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À Derry le ciel était d'un bleu azur sans aucune trace d'imperfection nuageuse, l'air était d'une tiédeur et d'une douceur qui annonçait parfaitement le début de la saison de l'été et le soleil illuminait les environs d'une lumière vive et éclatante.
Ses rayons venaient se refléter sur les verres en cul de bouteille des lunettes de Richie Tozier.
Étalé sur l'herbe verte, les yeux fermés et les mains croisées derrière sa tête, la partie gauche de son visage était exposée sous la chaleur et l'autre était plongée dans l'ombre. Une division, un équilibre qui le satisfaisait amplement pour le moment.
À ses côtés, assis en tailleur et plongé dans une concentration quasi extrême, Eddie Kaspbrak, dans son polo rose à manche courte, comptait une seconde fois son lot de médicaments qu'il portait toujours dans sa banane accrochée autour de sa taille.
Sur la banc derrière eux, Stanley Uris faisait glisser son crayon de bois avec des gestes experts sur son carnet à spirale qui reposait sur ses genoux. Des mèches bouclés tombaient à moitié devant ses yeux mais cela ne semblait pas le gêner. Autour de son cou était accroché une paire de jumelles à modèle réduit.
Le trio était en attente de Bill Denbrought, le dernier membre de la bande. Ils étaient quatre amis mais dans quelques jours ils allaient être sept.
Pour faire patienter le temps, ils vaquaient chacun à une occupation qui leur était propre dans un calme surprenant et inhabituel mais dont certains ne s'en plaignaient pas, bien au contraire.
- Je m'ennuie, dit alors le garçon aux cheveux ébènes en ouvrant les yeux pour ensuite être aveuglé pendant quelques secondes par le disque solaire.
Les deux autres poussèrent un léger soupir en prenant conscience que la pause était délibérément terminé. Le comique du groupe reprenait du service.
Richie se redressa sans prendre la peine de penser à replacer sa chevelure toute décoiffé. Eddie lui jeta un bref coup d'œil avant de se reporter sur ses gélules qu'il tenait dans les mains.
Ses lèvres s'agitaient mais aucun son n'était perceptible, il finissait de compter silencieusement tout en ayant accéléré la cadance avant que son meilleur ami ne se décide de venir gâcher son "travail".
- Qu'est ce que tu fais Eddie Spaghetti ? demanda t-il en s'approchant du petit brun qui fut pris soudainement d'une panique intérieure. Tu penses que tu as oublié de prendre tes pilules contraceptives ?
Mais il ne reçu aucune réponse, et encore moins une réaction de sa part. Il s'était même légèrement détourné comme s'il tenait à l'éviter.
D'abord perplexe et inquiet, Richie essaya de se remémorer s'il avait dit ou fait quelque chose de contraire à ses habitudes qui aurait pu vexer l'asthmatique.
Pourtant il lui en faisait toujours voir de toutes les couleurs depuis bien longtemps, manière de lui démontrer son affection de façon quelque peu spéciale, et il ne restait jamais bien longtemps furieux contre lui.
C'est alors qu'en l'observant, il finit par comprendre que son souhait actuel était qu'il le laisse tranquille dans son calcul.
Mais, fidèle à lui même, Richie n'allait bien évidemment pas lui faire ce plaisir.
À une vitesse ahurissante il débita des nombres de manière aléatoire et complètement désordonnée.
Eddie perdit rapidement le fil et il poussa un grognement en rangeant finalement tout dans son sac, pendant que son ami s'amusait du résultat.
- Tu te crois drôle ! Tout ce que je viens de faire n'a servi à rien ! T'es vraiment chiant !
- Chut ! Taisez-vous ! s'exclama soudainement Stanley.
Les deux amis se turent immédiatement et se tournèrent vers le juif. Il était quasiment improbable de l'entendre crier ou s'exprimer d'une voix plus élevée que l'accoutumé.
Mais quand cela concernait une de ses passions, il ne fallait surtout pas le déranger.
Les yeux plongés dans les oculaires de ses jumelles, il observait avec minutie en hauteur au dessus de l'arbre qui les plongeait dans l'ombre depuis tout à l'heure.
- Tu veux trouver des écureuils ?
- Non des oiseaux. Je cherche un spécimen assez rare que je suis en train d'étudier et je veux le dessiner.
- Je connais un spécimen rare, répondit immédiatement le jeune garçon à lunettes. La mère d'Eddie !
L'asthmatique, toujours en colère, lança sans préambule son sac à dos en direction de Richie qui commençait à ricaner bêtement. Mais la cible avait été si mal visée que le sac retomba pathétiquement comme un soufflet devant lui au lieu d'atteindre le brun à lunettes, ce qui fit redoubler les rires de ce dernier.
Bien décidé à ne pas se laisser faire cette fois-ci, Eddie décida de faire impasse sur la saleté et ses tocs et s'avança alors sur ses genoux vers Richie pour le faire tomber au sol.
- C'est toi le spécimen débile !
S'en suivit une drôle de gentille bagarre enfantine qui ne tarda pas à tourner au ridicule. Les deux meilleurs amis chacun oubliant leurs préoccupations premières, charrier son ami pour le premier, et l'animosité pour le second, ne tardèrent pas à faire entendre leurs rires remplis de bonne humeur et d'amusement.
Stanley, impuissant, abaissa ses jumelles avec un profond ennuie tandis que les deux autres continuaient à rire à ne plus en pouvoir et que les oiseaux s'étaient subitement envolés.
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