Acte I scène 2

On apprécie les personnes qui nous sont proches. Puis nous les aimons le plus sincèrement possible.

- Yame, Yasme ! Yomedeto Gabrielle !

Alain, mon Senseï lève le bras gauche pour annoncer ma victoire. Le combat est enfin terminé. Nous nous saluons avant que les autres ne m'applaudissent et viennent à ma rencontre pour me serrer la main. J'ai enfin prouvé que les muscles ne font pas tout. Aurélien; mon adversaire, me rejoint et me prend dans ses bras. Il a beau être mon parrain, je peux sentir aux douleurs dans mes côtes et mon abdomen qu'il n'a pas retenu ses coups.

Je tousse un peu et essuie mon visage avec ma manche gauche. Un filet de sang apparaît alors sur le tissus blanc. Surprise, je pense d'abord m'être griffée le visage, mais il n'en est rien. Un goût métallique me vint soudainement. Je vais donc vers l'immense miroir qui recouvre presque en totalité le mur du fond.

Lorsque je me bats, j'ai tendance à me mordiller les lèvres. Et pour le coup, j'y étais vraiment fort, au point de me couper l'inférieure. Greg va encore dire que je ne fais pas assez attention. Je passe doucement le doigt sur la minuscule blessure tout en réfléchissant. Il faudra vraiment que je corrige ce fichu TOC (Trouble Obsessionnel Compulsif). Je sursaute presque lorsque l'un de mes amis m'invite à rejoindre le groupe. J'abandonne cette passionnante analyse et marche vers le centre du tatami.

Une fois à genoux et en cercle avec les autres, je me joins à la conversation concernant la démonstration annuelle. Ayant lieu quelques jours avant noël, nous devons ramener un maximum de personnes pour les sensibiliser aux agressions qui ont lieu dans les rues lors des fêtes de fin d'année.

Tandis que j'énonce la possibilité d'un combat de self défense en trois contre un ainsi que de travaux pratiques, Alexandre; qui est à côté de moi; me fait remarquer la coupure. Je stoppe mon explication, me tourne vers lui :

- Alors 2 petites secondes, mais les adultes sont entrain de discuter donc si tu pouvais éviter de couper la parole.

Je lui fais un doigt et lui passe la langue. Il y a un grand silence puis tout le monde se met à rire. Alex me fait une grimace en tentant une imitation pour finalement se replonger sérieusement dans la conversation.

Il est désormais temps d'aborder le sujet des passages de grades. Personnellement, je n'ai pas plus envie que cela d'obtenir la ceinture noire ainsi que la première danne. Je ne pense pas être suffisamment sérieuse et appliquée pour les mériter. On me force un peu la main et pour clore le débat, je promets d'y réfléchir sérieusement.

Alain met un terme à l'ensemble des discussions et annonce le salut. Nous nous alignons au bord du tatami et aujourd'hui, c'est à mon tour de le prononcer :

- Keiko Owarimasu
Seïza
Shomen Ni Rei
Sensei Ni Rei
Otaga Ni Rei
Kiritsu

Une fois les dernières poignées de mains serrées et les bises rendues, nous quittons la zone de combat en vue de nous changer. Dans les vestiaires, les filles me font une haie d'honneur. Je ne souris qu'à moitié, ne comprenant pas vraiment la raison de toute cette agitation et la raison pour laquelle je mérite tant d'acclamations. Je retire, avec plus de difficultés que je ne l'aurai crus, mon kimono et remets mes vêtements de civile. Quelques douleurs dû aux coups; reçus un peu plus tôt; reviennent sans prévenir, mais je sais pertinemment que c'est demain que je souffrirai le plus; j'en ris d'avance.

L'air frais de ce soir me fera beaucoup de bien; j'en suis persuadée. Au final, c'est bien que Léa ne soit pas là. Elle aurait encore hurlé sur mon adversaire pour m'avoir touché et sur l'arbitre pour ne pas avoir sifflé. Non rectification : elle aurait éclaté mon parrain pour n'avoir ne serait-ce qu'accepter de combattre contre moi et aurait mis l'arbitre ko pour m'avoir laissé mettre mon kimono.

Je cris un à jeudi à l'ensemble du dojo et prends la route. J'ai une petite demi-heure à pied pour rentrer à la maison; rien de bien méchant en soit. En arrivant sur le parking, une voiture s'arrête à côté de moi et la vitre avant du passager s'abaisse; laissant découvrir le visage d'Alexandre.

- Léa ne te récupère pas ce soir ?

- Non elle remplace Kata; lui expliquai-je.

- Tu veux que je te dépose ? Il est tard et il fait assez sombre tu sais; ce n'est pas très sûr.

- Merci beaucoup; répondis-je; mais ça ira.

- Gab,... j'insiste; répond t-il en ouvrant la portière se trouvant de mon côté.

Aussi collant et protecteur qu'un grand frère; pensais-je en souriant. Mais je comprends son inquiétude. Cela fait quelques mois que le nombres d'agressions de jeunes femmes a augmenté dans les environs. Et malheureusement ce genre de choses n'arrivent pas qu'aux autres je le sais que trop bien. Je suis bien contente d'être entourée de personnes comme Greg ou même Alex.

Je cède finalement à la demande et monte sans attendre. Bon je dois avouer que les douleurs commencent à peser et que le moindre repos me fera le plus grand bien. Mais plus le temps passe plus j'ai peur de rentrer seule.

Avant que je ne rencontre Gregory, Alex et moi étions toujours ensemble. Il savait tout de moi. Même après l'incident, il passait des heures entières avec moi pour être sûr que je ne fasse rien de stupide.

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À une époque, Greg, Alex et moi étions dans la même classe. Greg passait souvent à la maison pour me déposer les cours, les devoirs, les derniers potins. Il voulait que je me sente la moins seule possible et que je ne prenne pas trop de retard sur le programme.

Un jour, alors qu'il venait à peine de partir, j'ai craqué. Je n'y arrivais plus.

Ce jour là, j'ai eu vraiment beaucoup de chance. Dans la précipitation, Greg avait oublié son tel et comme Léa n'allait pas tarder à rentrer, je n'avais pas verrouillé la porte d'entrée.

Il avait fait demi-tour au bout de la rue et était entré sans attendre une quelconque autorisation de ma part. Il est entre dans le salon et en me cherchant pour me prévenir de son nouveau départ, il passa devant la baie vitrée.

Les seules choses qu'il vit furent: la balançoire, la corde et moi au bout de cette dernière.

Je garde encore quelques images de ces instants graves dans ma mémoire. Je l'ai vu se précipiter, une chaise à la main, sur la terrasse; traversant le jardin à vive allure. Je peu presque entendre le son de sa voix étouffant le bruit de sa course. Ses hurlements remplis de souffrance.


Mon corps entier tremblait à cause du manque d'oxygène. Quand je le vis se précipiter, j'essayais de me défaire de ce serpent, mais en vain. Ce que je recherchais en réalité était tout autre.

Puis ce fût le noir. Plus de son ni d'image. Je me souviens avoir repris connaissance dans un camion de pompier. J'avais un masque à oxygène sur le visage et un cathéter planté dans le bras droit. Je me souviens aussi de cette chaleur. Gregory me tenait la main. Ce geste presque ennuyeux nous était vital.

J'eus le droit à plusieurs semaines d'observation avec des visites chez un psychologue. Chaque séance était une véritable torture et la seule chose qui me faisait du bien dans la journée était de le voir lui, m'apportant mes devoirs et faisant celle-ci tout était normal. Il était le seul à ne pas me traiter comme une attardée.

J'ai finit par avoir l'immense privilège de pouvoir sortir et quand je suis arrivée chez moi, je trouvais une rose d'un blanc immaculé accompagnée d'un petit mot de son attention :

" Je ne pourrai jamais comprendre, mais je serai toujours là à tes côtés."

c'est la première fois que je n'avais plus l'impression d'être seule. Je sais que c'est injuste et égoïste de ma part au vu de tous les efforts et sacrifices de Léa, mais à ce moment précis, c'était la seule personne au monde qui avait pu prendre le temps d'être avec moi et de m'écouter.

J'ai repris goût à la vie à ses côtés et quelques mois plus tard, tel un gentleman, il me demanda si je voulais bien de lui. Je l'ai d'abord insulté d'idiot car il était évident pour moi que je ne serai rien sans lui. Puis j'acceptais cette douce proposition.


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Je suis vite ramenée à la réalité lorsque le conducteur me sort sans ménagement :

- Ceinture.

Je ne relève pas et obéis sans attendre. La voiture démarre et roule en direction de ma petite ville. La tension dans l'habitacle est palpable et d'une étrangeté sans nom. Je veux raconter une petite blague pour détendre l'atmosphère, mais Alex commence à parler. J'ai l'impression qu'il discute avec lui même. Il me fait un monologue monstre et j'en ignore totalement le sujet. Il pose des questions et y répond avant même que je ne puisse y penser. Puis un nouveau silence fait son entrée. Je me tourne vers mon ami et constatant la sueur sur son visage ainsi que sa conduite plus nerveuse qu'à l'habitude, je me sens contrainte de lui demander :

- Il y a quelque chose qui ne va pas ?

- Ne fais plus jamais ça !

Ne comprenant pas, je continue de le fixer avec un air interrogateur. Il me jette un regard noir avant de reprendre :

- Cette arrogance que tu dégages et cette manie à rabaisser les gens,...

- De quoi est-ce que tu parles ?

- J'ai toujours été présent; aussi bien dans les mauvais que dans les bons moments. On a passé toute notre enfance ensemble non pas parce qu'à un moment tu en avais besoin mais parce que moi j'en avais besoin. Au final, c'est ce salopard qui récolte tout les lauriers ! Tout ce que je reçois moi, ce sont de pauvres remarques blessantes quand tu te rends enfin compte que j'existe toujours ! Quand tu te souviens enfin de tout ce que j'ai fais, de tout ce que j'ai sacrifié pour toi !

Il finit par hurler. Par laisser toute la colère qui s'était accumulée s'évacuer dans un cri d'agonie. Ses mâchoires se serrent mais les mots parviennent tout de même à s'échapper de nouveau. Il hurle de nouveau me faisant même peur. Il explique alors les sentiments qu'il a pour moi depuis que nous sommes au collège ainsi que la manière dont Gregory s'y est pris pour briser notre amour naissant. Il crache des insanités sur mon petit ami dont le sens ne m'est même pas familier.

Nous sommes désormais sur la grande route. À l'entrée de la ville. La voiture ralentie et s'arrête à hauteur du panneau. Le conducteur inspire profondément avant de s'excuser. De l'horreur et de l'effrois emplissent mes yeux ainsi que le moindre de mes muscles. Je suis tétanisée et n'ose bouger. Alexandre veut me prendre dans ses bras, mais je lui mets une gifle. Son visage tourné vers les sièges arrières, il se met à rire.

Il passe une main dans ses cheveux pour les remettre en place et recommence à me fixer. Je pense être au bord des larmes puisque ma vision commence à se troubler. De l'incompréhension remplace le sourire qui s'était dessiné sur son visage.

Sans que je comprenne ce qu'il se passe, il me tire vers lui et m'embrasse. Je le pousse de toutes mes forces pour le faire reculer, mais il insiste. Lorsqu'il fit passer sa langue dans ma bouche, je le mords aussi fort que possible. L'obligeant ainsi à s'écarter. Je me détache et tente de sortir. Comprenant mon intention. Il m'attrape par le bras gauche et le plaque sur le siège. Je ne le laisse pas faire quoi que ce soit d'autre et donne un coup au niveau de sa gorge avec le tranchant de ma main. Il lâche automatiquement sa prise pour essayer de reprendre son souffle.

J'ouvre la portière et cours avec mon sac -en main- pour rentrer le plus vite possible. Je mets une bonne dizaine de minutes avant de recouvrer mon calme. Je m'assois dans une petite ruelle et reprends haleine. Mais qu'est-ce qui lui a pris ? Je ne comprends pas son comportement ! Il est d'une gentillesse et d'une douceur tout autre habituellement.

Après la chute de quelques perles d'eau sur mes joues, j'inspire profondément et m'apprête à me lever lorsqu'un miaulement attire mon attention. Je tourne la tête sur la gauche et aperçois un chaton. Je tends le bras, la main avec la paume vers le ciel jusqu'à ce qu'il m'approche.

La petite boule de poils finit par ronronner et me faire des câlins à sa manière. Un sanglot étranglé s'échappe de mes lèvres sans que je n'ai souhaité son existence. La minuscule créature prend peur et s'enfuit à toutes pattes. Je me remets sur mes jambes et reprends la route.

Depuis tout à l'heure, j'ai dû le distancer. Je sors mon portable pour appeler Gregory et lui demander de venir. J'avoue être terrorisée et ne pas savoir quoi faire.

- Allo ?
- Hey ça était l'entraînement ? Tu as,...
-*Je ravale quelques larmes*
-Gab ça va pas ?
- Tu,... tu peux,... venir s'il te plaît ?
- Ne bouge pas j'ar,...

Une tonalité raisonne, m'indiquant que le réseau est trop faible. Pas besoin d'insister, je dois me rapprocher de mon habitation. Je marche un certain temps avant d'avoir une étrange sensation. Je ne sais absolument pas de quoi est-ce qu'il s'agit, mais c'est vraiment horrible. Un sentiment de peur et de paranoïa; comme-ci quelqu'un me suivait; or les seuls pas qui raisonnent dans la ville sont les miens et ceux des animaux errants. Je replace la bretelle de mon sac et accélère quelque peu le pas.

Je sors de nouveau mon portable et tente d'envoyer un message. C'est peine perdue, le réseau est toujours trop faible. Mes actes et mes pensées sont désormais l'œuvre de l'incompréhension. Je sursaute et me plaque contre un mur à chaque fois qu'un moteur passe près de moi.

J'essaye tout de même de rester calme, mais c'est plutôt compliqué dans ce genre de situation. Je prends une grande et profonde inspiration et expire lentement. De la fumée s'échappe et je ris bêtement. Mon cœur ralentie par la même occasion et son rythme se stabilise enfin.

Je regarde autour de moi et en levant les yeux vers la Lune, je me rassure. Je sais que si elle me voit alors eux aussi le peuvent. Je verse une larme sans pour autant de tristesse en repensant aux bons moments que nous avons partagés avant qu'ils ne partent. Je secoue doucement la tête pour me remettre les idées en place et reprendre la route.

Il ne me reste plus que quelques rues avant d'arriver à la maison. Je m'arrête un instant tandis que ce sentiment; tout nouveau pour moi; réapparaît et grandi d'avantage. Je jette un coup d'oeil aux environs. Rien. Plus qu'une ruelle et c'est bon; je presse ma course et prends l'avant dernier virage. J'envoie à Greg ma localisation actuelle par instinct, puis range mon atel. J'arrive à un petit passage et suis surprise en voyant un jeune homme appuyé contre l'une des parois.

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Yame *Arrêtez*
Yomedeto *Félicitation*
Keiko Owarimasu *fin de l'entraînement*
Seïza *Essayez vous*
Shomen Ni Rei *Saluer le fondateur Gichin Funakoshi*
Sensei Ni Rei *Saluer le Senseï*
Otaga Ni Rei *Saluer les autres élèves*
Kiritsu *Relevez vous*

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