Acte II scène 2
"Pour vivre, il faut aller de l'avant. Pour aller de l'avant, il faut pardonner. Pour pardonner, il faut oublier. Mais c'est la seule chose dont l'Homme soit incapable."
Mes paupières se sont closent à plusieurs reprises. Mais à chaque fois, j'étais suffisamment proche de la surface ne serait-ce que pour l'effleurer du bout des doigts.
Je suis restée un long moment au sol. Ne pouvant pas être déplacée sans que les médecins ne risquent de me perdre définitivement.
Des éclairs ont traversés ma poitrine, mon souffle à plusieurs reprises s'est coupé et l'ensemble de mon corps s'est mis à trembler.
Une fois stabilisée, on m'a installé dans mon lit. On m'a attachée. On m'a droguée...
J'ai beau être physiquement dans cette pièce, j'ai la sensation que mon existence n'est qu'une tromperie de mon esprit. Un moyen de me rassurer en quelque sorte.
Mes yeux sont ouverts, ma bouche totalement close et toutes tentatives pour entrer en contact est vaines.
Je me retrouve seule, dans une chambre vide. Incapable de bouger ou de communiquer.
Et si c'était cela l'au-delà. Et si en réalité on se retrouvait prisonnier de notre propre existence jusqu'à ce que notre âme ne se décompose.
Shootée par des calmants et des antalgiques. Reliée à des machines dont je ne peux qu'imaginer les noms ainsi que leur utilité. Prisonnière de ma couche grâce à des sangles pour "me protéger".
Je vois chaque seconde, chaque minute et chaque heure s'écouler.
Je suis plus que consciente du temps qui passe et c'est un véritable supplice.
Je me retrouve tout simplement face à moi même.
Chaque jour, Gregory vient à mon chevet pour me parler, pour raconter ce qu'il a fait de sa journée puis c'est ma soeur qui passe. Elle ne fait que pleurer et se flageller.
Peu importe le visiteur, je ne peux rien faire d'autre que fixer le plafond de cette chambre et écouter. Parfois, j'ai l'impression que leurs voix s'éloignent alors que c'est moi qui pars au loin.
Dès que je trouve suffisamment de motivation, j'essaye de bouger, ne serait-ce que d'un millimètre, pour garder espoir, avoir d'une certaine manière un but à atteindre, mais rien y fait.
_________________________________________________________________________________
Tout les jours, j'y ai droit. Le passage de cette infirmière qui vient pour me faire la toilette.
Je me sens dégradée et même humiliée.
Je ne comprends pas pourquoi est-ce que je suis ainsi.
Pourquoi est-ce que je suis enfermée dans ce corps?
Pourquoi est-ce que l'on me garde ainsi ?
Si faible, si amorphe, si vide.
Cela doit faire onze jours que je subis ma propre existence.
Et un peu moins de la moitié que je commence à entendre une voix.
C'est celle d'un homme, enfin d'un jeune homme. Quand je ferme les yeux, je peux presque le voir, presque le toucher. Mais il est si loin. Je ne le connais absolument pas, et pourtant, nous nous ressemblons tellement.
_________________________________________________________________________________
Le médecin qui me suit a finalement décidé de me libérer de mes entraves. D'après lui, je ne risque plus rien.
J'ai l'impression d'être punie pour ne pas avoir était suffisamment forte.
Comme si la victime était en réalité le monstre responsable de tout ce cirque.
Aujourd'hui encore, mon petit ami est venu à mon chevet. Il s'est endormi dans le fauteuil et sa tête était juste à côté de ma main gauche.
J'essaye comme d'habitude de bouger, mais il n'en est rien.
Sans oublier cette petite voix qui n'a cessé de me titiller et de me pousser ces jours-ci.
Il refuse que je baisse les bras. Il dit que nous avons trop de choses à faire et que l'abandon n'est pas une option.
Au bout d'une heure peut-être, Greg se réveille et m'annonce que mon traitement va être diminué voire arrêté. Je ne sais pas comment prendre la nouvelle. Bien-sûr je suis heureuse, mais je ne sais pas ce que cela va impliquer.
Le soir même, une de mes nombreuses perfusions est retirées. A force de n'avoir rien à faire d'autre que d'inspecter la chambre, j'ai finis par comprendre le fonctionnement de tout cet attirail. Il s'agit de celle contenant les calmants.
_________________________________________________________________________________
Deux jours se sont écoulés et je commence enfin à retrouver ma motricité. Plus les jours passent et plus je peux faire de mouvements seules.
La voix est toujours là. Je pensais que ce n'était qu'un effet secondaire du traitement, mais il semble s'être attaché à moi. Je ne sais pas comment, mais j'ai finis par découvrir son nom.
A vrai dire ça m'a fait du bien de lui parler. Il comprend ce que je ressens. Mais l'ennuie, c'est que j'ai l'impression de ne plus avoir de vie privée. C'est comme s'il était derrière moi en permanence.
Nous avons réfléchis un long moment à quoi faire une fois que nous pourrions sortir d'ici. Nous ne sommes pas d'accord. Il veut que nous nous vengions tandis que je veux simplement enfuir tout ces souvenirs au plus profond de mon être.
Tout oublier pour recommencer.
______________________________________________________________________________
Aujourd'hui, avec une infirmière, nous avons marché jusqu'à la porte de la chambre sans que je ne sois épuisée à la fin.
Ma rééducation prend du temps, mais elle avance. Je ne stagne plus et je dois dire que ça fait du bien de ne plus être une simple poupée de chiffon sans âme.
Tout les jours, Gregory vient pour me raconter ses dernières aventures.
Nous avons réappris à rire, nous avons réappris à vivre.
Toutefois, je dois dire qu'à certains moments dans la journée, des images me reviennent. Elles me hantent comme pour me dire que j'ai encore quelque chose à faire. Des fois je me demande si ce n'est pas lui qui me les montre pour me dire qu'aller de l'avant ne m'aidera pas à oublier.
________________________________________________________________________________
J'ai calculé et aujourd'hui, cela fait 26 jours que nous nous sommes fait agresser. Je n'en reviens toujours pas. Tout les deux jours, j'ai le droit de passer une heure entière avec une psychologue pour savoir si oui ou non je peux quitter l'hôpital.
Au début je voulais lui parler de cette voix dans ma tête, mais cette femme me fait peur. On dirait que lorsqu'elle me demande de raconter cette nuit là, que j'ai mérité ce qui m'est arrivé. Je ne veux pas qu'elle me prenne pour une folle en plus de ça.
Quand elle me regarde, il n'y a rien d'autre que du dégoût.
Elle pense que j'ai tout inventé.
Elle me pose des questions comme : Que portiez-vous ? N'était-ce pas trop provoquant ? Est-ce que vous avez une réputation particulière dans votre entourage ? ...
__________________________________________________________________________________
Ne pouvant pas parler et n'ayant rien d'autre à faire de toute la journée, avec mon petit ami, nous avons appris le langage des signes. Ce fut quelque peu laborieux au début, mais aujourd'hui, nous arrivons à tenir de véritables conversations.
Il n'est plus le seul à parler et au moins, je peux partager mes pensées avec quelqu'un d'autre.
Au fond j'aime bien Simon, mais parfois il me fait peur avec ses pensées. Elles sont si sombres que parfois je me demande où est-ce qu'il va chercher des choses aussi horribles.
Sa voix résonne comme un écho.
Est-ce lui qui a des idées aussi sombres ou ne fait-il me montrer ce qu'il se cache au plus profond de moi ?
J'ai donc décidé de mettre un peu de distance entre nous. Il n'apprécie guère, mais à vrai dire, il n'a pas vraiment le choix. C'est assez compliqué à expliquer. C'est comme si je pouvais l'enfermer dans une petite boite.
Malgré tout, je peux entendre ses cris. Il me supplie de le laisser sortir. Mais il me fait peur. Je suis terrifiée rien qu'en imaginant tout ce dont il est capable.
__________________________________________________________________________________
Cela doit faire la septième fois que des policiers viennent à l'hôpital pour m'interroger. A chaque fois, le médecin de garde leur demande de repasser plus tard et que j'ai encore besoin de repos.
Cette fois-ci, Gregory est là et souhaite leur parler.
Je pense qu'il ne comprend pas pourquoi est-ce que je continue de me taire. Mise à part mes agresseurs et moi même, personne ne connait leur identité.
Nous sommes finalement retourné dans le lit pour regarder un film. Comme d'habitude, les larves, que nous sommes, se sont endormis jusqu'à l'heure à laquelle les visites prennent fin.
Je n'ai pas eu le temps d'émerger totalement qu'il me l'a demandé pour la première fois et en chuchotant :
- Qui ?
Je me suis redressée un trop vite et me suis cognée le bras contre un des rebords du lit.
Je ne veux pas qu'il soit impliqué. Je veux simplement que l'on reprenne notre vie là où on l'a laissé; rien de plus.
Je secoue la tête de gauche à droite; il ne s'énerve pas mais semble presque déçu. Il se lève et sort du lit sans un mot. Je lui attrape le poignet et l'oblige à se retourner.
Il pose sa seconde main sur ma joue et dépose un baiser sur mon front. Lorsqu'il recule, je vois ses yeux rougis et à l'instant où il récupère son blouson, je comprends qu'il s'apprête à rentrer chez lui.
Il quitte la chambre alors que je m'extirpe à mon tour du lit. J'essaye d'avancer, mais suis toujours prisonnière.
Ne le laisse pas partir.
Ce chuchotement suffit amplement à me mettre dans tout mes états. J'arrache littéralement les perfusions et le cathéter pour le rejoindre. Je ne veux pas qu'il s'en aille ainsi.
En posant le pied à terre, tout mes muscles sont en tension, mon rythme cardiaque s'accélère et ma respiration est désormais saccadée.
Je commence à paniquer. Ce sentiment me prend à la gorge et me replonge dans ces souvenirs que je pensais avoir enfuis au plus profond de mon être.
Cette respiration masculine toujours derrière moi, comme s'il n'avait jamais cessé d'être là.
Ces douleurs qui ne m'ont jamais vraiment quittés.
Ces images qui ne font que passer en boucle.
J'ai l'impression de retourner dans cette foutue ruelle.
Je tombe à genoux et en pleurs. Des bruits de pas dans mon dos me transportent littéralement.
Lorsque j'ouvre de nouveau les yeux, le sol est fait de pavés, de l'alcool mélangé à de l'urine s'écoule dans un égout non loin et la fraîcheur de la nuit me fait trembler.
Je n'ai pas le temps de jeter un dernier coup d'œil aux étoiles que des mains immenses se posent sur mes épaules.
Je me redresse brutalement et fixe le réverbère au bout de la rue.
Encore ?
Vas-tu te laisser faire une seconde fois ou te battre ?
La voix de Simon est comme un écho lointain. Un parfum restait sur un vieux pull.
Je commence alors à me débattre comme une lionne. Je ne les laisserai pas recommencer ! Je pleure et hurle à m'en flinguer les cordes et les joues, à m'encrever les poumons:
- Non ! Alex ! Stop !
Je suis vite ramenée dans la chambre de l'hôpital lorsqu'une voix masculine se met à me supplier et le visage de Gregory apparaître face au mien.
Mon cœur fait un bond. Ma respiration se stoppe.
De l'horreur ainsi que de la haine se dessinent alors sur le visage de mon petit ami. Je voudrais tellement qu'il me prenne dans ses bras; mais il se lève en furie et part de nouveau.
Je me poste sur mes pieds, avance jusqu'à la porte et m'accrochant à l'encadrement, je l'appelle à plusieurs reprises. Il ne se retourna qu'une fois dans l'ascenseur. Il me fixa les yeux rouges avant de signer :
Je t'aime.
- GREG !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top