§ Chapitre 23 §

6 septembre 2022
France

En fin d'après-midi de ce mardi, Harry poussa la porte de la bibliothèque du campus, qui était au moins aussi immense que le hall de l'administration s'il en jugeait les étagères dignes des films Harry Potter ou les dizaines de tables à lampes vertes vintage jonchant l'espace. Touche de modernité qui détonnait : les machines d'emprunt de livres et médias, bien blanches et lisses.

Sur sa gauche, il pouvait apercevoir un panneau lumineux indiquant les toilettes, et un plan - un PLAN - était directement accolé au mur à côté de lui pour l'aider à se repérer - à vue de nez, le second étage était une salle informatique, le troisième une médiathèque plus conventionnelle que le rez-de-chaussée et le premier était uniquement dédié à la littérature. Le garçon n'était pas venu dans cet - apparemment immense - édifice pour rien : il se trouvait dans l'obligation, de la part de ses professeurs, d'emprunter des ouvrages bien particuliers sur le corps humain qui promettaient de peser une tonne dans son sac à dos.

Hélas, il ne savait pas comment trouver ce qu'il recherchait dans tous les rayons qu'il apercevait depuis l'entrée, qui concernaient sans doute le dix-huitième siècle ou même bien avant.

Bon, eh bien direction le ou la bibliothécaire, hein.

Il chercha du regard - à la réflexion il devait ressembler à pigeon à regarder tout autour de lui sans bouger comme ça - un bureau imposant qui conviendrait au décor que formait la bibliothèque, mais ne voyait que des étudiants silencieux en train de travailler. Il se tourna complètement pour lire le plan - tant pis pour son amour-propre - et constata que le bureau d'emprunts scolaires - si si - se trouvait au troisième étage, dans la section administration. Logique.

Allons-on. J'espère juste qu'il y a des ascenseurs.

Puis il se donna une gifle mentale. Évidemment qu'il y avait des ascenseurs, c'était tout l'intérêt. Il chercha donc cette fois les ascenseurs, qui lui permettraient de chercher ses manuels, qui lui serviraient sans doute à chercher une motivation pour étudier ses cours de cytologie - ô joie. Son soulagement lui parut infini quand il vit l'icône des boîtes métalliques sur sa droite, à l'opposée des toilettes mais soit.

Il tenta de rendre son pas le plus silencieux possible en parcourant la dizaine ou vingtaine de mètres qui le séparaient de son objectif, pour ne pas perturber les étudiants attablés, mais il avait tout de même la gênante impression de faire tout le bruit du monde alors que ses semelles semblaient s'être donné le mot pour couiner comme elles ne l'avaient jamais fait auparavant. Un rougissement lui couvrit les joues alors qu'il pressait son pas, cette impulsion ayant pour effet de rendre sa déambulation encore plus bruyante.

Je ne suis pas là, ne me regardez pas, travaillez bien gentiment, se lamenta-t-il, mortifié, fixant le sol luisant sous ses pas.

Il n'y eut par chance aucun ricanement sur son passage, même s'il capta quelques sourires amusés, mais il fut tout de même bien plus à l'aise quand l'ascenseur qui le conduirait au troisième étage ferma ses portes et l'isola de la salle du rez-de-chaussée qu'il venait de parcourir au pas de course. La montée fut très rapide, il ne prit personne en route, pour son plus grand soulagement, et son moyen de transport s'arrêta à bon port, ouvrant ses portes sur un couloir au sol brillant lui aussi, des cloisons vitrées isolant les bureaux et les pièces qui se trouvaient là. Il repéra un écriteau qui indiquait la direction des films et CD, mais il alla plutôt vers celui qui indiquait sa destination. La porte se trouva bientôt face à lui, et il respira un petit coup avant d'en abaisser la poignée, se préparant mentalement à parler à quelqu'un.

Cependant, son souffle retomba quand il vit qui se trouvait derrière le battant, assise à son bureau.

« Jehanne ! Ça fait longtemps ! S'extasia le garçon en s'approchant d'elle, qui lui fit un grand sourire. Ça va ?

- Hazza ! Moi oui, je dois donner des livres et manuels à des étudiants mutiques, c'est épuisant. J'imagine que tu viens pour la même chose ? Demanda la grande blonde de sa voix douce qui avait tant marqué le jeune homme lors de leur première rencontre.

- Tu imagines bien. Tu as les programmes et les livres pour chaque promo ? J'ai déjà une petite liste, mais ce n'est que le second jour et je ne voudrais pas t'embêter à revenir tous les après-midi, grimaça le bouclé en sortant un papier de sa poche.

- J'ai tous les programmes oui, sourit la jeune femme en cliquant plusieurs fois sur la souris de son ordinateur, quoique ça ne me dérangerait pas de voir ton doux visage tous les jours. Tu es en première année de médecine, c'est ça ?

- Oui. »

Alors que Jehanne s'activait sur son PC, Harry observait le bureau autour de lui, qui se trouvait être assez simple et parfaitement rangé si l'on omettait les piles de cartons contenant des manuels scolaires derrière elle, certains encore fermés et d'autres déjà vides.

« J'ai ta liste, j'espère que tu as de la place dans ton sac, plaisanta gentiment son amie en redirigeant son regard gris pâle dans le sien.

- On va imaginer que oui, sinon j'ai mes bras, rit Harry en désignant ses muscles impressionnants de par leur absence relative. J'en ai beaucoup ? Craignit-il après-coup.

- On peut dire ça, mais toi et ta promo n'êtes pas les rois de ce domaine cette année. Une fois on a eu une promo qui devait avoir treize livres différents pour la semaine, et un voire deux pour chaque matière chaque jour. Crois-moi qu'ils étaient baraqués à la fin de l'année. Toi ça va, vous en avez huit.

- Quel est le maximum cette année ? Demanda le garçon, éberlué.

- Onze. Vous en êtes loin avec ta classe. On va avoir le temps de papoter le temps que je te sorte tout ça, j'espère que ça ne te dérange pas, soupira Jehanne en regardant les cartons entassés derrière elle.

- J'ai tout mon temps, la rassura Harry en s'adossant au mur, la regardant déplacer les énormes contenants - qui devaient peser une tonne en y repensant. Tu veux de l'aide ?

- Oh oui je t'en supplie, grogna-t-elle en laissant tomber l'une des boîtes sur le sol, qui émit un son proche d'une avalanche. Tu n'es pas le premier à venir aujourd'hui ; j'ai cru mourir lorsqu'un gars est venu me demander le carton tout en dessous de la pile.

- Il t'a proposé son aide quand il a vu ta tête ?

- Non, ce malotru n'a regardé que son téléphone et a râlé quand il a trouvé que je mettais trop de temps, me disant à peine merci et partant comme un voleur quand je lui ai expliqué quand et comment le rendre. Vraiment, je le retiens celui-là.

- Peut-être qu'il était préoccupé par quelque chose ? Conjectura Harry, qui dans sa nature ne pouvait pas concevoir qu'une personne soit aussi malpolie comme le fut ce garçon-là.

- On ne saura jamais, mais c'est gentil à toi de le défendre, reconnut Jehanne en déplaçant un carton avec son aide - et en effet c'était très lourd. À part ça, tu t'intègres ici ?

- Oui, j'ai rencontré pas mal de nouvelles personnes, songea le bouclé en recevant l'un de ses livres. Déjà à la chorale masculine, ça m'a permis entre-autres de rencontrer plusieurs bons gars dont l'un qui cherchait un travail, je lui ai proposé les Crustacés et il fait son jour d'essai aujourd'hui, j'ai recroisé un autre des gars hier midi avec son chien et ça m'a fait rencontrer Betty, qui je pense pourrait bien devenir ma meilleure amie, et il y en a d'autres encore...

- Tu es très sociable, remarqua Jehanne en formant un début de pile de manuels sur son bureau, quand je suis arrivée j'arrivais à peine à former une phrase devant les autres et j'ai honnêtement mis plusieurs semaines avant de me faire mes premiers amis, dont Wilhelm et Niall, réfléchit la jeune femme en s'asseyant sur l'un des cartons pour fouiller dedans. J'étais affreusement timide. J'ai rencontré Wilhelm alors qu'il avait dix-huit ans et qu'il jouait de son violon dans l'orchestre, où moi je faisais de la flûte traversière. Je ne te cache pas que j'ai un peu crushé sur lui au début, rit-elle doucement, il était incroyablement séduisant en jouant et je crois qu'il ne s'en rend toujours pas vraiment compte, même s'il fait souvent des blagues à ce sujet. Et qu'est-ce qu'il est doué ! Tu l'as déjà vu onduler avec son instrument ? Avec sa tête concentrée, il en a fait tomber plus d'une. C'est limite si la moitié des filles du premier rang bavaient sur lui quand on était en concert, j'étais outrée.

- C'est drôle que ce soit ton ami maintenant alors que tu as eu un faible pour lui, rit Harry en dévoilant ses fossettes, je ne sais pas si j'aurais pu moi.

- Ce n'était pas une attirance très sérieuse, apaisa la blonde en agitant ses longues mains, et puis il le sait, les action ou vérité auront ma mort, sourit-elle en secouant la tête. Heureusement que c'était déjà fini quand on a ramené ça sur le tapis. Il était gêné, pas encore au courant d'à quel point il était attirant. Sa tête, je m'en souviens encore, on aurait dit un meme de chat stupide sur Internet, et il a hurlé un énorme ''TRAHISON'' dramatique, me demandant par la suite pourquoi lui et pas un autre, ce qu'il avait en plus, tout ça.

- Et comment tu as rencontré Niall et Liam ? S'intéressa Harry, s'asseyant à son tour, pas fâché de faire un petite pause discussion.

- Je n'en fais plus partie aujourd'hui, mais j'ai croisé Niall de nombreuses fois à la chorale en Tutti ou même en répétitions soprane-alto. On ne se parlait pas encore à ce moment-là, c'était juste une connaissance de vue. On est vraiment devenus amis quand Wilhelm nous a présentés, puisqu'on s'était rapprochés tous les deux, ou plutôt il s'était approché de moi, parce que j'étais bien trop timide pour faire quoi que ce soit, pouffa-t-elle en se souvenant. Il trouvait mon talent à la flûte traversière indéniable, et il voulait me poser des questions sur mes techniques d'apprentissages... C'est comme ça que j'ai connu Niall plus en profondeur, et pour Liam c'est assez simple. Devine, vraiment ça coule de source.

- Tu as flashé sur lui aussi ? Plaisanta le garçon, riant fortement devant la grimace de son amie.

- Trop âgé pour moi, il avait vingt-quatre ans et moi dix-sept ! Non, on s'est juste rencontrés quand je me suis inscrite et à nouveau quand j'ai postulé pour un poste à l'administration. C'est tout bête.

- En effet, sourit Harry. Les autres se sont ajoutés par la suite ? Olive, Lucas, Roxane ?

- Oui c'est un peu ça, il me semble que Roxane a intégré le groupe après avoir joué le rôle de l'employée dévouée un peu trop fidèlement pendant une sortie de Wilhelm et Liam, et ça a bien fait rire Will, qui lui a demandé son numéro à la fin des achats de Liam, qui n'en pouvait plus. Lucas et Olive, ils étaient déjà en couple. Ça fait environ un an qu'on les connaît, enfin, moi en tout cas, car les fêtes de Lucas ne sont plus à présenter. Les premiers signes de leur intégration dans notre groupe ont suivi la fameuse soirée où Lucas a raccompagné quelqu'un un soir en étant encore plus torché que lui, tentant ensuite de faire le chemin inverse pour rentrer chez lui mais se perdant en route, atterrissant plutôt chez Louis qui l'a pris sous son aile.

- Mais vous n'êtes pas plus proches de Louis que ça, si ? Releva Harry, ne se souvenant pas de l'avoir vu proche de quelqu'un d'autre que Charlie, même avant la rentrée, quand Harry passait toutes ses journées avec son groupe d'amis.

- On peut se dire ça, c'est vrai, tu ne l'as pas vu avec nous, sourit tristement Jehanne en regrettant soudainement cette distance, mais même s'il reste souvent avec Charlie qui est sa meilleure amie, Louis est un élément clef de notre groupe avec Will, Liam, Thomas, Niall, Roxane, et d'autres que tu n'auras pas la chance de rencontrer parce qu'ils sont partis. On remarque son absence, vraiment, il est... une vraie boule d'énergie, le roi du sarcasme aussi, ses discussions peuvent partir si loin avec Will et Niall... C'est souvent à même de faire rire Liam sincèrement, ce qui n'arrive pas tous les jours. Ça fait bien six mois qu'il s'éloigne lentement de nous.

- Il y a une raison à son éloignement ? S'intéressa Harry, les sourcils froncés. »

Il avait grandement apprécié la compagnie de Louis, qui lui semblait être une personne exceptionnelle, mais il ne le voyait pas s'isoler de ses amis du tout, pas volontairement du moins. Le moment où Will les proclamait futur couple du campus lui revint en mémoire, le faisant doucement sourire.

« S'il y en a une, je ne la connais pas, soupira Jehanne en retournant eu travail, recommençant à déplacer ses cartons pour atteindre ceux qui l'intéressaient. Je sais qu'il partage son temps entre rester avec Charlie et ses études, mais je ne sais rien de plus. Ça me rend simplement triste de voir que des gens partent, même si on n'y peut rien. »

Harry ne répondit rien, plongé dans ses pensées. Comment Charlie pourrait-elle retenir Louis près d'elle alors qu'elle se débrouillait parfaitement avec son handicap et avait largement assez de compagnie pour ne pas se sentir seule ?

« Charlie va bien en ce moment ? Demanda-t-il après un instant de silence, la question quittant ses lèvres avant qu'il n'ait réfléchi à sa pertinence.

- Je ne crois pas, soupira Jehanne en slalomant entre les boîtes jonchant le sol. Tu sais, elle est très spéciale comme fille, la comprendre n'est pas une mince affaire, et c'est pour ça que j'admire profondément Louis, qui a su entrer dans son monde et la... tempérer. Elle n'est pas violente, juste... particulière. Mais en ce moment, je ne sais pas, les rares fois où je l'ai croisée autre part que dans l'immeuble musical, elle était colérique, perturbée, silencieuse.

- N'est-elle pas comme ça naturellement ? S'étonna Harry en songeant que c'était comme ça qu'il la connaissait.

- Justement non. Charlie est antipathique, pince-sans-rire et sarcastique, mais sinon elle a un fond calme, doux, elle prend soin de chaque élève du campus quand elle en croise en difficulté, mais sans les brusquer, parce qu'elle ne montre justement aucune pitié et qu'elle parvient à trouver les bons mots naturellement. Elle est un exemple extraordinaire, et doublé à sa cécité, ce comportement fait d'elle une des personnes les plus appréciées ici, ça doit être pour ça qu'elle en est une des masters d'ailleurs, en dehors de son talent inné pour la musique. Elle a commencé à se mettre en colère et s'énerver régulièrement il y a moins d'un mois. Sa première crise en a choqué plus d'un, moi la première. Vraiment, sa voix n'a jamais été aussi caverneuse et sombre que ce jour-là. Si elle avait eu des yeux, je te jure qu'ils seraient devenus noirs. Elle était terrifiante. Avec ses cheveux blancs elle nous tenait en respect, on était tous muets.

- Pourquoi s'était-elle mise en colère ? Demanda Harry en songeant que sa propre arrivée datait de moins d'un mois plus tôt mais que lui avait entendu une voix claire et vive quand elle s'était énervée.

- Je ne sais plus- Ah, si ! On était aux Crustacés, toute la bande, et même Louis était là, pour une fois j'ai envie de dire, puisqu'on s'était plaints qu'on ne le voyait plus beaucoup et qu'il avait décidé de faire venir Charlie à nous pour qu'on fasse connaissance un peu plus en profondeur. Elle et nous on s'entend très bien, seulement on la croise peu, elle bosse énormément. Donc, ce jour-là, haleta Jehanne en soulevant un carton plus lourd que les autres - Harry accourut pour l'aider -, on mangeait nos plats, et Wilhelm parlait des visites qui auraient bientôt lieu, des futurs étudiants qui allaient venir, tout ça, et on continue sur ce sujet, jusqu'au moment où Charlie en passe à un autre. Une chose qui ne lui a pas plu est qu'on est retournés sur le sujet des futurs étudiants cinq minutes après, et quand elle a détourné à nouveau, Roxane a trouvé drôle de demander si elle en avait déjà reçu dans son bureau et qu'elle était gênée. Ne me regarde pas comme ça, Roxane peut faire des blagues de très mauvais goût si Thomas n'est pas là pour la calmer.

« Donc à ce niveau de la conversation, Charlie se tait, et les beaufs, j'ai cité Will et Niall, rebondissent et partent dans un délire étrange. Louis n'en est pas, je le vois serrer la main de Charlie sur son genou pour la calmer. Elle, elle est furax, ça se voit à la façon dont elle est tendue, elle repousse la main de Louis, mais ne dit rien. Sauf que Roxane continue sur sa lancée, et demande directement à Charlie quel est le petit nom de l'heureux élu. Charlie souffle du nez, elle commence à saturer. Entre elle et Roxane ça a toujours été explosif, elles sont toujours en train de se taper dessus, et Roxane n'ignore pas que Charlie est très professionnelle et absolument pas basée sur les relations humaines, encore moins physiques, donc appuyer sur cette insécurité elle a dû trouver ça chouette, je n'en ai aucune idée. Olive lui a lancé de se calmer, que ça devenait pas sympa, mais Roxane continuait, elle forçait, et Charlie serrait les dents tellement fort en face de moi que je me sentais mal. Lucas a dit doucement que ce genre de remarque est complètement impoli, et il a détourné le sujet pour aller sur autre chose, ce qui a apaisé tout le monde et relancé l'ambiance. Mais Roxane était déterminée.

- Elle a ramené la discussion sur les relations amoureuses ? Devina Harry sans mal, pas lassé de l'histoire.

- Exactement, elle a commencé à parler de son couple, puis a fait le tour de la table, faisant des blagues sur celui ''super gnan-gnan'', je cite, d'Olive et Lucas, puis sur le désert de Will, la récente rupture de Liam, jusqu'à arriver à Charlie, où elle a lancé un nombre incroyable de piques sur son asociabilité, sa taille qui ferait passer son copain pour un pédophile, sa coupe de cheveux qui ferait rire un cosplayeur, vraiment elle a tout fait, et les autres étaient gênés de nouveau et en colère contre elle, parce que merde, c'était super méchant ce qu'elle lui faisait là, devant tout le monde. J'ai vu Louis s'éclaircir la gorge, se préparant à parler pour lui dire d'arrêter, quelque chose pour protéger sa meilleure amie quoi, en plus je sais que s'il en avait eu le pouvoir il se serait levé depuis longtemps pour lui dire de la fermer, mais elle parlait tellement vite qu'il ne pouvait rien faire. Sauf que là Charlie a serré sa main à nouveau sur sa cuisse, et elle a parlé pour répondre, et juste ouah, sur le moment c'était terrifiant et tout, on avait l'impression de tous avoir tué quelqu'un. Roxane était livide. Charlie lui rendait tout ce qu'elle lui avait dit, mais c'était pas plus soft parce qu'elle était aveugle ; Roxane avait visé tous ses points physiques, mais elle elle dévoilait tout ce qu'elle savait que Roxane pensait d'elle-même, tout ce qui la mettait mal, tous ses problèmes liés à ses troubles comportementaux. Mais genre Charlie ne criait pas, elle ne parlait pas avec des piques comme l'avait fait Roxane, elle avait juste une voix, mon Dieu, elle pénétrait mes os. Après-coup, je te jure qu'elle était hyper cool, mais sur le moment on ne faisait pas les fiers ! Elle a bien appuyé sur le fait qu'elle comprenait pourquoi Louis restait avec elle en ce moment, que si lui il était reçu comme ça elle n'aurait aucun scrupule à nous signaler, et que c'était une drôle de manière de recevoir de nouvelles personnes dans un groupe, qu'elle souhaitait bien du courage aux futurs arrivants. Ensuite elle a demandé à Louis s'il désirait rester encore un peu, et rien que là sa voix était redevenue normale, enfin, normale cassée, et elle paraissait si douce pour lui, si gentille. On se sentait vraiment cons.

- C'est à ce moment là que Louis n'est plus venu du tout ? S'enquit Harry, tentant de faire des liens dans sa tête.

- Environ oui, en même temps vu comment ça s'est passé c'est compréhensible. Je l'ai recroisé plusieurs fois depuis, il ne nous en veut pas, mais il m'a avoué avoir eu super honte de nous. Il n'a pas eu de mal à convaincre Charlie que ce n'était pas comme ça d'habitude, après tout c'est une adulte et elle est diablement intelligente, mais elle a dit qu'elle ne reviendrait pas manger avec nous si c'était pour se faire incendier gratuitement, chose que je comprends tout à fait. On a eu une période de froid avec Roxane par la suite, qui n'a pas duré longtemps, et qui a fini quand elle a promis de ne plus venir ou de se retenir si Charlie revenait manger avec nous.

- C'est tant mieux, c'était inapproprié, se permit de commenter Harry. Mais pourquoi ? Pourquoi elles sont comme ça ?

- Je crois, réfléchit Jehanne en retournant à son bureau avec un livre supplémentaire, que c'est depuis que Roxane est partie du chœur. Elle en a fait partie une année, de mémoire, mais elle a limite fui parce que Charlie mettait trop de pression sur elle. Tu te souviens quand je disais que Roxane chantait vraiment très bien, il y a quelques semaines ? »

Le bouclé chercha un peu dans ses souvenirs mais ne tarda pas à hocher la tête.

« Eh bien ce talent, Charlie le reconnaissait, ce qui est assez rare, car si la personne chante bien elle lui dit que c'est bien, et elle dit la même chose à une personne bancale. Donc si elle dit que c'est vraiment très bien, c'est qu'il y a quelque chose de vraiment spécial. Mais comme Roxane était la seule comme ça, elle lui plaçait énormément de responsabilités dessus, et si Roxane est talentueuse, elle est aussi très bavarde, ce qui a conduit à une surcharge de travail pour elle. Comme elle passait son temps à ne pas écouter tout prenait du retard, et Charlie lui faisait beaucoup de reproches.

- Je n'aurais pas pensé Charlie comme ça, elle devrait être indulgente, fit remarquer Harry, qui voyait mal cette description se coller à celle d'une Charlie prévenante.

- Elle est très clairvoyante, rétorqua Jehanne. Elle sait beaucoup de choses rien qu'à ta démarche ou la façon dont tu la salues, et sans doute pensait-elle que Roxane avait parfaitement les épaules pour tenir le rôle qu'elle lui avait attribué. Mais je ne saurais dire ce qui l'a vraiment poussée à se faire cette relation combative avec Roxane. »

Harry réfléchit une seconde. Charlie était décidément un personnage qu'il ne comprenait pas du tout. Tout comme d'autres, évidemment, mais elle semblait si inatteignable, et pourtant tellement célèbre ici.

« Voilà ton dernier bouquin ! L'interrompit brusquement - sans le vouloir la connaissant - Jehanne en claquant le manuel sur la pile du garçon, qui promettait déjà d'être lourde. Tu te débrouilles pour tout faire loger dans ton sac ?

- Est-ce que ça peut loger dans un sac ? Détourna Harry en mettant ses poings sur ses hanches. »

L'avantage de cette petite blague fut qu'elle le distrayit suffisamment lui-même pour cesser de penser au problème Charlie, gagnant au passage un petit rire de Jehanne. Il y réfléchirait plus tard.

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