Entre Actes
Quelques spectateurs se lèvent et quittent la salle. Serait-ce par ennuie ou à cause d'une envie pressante ? Peut-être vont-ils tout simplement s'encrasser les poumons.
Deux personnes habillées de noirs montent les marches qui desservent la scène. Ils vont vers les deux corps étendus et tentent de les séparer.
Des cris et des larmes glacent le sang des observateurs impuissants.
La jeune fille s'accroche au corps de sa moitié voulant rester ainsi pour l'éternité. À bout de force, elle finit par lâcher prise.
L'un des deux hommes portent le cadavre de façon à laisser la tête pendre dans le vide.
Le second encercle de ses bras puissant l'étudiante pour l'empêcher de courir rejoindre celui qu'elle aime.
Certaines de ses blessures se remettent à saigner mais cela lui importe peu en réalité.
On l'attrape par les bras et on la tire, on la traîne sur les planches. Elle s'écorche les jambes en se débattant.
Elle supplie et hurle qu'on la laisse près de son tendre amour.
Qu'on la laisse lui dire une dernière fois au revoir.
Qu'on la laisse lui dire adieu.
Qu'on la laisse lui dire "je t'aime".
Les spectateurs souhaitent sincèrement lui venir en aide, mais ils sont littéralement mains et poings liés. Il voudraient pouvoir ramener Roméo auprès de sa Juliette, mais cela leur est impossible et ils ne le savent que trop bien.
Le porteur n'a pas finit de traverser la scène que de minuscules gouttes de sang se mettent à chuter du cadavre.
L'actrice est au sol, recroquevillée sur elle même entrain de pleurer. Elle relève la tête en entendant cet infime son. Son corps se met à trembler de fureur et de tristesse à la fois, incapable de le contrôler. Elle fixe ses mains, recouvertes d'un rouge encore vif, ne semblant pas vouloir s'en détacher.
Elle le sait désormais et ne peut plus l'ignorer.
C'est comme si elle ne pouvait pas le faire disparaître.
C'est comme si elle savait que la seule et unique responsable n'était autre qu'elle.
C'est comme si on lui annonçait que plus jamais elle ne pourrait ne serait-ce que sourire.
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Son seul crime n'a jamais été que de m'aimer.
Il sait que je l'aime.
Il le savait. J'en suis persuadée. Si jamais je pensais le contraire, ne serait-ce qu'une seconde, j'effacerai tout ce que nous avons construit.
C'est décidé, je vais me débarrasser de ceux qui ont souhaité me détruire, nous détruire.
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Seule sur les planches, la fille est allongée, se noyant dans ses propres larmes.
La scène n'est éclairée plus que d'un seul halo de lumière. Celui-ci est faible, mais suffisant pour distinguer sa silhouette.
Les sanglots de la jeune femme viennent jusqu'aux témoins de ce pathétique spectacle. Ils compatissent.
Un silence vient soudainement emplir le théâtre. Tout le monde a arrêté de respirer quelques secondes. Comme si ils avaient oublié. Ils ne peuvent désormais plus détacher leur regard. Ils sont comme hypnotisés.
Les derniers spectateurs ont rejoint leur siège sans un bruit, de peur d'attirer l'attention de la protagoniste.
Puis un rire étrange résonna. Le corps se souleva.
La jeune fille s'était comme métamorphosée en une vulgaire marionnette. Les genoux pliés et collés, les bras tombant le long du corps et la tête à peine soutenue par les cervicales.
Ce n'est plus elle qui tirait les ficelles, elle le savait et eux aussi.
Elle semble être prise d'un fou rire incontrôlable. Cela dura une dizaine de secondes.
Puis elle s'arrêta soudainement. Elle releva la tête avec une lenteur indescriptible pour finalement prononcer ces quelques mots :
- Je les tuerai tous jusqu'au dernier.
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