douze heures ? Quand je suis fatigué. Sinon plus.
- Tu as donc si peu de vie ? S'épouvanta le violoniste, réellement choqué mais le cachant un minimum. Mais qu'est-ce que tu fais pendant tout ce temps ?
- Le travail de Brannan, grimaça Liam en se grattant le cuir chevelu, qui avait l'air gras même de loin. Elle est absente en ce moment, et elle profite du fait que je suis un peu sous sa charge et que je m'occupe de beaucoup de choses pour me refiler tous ses devoirs.
- Pourquoi est-elle aussi irresponsable ? Grogna Wilhelm en se renfrognant. Tu sais où elle va au moins ?
- À l'hôpital psy, en général, et sinon ailleurs, par rapport à la ville tu sais, c'est construit et tout mais elle a besoin de financements donc elle fait des conférences, tout ça. Ça marche bien. À l'allure où ça va, elle aura assez d'argent dans deux mois. »
Les yeux de son ami sortirent de leurs orbites.
« Deux mois ? Liam, tu veux vraiment rester deux mois dans cet état déplorable ? »
Le doctorant baissa les yeux sur lui pour toute réponse, prenant conscience de son apparence débraillée. Il sentit brièvement sous son t-shirt et cacha mal une grimace.
« Bon Dieu que c'est crade, souffla Wilhelm, sidéré. Allez champion, tu vas prendre une douche et on va t'acheter des nouveaux vêtements. »
Et contrairement à ce qu'Harry aurait pensé, Liam ne se débattit même pas, se laissant faire quand le blond le tira de sa chaise mais le repoussa dans la seconde parce que ''frère, vraiment tu pues la mort''. Cette démonstration de soutien eut le mérite de lui tirer un rire, suivi d'un bâillement.
« Tu te sens de descendre les escaliers sans te rétamer, mon cœur ? Demanda le violoniste en regardant les marches avec suspicion.
- Laisse-moi juste la rampe, souffla-t-il en tendant la main vers elle, la prenant comme une vieille amie.
- Est-ce que je peux descendre les escaliers sur les fesses tu crois ? Lança Wilhelm à Harry, assez fort pour que Liam l'ait forcément entendu. »
Le plus jeune le regarda sans émotion, et Liam ne tourna même pas la tête.
« Tu es vraiment très fatigué, commenta le blond en s'avançant à ses côtés. Du coup je vais te servir d'yeux si tu veux bien. ATTENTION LE VIRAAAAAAAAAAAAAAGE, hurla-t-il immédiatement, alors qu'ils atteignaient le second palier, le fermant au passage. Ah merde j'ai pas fermé là-haut, réalisa Wilhelm peu après, alors qu'ils étaient à la moitié du second escalier. Tu peux y aller Hazza s'il te plaît ? Sourit-il en clignant exagérément des yeux. »
Le plus jeune ne contesta pas et tendit la main, recevant la clef puis remontant les marches sans se presser.
« N'attends pas trop longtemps par contre, on ne s'arrête plus maintenant, prévint Wilhelm en poursuivant sa descente au bras de Liam. Il ne redémarrerait plus le vieux. »
Le petit ''Connard'' soufflé par Liam retentit jusqu'aux oreilles du plus jeune, qui ne tarda pas plus et monta les marches rapidement. Fermer la porte ne lui prit pas plus de dix secondes, et alors qu'il redescendait, il se rendit compte que les voix de ses deux amis étaient bien loin maintenant, et que la voix du hall pourrait lui hurler dessus, sans prévenir et sans témoins. Il pressa instinctivement le pas, arriva au rez-de-chaussée et traversa le grand hall au pas de course, grand hall où ses amis ne se trouvaient déjà plus. Pourtant, intrigué, il s'arrêta au milieu de sa marche, écoutant autour de lui.
Ses pas raisonnaient dans le vaste espace de la pièce, le léger couinement de ses tennis sur le sol l'horripilant quand il se tourna dans tous les sens pour examiner les murs. Comme tous les lieux où il n'avait mis les pieds que rarement, il lui semblait que la pièce avait changé d'apparence, s'était remodelée pour ressembler à tout autre chose que ce qu'il avait découvert lors de sa première venue. Et pourtant, il savait que ce n'était pas le cas, que les affiches diverses sur les murs, loin de lui, étaient là depuis des années, que les diplômes et les trophées affichés ici et là s'entasseraét pour longtemps, que les bancs le long des murs et au centre avaient accueilli nombre personnes fatiguées et hallucinées par cet endroit immense, que les vitres hautes et plus grandes que lui laissaient passer une lumière douce et claire, et que les lampes, si hautes au dessus de lui, ne devaient pas éclairer grand-chose la nuit. Il frissonna à cette pensée, et réécouta. Mais à part sa respiration et le son du vent au loin, il n'y avait rien. Pas de gens. Et encore moins de voix hurlant au désespoir. Alors, lentement, il fit quelques pas, sans qu'aucun son ne vienne perturber le silence.
C'est pas possible, elle a vraiment disparu ? S'étonna le garçon en retirant ses protections auditives.
Le manque de délicatesse dont il fit preuve le fit un peu grimacer, mais il ne s'attarda pas sur ses tympans récalcitrants, se contentant d'écouter autour de lui. Toujours rien, mis à part le son des pas des étudiants là-bas, les voix qui se mélangeaient dans le vent, un rire isolé et guilleret, la sonnette d'un vélo et la discussion de Wilhelm et Liam, qui l'attendaient dehors.
« Tu crois qu'il s'est perdu ? Lançait le blond, donnant un petit sourire à Harry. Il n'y a que des escaliers où il peut aller, je comprends pas. À moins que tu n'aies laissé ta session de Candy Crush en cours.
- J'ai laissé mon ordi en veille et il n'a pas mon code, c'est bon, répondit Liam en soupirant un peu, faisant crisser les graviers.
- Donc moi je peux pas descendre les escaliers sur les fesses mais Monsieur peut s'asseoir par terre tranquillou ? S'offusqua Wilhelm la seconde d'après.
- Je suis plus à ça près, marmonna le plus âgé. Et puis, je ne t'ai pas interdit de le faire, cette fois. Tu n'as juste pas pu parce que tu me tenais et parce que tes vêtements sont propres.
- Tu commences à me connaître, reconnut le jeune homme en bougeant un peu les graviers à son tour, marchant sans doute. »
Un silence s'installa, et Harry décida de les rejoindre. Avant de bouger cependant, il regarda en direction de la porte qui hantait ses cauchemars, totalement silencieuse.
Alors adieu, songea-t-il en mettant ses mains dans ses poches, faisant de grands pas pour ne pas briser la magie du lieu, qui, aussi vide et paisible, était presque agréable.
« T'as mis le temps, dit simplement Liam quand il franchit la porte vers l'extérieur. On peut y aller.
- Plus laconique tu meurs, blagua le blond en relevant Liam puis suivant Harry.
- Laisse-le, il est fatigué, sourit le bouclé en envoyant un regard compatissant à Liam, qui ne renchérit pas. »
Quelques minutes durant, ils firent leur marche, s'éloignant de l'administration à pas lents. Et peu à peu, Liam se redressait. Ils firent même une légère pause pour qu'il s'étire, lâchant un petit bâillement et un soupir content.
« Tu es rentré chez toi hier au moins ? Fit soudain mine de s'intéresser le master plus jeune, camouflant son inquiétude avec talent sous un air calme.
- Pas depuis deux jours, soupira Liam en se frottant les yeux. J'ai dormi dans la salle détente, le distributeur ne m'a jamais paru aussi indispensable. Je ne peux plus aller aux Crustacés vu qu'Olive est en arrêt et que Lucas a posé sa pause pour la semaine. »
Et heureusement qu'il avait les yeux fermés, parce que le regard épouvanté-catastrophé-tueur de Wilhelm ne laissait aucun doute quant à son indignation. Sans mot dire, il prit son téléphone, et pianota quelques secondes dessus avant de le ranger - le nom de Brannan dans la barre message était une explication limpide.
« Pressons pressons, mon ami, nous devons aller pourfendre le centre commercial et- Commença-t-il pour couper le silence léger qui s'était installé, mais fut coupé par son ami master qui lui fit un câlin en mode ourson-qui-ne-veut-pas-marcher-tout-seul. AH MAIS CASSE-TOI TU PUES ! Hurla-t-il de surprise, ne parvenant pas à le repousser. HARRY, VIENS À MON AIDE !
- J'ai le choix ? Ironisa le garçon en voyant Liam coller son ami de toutes ses forces, au point de le faire presque tomber.
- Bien sûr, nous sommes dans une démocratie, se calma immédiatement le blond en prenant le ton d'un JT ennuyeux. Imposer une décision à une personne est-
- Alors non, merci, refusa poliment le bouclé en voyant la seconde d'après les yeux de Wilhelm exprimer le meurtre, un sourire figé teintant ses lèvres. »
Son ''TU VAS ME LE PAYER'' fut étouffé par Liam, qui avait réussi à lui mettre son propre avant-bras en travers du visage, passant pile sur sa bouche qui resta ouverte mais bouchée. Le regard sérieux que Wilhelm lui renvoya en s'arrêtant d'un coup incita Liam à le relâcher, et ils se remirent en route, Harry demeurant un peu surpris de ce brusque changement d'activité.
« Je ne dois pas me contenter de respirer avec le nez, dit simplement le blond en surprenant le regard du plus jeune sur lui. Comme je n'ai qu'un poumon, je dois prendre de grandes inspirations de manière générale, et plus souvent que vous. Comme Liam le sait, il ne s'entête pas, mais si un imbécile refuse de me relâcher, tu seras prié de venir à mon secours, dit-il plutôt sur le ton d'un ordre avec un regard si profond qu'Harry en perdit son sourire. Après tout, reprit-il plus légèrement en battant exagérément des cils, ne suis-je pas ta princesse ?
- C'est dicutable, lâcha Harry en faisant mine de réfléchir. »
Et le regard outré suivi d'une bouche bée sincèrement choquée fut un présage de ce que le jeune homme fomentait.
« GOUJAT ! Brailla-t-il en sautant sur son dos avec la vivacité et la souplesse d'un singe - le poids fit tanguer Harry une seconde.
- Bonne chance, chuchota simplement Liam alors que les boucles d'Harry étaient méthodiquement mélangées les unes aux autres avec une technique autrement appelée 'le farfouillage'. Il ne redescendra pas avant de l'avoir décidé, il a une très bonne technique pour rester sur ton dos pendant des heures.
- Ça sent le vécu.
- Si tu savais.
- On n'en serait pas arrivés là si tu n'avais pas critiqué ma nouvelle partition, parce que selon tes goûts musicaux inexistants, elle fait- quel était ton terme dévalorisant déjà ? »
Liam soupira, sans doute lassé que le violoniste reste bloqué sur cet épisode.
« J'ai dit que Fairytale avait des paroles gnan-gnan. Mais je ne vois pas le problème, se défendit-il pour la forme, appréciant la grimace de rage - feinte, quoique pas sûr - de Wilhelm. C'est mon avis et puis c'est tout. C'est toi qui l'as dit, on est en démocratie et-
- Et pas toi, tu es sous ma dictature personnelle, grogna-t-il en essayant de se pencher depuis le dos d'Harry pour fourrager ses cheveux à lui aussi, Harry s'éloignant de Liam au bon moment pour que ce dessein échoue. Bref, Fairytale est l'une des plus belles partitions que j'aie jamais eu à jouer, et c'est une chanson géniale.
- Chanson de qui, si je puis me permettre ? S'incrusta doucement le plus jeune en regardant la direction qu'ils prenaient, vers les appartements généraux.
- Alexander Rybak, je te jure, celle-là je l'aime d'amour, soupira Wilhelm en laissant tomber sa tête sur l'épaule d'Harry. Si je pouvais me marier avec j'aurais déjà huit enfants.
- Ce que tu fais avec ton violon ne nous regarde pas, Will, lança Liam avec simplicité, ignorant délibérément le regard blasé de son ami. Et toi Harry, la guitare ?
- Oh, tu t'en souviens ? S'étonna Harry, agréablement surpris. Ça se passe bien, Romuald est super cool, c'est un bon prof.
- Tiens, mon compagnon d'infortune, railla le master des fêtes, sa tête toujours posée contre l'épaule d'Harry. Il va bien en ce moment ?
- Pas trop non, il a appris une mauvaise nouvelle récemment, il est plus distrait qu'avant. Il m'a dit qu'il essayait mais que ça devenait compliqué.
- Il est toujours comme ça en automne, murmura le blond en regardant autour d'eux, perdu dans ses pensées. J'espère qu'il va réussir à remonter, je n'ose pas imaginer comment sera son nouveau travail quand il sortira. »
Et comme ils ne savaient tous trois pas quoi ajouter de plus, ils continuèrent leur chemin vers les blocs hauts perchés abritant les logements, principalement vides, des habitants de l'endroit.
« Je suis dans le cinquante-et-un, dit simplement Liam en prenant une direction vers la gauche. Comme les appartements et immeubles sont organisés en couleurs, je suis à l'étage rouge, immeuble orange. Ou Étage cinq, appartement douze.
- Et fais exprès d'oublier de dire que je suis ton voisin et que j'habite sur le même palier, homme ingrat, râla Wilhelm en reprenant soudain du poil de la bête, se redressant sur le dos d'Harry qui commençait à avoir un peu de mal à le porter. Je suis le numéro onze, enchanté, fit-il mine de se présenter avec une voix exagérément grave, tendant sa main à Harry par-dessus son épaule pour qu'il puisse la serrer. »
Harry lâcha une de ses cuisses pour pouvoir répondre à sa poignée de main, faisant perdre de l'équilibre à sa charge.
« CAPITAAINE, NOUS CHAVIRO- Putain de merde je suis désolé, je m'y ferai jamais, s'excusa-t-il sur le champ en voyant la grimace qui avait terni le visage de son destrier. »
Harry ne répondit pas, le reposant au sol en tentant de calmer les pulsations apparues dans son crâne.
« Juste... pas aussi près de mes oreilles, s'il te plaît, murmura-t-il d'une vois si grave et basse que Liam dut tendre l'oreille pour l'entendre, insérant sa carte d'accès dans la fente de la porte du bloc pour l'ouvrir. »
Il jeta un rapide regard pas-dessus son épaule pour visualiser la scène qu'il venait de manquer : Wilhelm, penché en avant, se tordait les mains en se mordant la lèvre, alors qu'Harry avait un visage grave et concentré, respirant par à-coups.
« Les gars, on est arrivés, murmura-t-il le plus doucement possible, ouvrant la porte qui, heureusement, ne produisit pas le moindre bruit. »
Harry ne répondit pas, avançant simplement en laissant Wilhelm le suivre, ne lui tenant même pas la porte. Non, il n'était pas en colère contre lui, ou contre sa fâcheuse manie d'hurler tout le temps, quand bien même ce fût toujours drôle. Il s'en voulait à lui-même et à son incapacité à posséder une ouïe normale qui ne gâcherait pas l'ambiance toutes les trente secondes. Enfin, il en voulait quand même un chouïa à son aîné d'oublier régulièrement qu'il fallait faire attention.
Liam mena la marche, qui parut durer une éternité tant l'air entre les trois étudiants était lourd, quand bien même l'espace les séparant de l'ascenseur ne soit que de moins de dix mètres. Le faible chuintement que firent les portes en s'ouvrant rajouta une poussière de frustration à Harry, qui serra les dents, ce geste ne passant pas du tout inaperçu auprès des deux autres, qui le regardaient avec inquiétude. Il s'appliqua à regarder autrepart, et ils comprirent le message ; ils l'imitèrent, et c'était tant mieux car il aurait été capable de les rembarrer méchamment.
« On y est, souffla Liam avec tant de douceur que Wilhelm ne l'entendit pas, suivant juste la petite troupe. C'est au moins aussi grand que chez toi, tu auras largement ton espace, ne t'en fais pas. Le temps que je prenne ma douche, vous pourrez rester dans le salon ? Ça ne me dérange pas que vous fouilliez, mais un peu quand même.
- Tu n'as pas de colocataire ? S'assura Harry sur la même puissance vocale, s'étonnant lui-même d'à quel point elle pouvait devenir profonde quand il faisait ça.
- Cet immeuble fait partie de ceux qui contiennent les appartements seuls, donc non, et Will non plus. Tu comprendras qu'à vingt-six ans, j'aie envie de rester un peu seul pour mes études, rit-il doucement en insérant la carte dans la fente de la porte, qui s'ouvrit sans bruit. Will, comme tu connais je te laisse faire la visite, je reviens dans dix minutes. »
Liam partit vers une porte sur sa gauche, entrouverte, qui laissait voir sa chambre, et la salle de bain y attenant. La droite en entrant était complètement ajournée, liant cuisine, salle à manger et salon, une ultime porte au fond devant être le bureau.
« C'est royal, commenta le plus jeune en partant s'installer dans le canapé de l'espace salon. Ton appartement est pareil ? »
Wilhelm l'examina du regard quelques secondes avant de le rejoindre, ne prenant une grande inspiration qu'après s'être assis.
« À peu de choses près, oui. On a des meubles différents, mais l'organisation des pièces est la même. »
Un nouveau silence tomba, ce qui n'était pas pour déranger le bouclé ; des grésillements étaient apparus dans ses tympans depuis quelques minutes et il ne comprenait pas pourquoi ils ne s'étaient pas estompés maintenant, l'air était si calme que cela devrait déjà être fait. Il eut un petit geste pour monter sa main à son front et se masser les tempes qui n'échappa pas au master près de lui, de même que son soufflement de nez exaspéré et son froncement de sourcils.
« Qu'est-ce qui ne va pas ? Demanda-t-il simplement en regardant l'écran éteint face à lui. Tu as l'air énervé. C'est de ma faute ?
- Non, soupira Harry, ne voulant pas parler, laissant volontairement le calme retomber. »
Cependant son ami ne l'entendait pas de cette oreille, et se tourna vers lui, bien décidé à communiquer.
« Alors quoi ? T'es en colère contre quoi ?
- Je suis pas en colère.
- Alors desserre les poings. »
Harry ne s'en était même pas rendu compte.
« Ça ne veut pas dire que je suis en colère, répéta-t-il, persévérant dans son mensonge qu'il savait évident.
- Oh s'il te plaît, râla le blond en parlant un peu plus fort, arrête de me prendre pour un idiot. Je vais deviner si tu ne me dis pas. »
Ça va être difficile de le deviner si même moi je ne sais pas pourquoi je suis comme ça, railla mentalement le plus jeune ; il refusait d'admettre la vraie raison de son comportement après l'épisode des larmes avec Niall, car même si son colocataire avait réussi à le réconforter et le rassurer, repartir dans ses tourmentes mentales personnelles et recommencer à se lamenter lui donnait l'impression de trahir tout ce qu'il avait pris la peine de lui dire et jetait aux ordures toutes ses belles paroles.
Wilhelm ne se démonta pas devant son silence.
« Je pense que tu es énervé à cause de plusieurs facteurs, ou au moins l'un de ceux que je vais citer. Soit tu es comme ça à cause de ta mère, que tu ne vois pas et qui te manque, soit c'est à cause de la situation de Lucas et du départ d'Olive, à cause de moi qui hurle tout le temps dans tes oreilles, à cause de Niall qui sort tous les soirs et que tu dois aller chercher, à cause de Charlie qui te snobe, à cause de Jacques qui ne te laisse pas passer quand tu essaies de passer tous les jours où il y a des répétitions soprane-alto - ne me demande pas comment je le sais, arrête de me regarder comme ça - à cause de Brannan qui met la pression à Liam, à cause de Betty que tu veux prendre dans tes bras mais qui ne peut pas le supporter, à cause de Romuald qui-
- Tu vas faire tous ceux que je connais ? Murmura Harry, un fin sourire ranimant son visage.
- Pas si tu me dis ce qui ne va pas, répondit le blond sur le même ton, se penchant légèrement vers lui. Je comprends que tu ne veuilles pas en parler, mais me le dire pourrait faciliter les choses et dégeler l'ambiance entre nous, ou au moins me faire comprendre qu'il faut que j'arrête de faire des bêtises en hurlant comme un hystérique à chaque fois qu'on se voit.
- C'est vrai que ce serait pas mal, remarqua le plus jeune en hochant la tête.
- Alors c'est ça ? S'assura le plus âgé sans se vexer le moins du monde.
- Pas que, avoua finalement Harry en soupirant, se passant une main sur les yeux. En fait, c'est un peu tout ce que tu as dit, sauf pour Betty parce qu'elle n'a rien fait et que je ne peux pas lui en vouloir pour quelque chose qu'elle ne contrôle pas, mais sinon... ouais. Je suis fatigué, ma guérison ne va pas aussi vite que je le voudrais et ça me frustre. Je me sens handicapé. Ça fait juste mal de le remarquer, parce que je me sens bien ici, et que tout le monde est sain d'esprit.
- Handicapé n'est pas synonyme de légume, raisonna Wilhelm avec sagesse.
- Et pourtant c'est la première chose qui me vient à l'esprit quand je pense au mot 'handicapé' et ce qu'il représente. Tu sais, un bon retardé mental en fauteuil roulant, le corps voûté, la tête penchée, les yeux inexpressifs, un sourire vide, une élocution par monosyllabes et de la bave aux coins des lèvres. Et moi, je suis handicapé. Je suis ça. »
Le plus âgé se pinça les lèvres, comprenant malheureusement ce que son ami voulait dire.
« Haz ? Je peux te dire quelque chose ? Dit-il enfin alors que Liam arrivait vers eux, douché et changé, ranimé par sa douche.
- Hm.
- Tu es le plus ravissant de tous les légumes, après moi bien sûr.
- Je suis presque sûr d'avoir raté un passage important de cette conversation, commenta Liam en partant remettre ses chaussures. Bon, on y va ?
- Bien sûr, ce centre commercial ne va pas se pourfendre tout seul. À moins que ce ne soit un escargot mais-
- Tu es tout seul, Will, le coupa le doctorant en éteignant la lumière et fermant derrière eux.
- J'aurai tenté, haussa-t-il les épaules en partant vers l'ascenseur, sortant sa clef pour le faire venir. »
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