Surgissement (Chap. 2 - 3ème partie)


Il lui fallait un bon quart d'heure de marche pour rejoindre le cinéma en passant par les grandes artères éclairées. Un peu moins si elle passait par les petites rues que sa mère l'enjoignait toujours de ne pas emprunter parce qu'elles lui semblaient plus propices aux mauvaises rencontres. Marie hésita sur le chemin à prendre, mais vu son probable retard elle opta pour le plus rapide des deux. Elle marchait d'un pas vif et décidé, la capuche de son manteau rabattue sur sa tête. Elle ne prêta pas attention aux deux hommes qu'elle croisa, jusqu'à ce que dans son dos elle entendît l'un d'eux l'interpeller : « Eh toi ! ». Elle fit mine de ne pas entendre et poursuivit sa marche. Soudain elle sentit une main sur son épaule, qui la força à se retourner.

— Mais c'est la jolie rousse du café ! Celle qui a peur des garçons !

C'étaient les deux acolytes qui avaient accompagné sa voisine Sandra au café.

— Alors comme ça on a peur des garçons ?

— Non, répondit Marie sur un ton qu'elle espéra suffisamment neutre pour ne pas les provoquer et suffisamment ferme pour les décourager.

— Non ? On n'a pas peur ? dit l'un d'eux en approchant son visage du sien et en lui prenant le menton.

Elle le repoussa et tenta de repartir dans l'autre sens, mais les deux hommes se précipitèrent pour lui barrer la route. Elle fit un pas vers la gauche pour les esquiver mais ils se replacèrent devant elle. Elle tenta vers la droite, ils la bloquèrent.

— Laissez-moi passer, on m'attend, je vais être en retard, dit-elle d'une voix la plus affermie possible.

Mais les deux énergumènes ne semblaient pas disposés à lâcher leur proie. L'un d'eux poursuivit :

— Peut-être que t'aimes les filles et que t'as jamais goûté du garçon. Ça te dit de goûter du garçon ? dit-il en saisissant dans un geste obscène son propre sexe à travers son jean.

— Laissez-moi tranquille ! cria-t-elle en essayant de passer.

— Tiens-là ! ordonna le plus excité des deux à son comparse, qui obtempéra et vint derrière Marie la saisir par les bras.

Le premier vint se coller contre elle. Il commença à glisser ses mains sous son manteau et son pull, à la recherche du bouton pour défaire le jean de Marie.

— Tu vas voir comme c'est bon le jus d'homme, tu vas en redemander ! dit-il.

Elle se mit à hurler et à se débattre. Et puis soudain, elle entendit une voix d'une puissance incroyable :

— Lâchez-la !

C'était Angel, surgi d'on ne savait où.

Mais l'homme persévérait : il cherchait frénétiquement à déboutonner le jean de Marie.

— Allez viens Angel, on va juste s'amuser un peu !

— Lâche-la, tonna Angel. Immédiatement !

Comme l'homme restait sourd aux ordres d'Angel, Marie vit ce dernier le saisir par les cheveux derrière la tête et le soulever d'un bras à cinquante centimètres du sol. Il le maintint ainsi quelques instants en l'air.

— Je t'avais dit de la lâcher, dit Angel d'une voix calme mais noire de colère.

L'autre, celui qui tenait encore les bras de Marie, effrayé par cette démonstration de force surhumaine, la relâcha aussitôt. Angel reposa à terre le premier dont les jambes battaient l'air et lui intima :

— Ne refais jamais, tu m'entends bien, JAMAIS cela. Ni à Marie, ni à aucune autre fille. Sinon, où que tu sois, tu auras affaire à moi. Maintenant, dégagez !

Les deux compères ne se le firent pas dire deux fois et partirent en courant.

Angel se tourna vers Marie et lui demanda avec une immense douceur :

— Ça va ?

Elle était incapable de répondre. Elle était muette de stupeur, encore sous le choc de ce qu'elle venait de subir. Si Angel n'était pas apparu comme par magie, ces deux types l'eussent sans doute... L'idée la glaçait, elle se figea encore plus. Elle vit alors Angel ouvrir lentement ses bras, l'invitant à venir se réfugier contre lui. Et à sa propre surprise, ce fut ce qu'elle fit. Elle vint se blottir contre ce garçon qui certes venait de la sauver, mais qu'elle connaissait à peine et qui pourtant lui inspirait une confiance absolue. Elle posa sa tête contre son large torse et se mit à sangloter. Il referma ses bras autour d'elle et se mit à la bercer doucement. Elle sentait son souffle chaud dans ses cheveux et le rythme lent de sa respiration. Une profonde sérénité l'envahit, une douce quiétude l'enveloppa. Dans les bras de ce quasi-inconnu, elle avait le sentiment d'être protégée. Il l'apaisait. Elle eût pu rester des heures ainsi s'il ne lui avait pas dit :

— Je t'accompagne au cinéma rejoindre Sophie.

Docile, elle se mit en marche. Angel l'entourait de ses bras, l'un autour de ses épaules, l'autre sous son coude. Elle était bien. Cependant, malgré ce bien-être pénétrant, une question finit par la tarauder :

— Comment sais-tu que j'ai rendez-vous avec Sophie au cinéma ?

— Je sais, c'est tout.

Le ton d'Angel était doux mais sans appel. Elle s'apprêtait à insister mais elle se retint sous son regard tendre et franc. Elle faisait confiance à cet homme. Bizarrement, avec lui, elle pouvait accepter de ne pas comprendre ou de ne pas savoir immédiatement. Elle posa cependant une autre question qui la turlupinait :

— Que faisais-tu dans cette rue ?

— Je suis venu te sauver.

Il dit cela sur le ton de l'évidence, avec un gentil sourire qui ne portait aucune trace d'ironie. Devant cette simplicité affichée, elle ne sut qu'ajouter. La réponse et l'attitude d'Angel transpiraient la vérité même si quelque chose échappait à l'entendement de Marie.


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