Eloignement (Chap. 5 - fin)



Mais il brisa l'enchantement :

— Marie, je vais partir.

— Oh non, Angel, je ne veux pas que tu partes.

— Je le dois, Marie.

— Mais....

— Mais ? 

— Je ne sais pas... Je ne sais plus... j'ai eu peur... je n'ai plus peur... je suis bien, si bien dans tes bras... et pourtant je ne sais pas qui tu es...

— Tu n'as pas besoin de savoir, dit-il doucement en détachant le mot savoir. Tu sens qui je suis.

— C'est si étrange...

— Tu ne crois pas si bien dire.

— Sophie t'a traité de serial killer, lâcha-t-elle.

Une ombre passa dans les yeux d'Angel. Marie reconnut ce voile de tristesse pour l'y avoir déjà aperçue à deux reprises dans son regard.

— Pardon, Angel, je ne voulais pas te faire de la peine. Je n'y crois pas, moi, à cette histoire de serial killer. Je suis sûre que tu n'as rien à voir avec la mort d'Elodie et de Sandra. Tu les aimais sans doute...

— Non, je n'étais pas là pour les aimer, elles n'étaient guère aimables, mais je ne les ai pas tuées, dit-il posément.

— Tu veux dire quoi par « je n'étais pas là pour les aimer » ? demanda-t-elle, interloquée.

— Je te l'ai déjà dit, Marie, répondit-il de sa voix suave. Je m'occupe de gens. De gens mauvais.

— Mais tu fais quoi avec ? Tu les soignes, tu les rééduques ?

— Certains ne peuvent être soignés de leur mal.

— Angel, je n'y comprends rien. Que fais-tu, en quoi consistent tes missions ?

— Ça aussi, je te l'ai déjà dit, poursuivit-il calmement. Je ne peux t'en dire plus.

— Et aux deux copains de Sandra, tu leur as fait quoi ? C'était quoi cette lumière que j'ai vue ?

— La vérité de leur âme.

— La vérité de leur âme ??? Arrête de te moquer, dit Marie qui pourtant ne doutait pas du sérieux d'Angel dans ses réponses.

Il ne mentait pas, elle en était certaine, mais elle n'en était pas plus éclairée.

— Marie, certaines vérités sont insoutenables.

— Et s'ils reviennent... s'ils recommencent...

— Ils ne recommenceront plus.

— Comment peux-tu en être certain ?

— Je le sais. Ils ne sont plus en état de nuire.

— Que leur as-tu fait ??

— Je te l'ai dit : j'ai fait la lumière sur leur âme.

— Angel, je ne comprends rien à ce que tu me dis. S'il te plaît, dis-moi vraiment les choses.

— Je te dis vraiment les choses. Vraiment. Je ne mens jamais. Je te dis la vérité, même si tu ne la comprends pas.

— Mais...

— Marie, l'interrompit-il doucement. Fie-toi à ta petite voix intérieure qui te dit que tu peux me croire. Crois-moi même si tu ne peux tout comprendre. Ces deux garçons ne feront plus de mal à quiconque. Tout comme Elodie et Sandra.

— Ils sont morts ??

— Non.

— Je te crois mais... Je suis perdue, complètement désorientée par tout ce qui est arrivé depuis que je te connais. J'ai l'impression de perdre la raison, j'ai des tonnes de questions sans réponse à ton sujet et pourtant... quand tu es là... je suis... je suis... oui, voilà, je suis, j'existe comme jamais auparavant.

Il lui sourit et lui caressa la joue du bout des doigts. Pourtant, il dit :

— Marie, je vais partir.

— Pourquoi ? gémit-elle.

— Parce que je le dois.

— Non, reste, supplia-t-elle.

— Je dois partir. Je serai toujours là pour toi, si tu as besoin de moi. Mais je pars. Maintenant je te demande de fermer les yeux et de compter jusqu'à dix.

Elle eut envie de protester, mais la voix d'Angel possédait toujours cette autorité calme et absolue à laquelle elle ne pouvait se dérober. Elle ferma les yeux et compta jusqu'à dix. Quand elle les rouvrit, Angel n'était plus là. Parti. Par où, comment, elle l'ignorait, mais parti. Elle murmura son prénom dans un douloureux soupir : « Angel... » Il lui sembla entendre en écho un « Marie... ».

Elle s'allongea sur son lit avec un indicible sentiment que le départ d'Angel l'avait arrachée à elle-même. Angel parti, c'était de la vie en moins, un désert où s'assécher, une obscurité où s'éteindre.

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