Révélation (Chap. 7 : 1ère partie)



Cela faisait un mois que le père de Marie était hospitalisé. Il suivait une chimiothérapie. Marie allait le voir tous les jours après les cours. Elle avait tellement peur pour lui. Elle craignait pour sa vie. Cancer, ce mot était fatal. Il charriait avec lui une menace létale, il drainait une odeur mortelle. Elle avait déjà si souvent entendu parler de gens emportés par cette terrible maladie.

Alors qu'elle n'était plus sûre de croire, elle s'était remise à prier : « Mon Dieu, je vous en prie, protégez mon père. Il ne mérite pas de mourir. Tout le monde l'aime, il est gentil avec tous. Je vous en supplie, mon Dieu, dites-moi ce que je dois faire pour que vous le sauviez ! ».

Pour la première fois de sa vie, elle devait affronter l'idée de la mort possible d'un être cher. C'était une pensée douloureuse, sourde, insistante. Inadmissible également. Comment accepter de perdre, définitivement, ce qu'on a de plus cher au monde ? Marie ne pouvait s'y résoudre. Elle houspillait son père, l'encourageait, lui insufflait de l'espoir, tentait de lui transmettre son optimisme.

— Tu vas te battre, Papa. Tu as toujours eu une volonté de fer et un moral d'acier. Alors tu vas y arriver, j'en suis sûre. S'il y a bien quelqu'un qui peut gagner son combat contre la maladie, c'est toi, lui disait-elle avec conviction.

Pourtant, quand elle quittait sa chambre d'hôpital, ou quand au lit elle était sur le point de s'endormir, il arrivait que le doute la tenaillât. « Et si... si... il n'y arrivait pas. Si le cancer était le plus fort... » Une détresse immense s'emparait alors d'elle, suivie aussitôt d'un puissant sentiment de révolte. Non, elle ne voulait pas que son père disparût ! Il n'avait rien fait qui méritât un sort si funeste. C'était trop injuste. Complètement inique. Inacceptable. Marie se sentait gagnée par une obscure colère.

Cette collection d'émotions la soumettait à rude épreuve. D'autant qu'elle s'ajoutait aux sentiments infernaux que le départ d'Angel avait engendrés en elle. La tristesse s'était muée en un désespoir qui semblait irrémédiable, le manque en un désir insoutenable. Tout son être, tout son corps, chaque recoin de son âme, ne semblaient désormais exister que tendus vers une prochaine rencontre avec Angel.

La ronde des questions au sujet d'Angel ne l'apaisait pas non plus. Plus elle y pensait, plus elle se heurtait à un mur d'impossibles. Pourtant, les jours passant, une idée faisait lentement son chemin en elle, bien qu'elle la refusât. Sa raison lui disait qu'elle était folle d'imaginer une telle chose, mais son cœur lui soufflait qu'elle avait raison. Son intuition lui glissait qu'Angel était... comment dire... pas normal, pas ordinaire. A vrai dire, ce que Marie peinait à se formuler, c'était son intime conviction qu'il était un être surnaturel.

Mais l'idée fraya sa voie et quand un jour enfin Marie se l'avoua, elle en fut certes abasourdie, mais elle conçut aussitôt un plan. Elle voulait savoir. En avoir la preuve. Toutes ces questions obsédantes, elle en avait assez ! Elle n'en pouvait vraiment plus. Ne lui avait-il pas dit qu'il serait toujours là pour elle ?

Ce jour-là, par un bel après-midi ensoleillé de juillet, elle enfourcha sa bicyclette jusqu'au bois de Saint-Cucufa. Elle connaissait bien les lieux pour s'y être souvent promenée en famille et y avoir, à chaque automne, ramassé des châtaignes. Elle s'enfonça au cœur de la forêt. Elle atteignit une petite clairière qu'elle avait découverte, enfant, avec son père. Elle posa son vélo contre un arbre. Elle vint se placer au centre de la trouée. Elle était décidée, même si elle appréhendait un peu la suite. Elle prit une grande inspiration et levant les yeux vers le ciel, d'une voix forte mais pleine de souffrance, elle cria :

— Angel, j'ai besoin de toi !

Et elle attendit. Peu. Bientôt elle sentit une brise légère faire bouger les feuilles des arbres alentour, qui parurent saisis d'un murmure annonciateur. Elle perçut la lumière d'un éclair. Une vibration dans la terre, dans l'air. Elle savait ce dont tout cela était le signe. Elle entendit derrière elle une voix familière qui dit :

— Marie...

Elle se retourna. Angel s'avançait vers elle, mi-inquiet, mi-surpris.

— Marie, que se passe-t-il ? 

— J'avais besoin de toi, lui dit-elle, sibylline.

— Que t'arrive-t-il ? s'enquit-il de nouveau.

— J'ai besoin de toi, répéta-telle.

— Pour quoi, Marie ?

— Pour te voir.

— Tu m'as appelé pour me voir ? 

— Oui. Tu m'avais dit que tu serais toujours là pour moi si j'avais besoin. Et j'ai besoin. De te voir. Et de savoir, répondit-elle en le regardant bien droit dans les yeux.

— De savoir quoi ? demanda-t-il avec un haussement de sourcils.

— De savoir qui tu es.

— Et que sais-tu maintenant que je suis là ?


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