Impression (Chap. 1 - 2ème partie)

Elle le revit les jours suivants à la sortie du lycée. Son comportement lui parut de nouveau bizarre : il se mettait à l'entière disposition d'Elodie mais refrénait ses entreprises de plus en plus audacieuses. Marie remarqua qu'il portait une alliance à l'annulaire de sa main gauche. Cela signifiait-il qu'il était marié ? Mais que faisait-il alors près de cette peste d'Elodie ? Chaque soir, il adressait à Marie un bref regard, toujours porteur du même message : « Prends soin de toi s'il te plaît ». Etrange.

Et puis un jour, la prof principale, blême, leur annonça qu'elle avait une bien triste nouvelle. Leur camarade Elodie avait eu un grave accident de scooter. Les médecins n'avaient pas réussi à la sauver. Elle était morte. Un silence de plomb s'abattit sur la classe. Chacun ploya sous l'effroyable nouvelle. Comment accepter une telle tragédie ? Comment était-ce possible ? Une fille de dix-sept ans ! Marie pensa que la veille encore elle l'avait vue roucouler devant Angel, lui saisir la tête entre ses mains et lui planter un long baiser démonstratif. Il s'était laissé faire. Mais après, au lieu d'afficher une mine réjouie, il avait doucement écarté une mèche de cheveux du visage d'Elodie et l'avait regardée d'une façon qui avait paru à Marie infiniment triste. Et maintenant Elodie n'existait plus ! Rayée du monde des vivants. Impensable.

Angel cessa de venir à la sortie des cours. Marie en tira l'inévitable conclusion qu'il était bien venu pour les seuls beaux yeux d'Elodie. « Pour elle seule, mets-le-toi en tête, pauvre conne », se disait-elle. « Ta petite gueule fadasse, il n'en avait rien à faire. Il était là pour l'autre pétasse ! » Et aussitôt elle s'en voulait : on ne parlait pas ainsi d'une morte ! Mais c'était tellement dur d'avoir cru être un tant soit peu distinguée par cet incroyable garçon et de constater qu'il n'en était rien ! Amère désillusion.

Elle tenta de ne plus y penser. Bien sûr, plus elle s'intimait l'ordre de l'oublier, plus ses souvenirs la hantaient. Elle se rendit compte qu'elle avait attendu chaque jour le moment où leurs regards se croisaient. Pendant ces quelques semaines, toutes ses journées n'avaient été tendues que vers ce point d'orgue quotidien. Septembre et octobre lui avaient semblé plus lumineux que d'autres années. Elle s'était levée le matin, avide de la journée à venir. Elle s'était couchée le soir, un trésor au creux de ses pensées. Elle s'était réjouie de l'enchaînement des jours, ponctués par cette croisée des regards. Chaque minute qui était passée lui avait été agréable car elle l'avait rapprochée de l'instant de la rencontre.

Sans ce beau garçon ténébreux dont elle ignorait même le prénom, la vie reprit ses couleurs grises. Les jours retrouvèrent leur morne course sans contour ni relief. Elle se réveillait sans entrain, partait en cours sans allant, vivotait sans envie. Elle faisait les choses sans y être. Les heures de cours passaient sans intérêt, les semaines mouraient dans la monotonie. Un trimestre passa dans cette pâle indifférence.


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